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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Non aux appels pour une conférence de l’ONU sur l’Afghanistan

Par Alex Lantier
11 septembre 2009

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Les projets pour une conférence des Nations unies sur l’Afghanistan au début de l’année prochaine et annoncés dimanche à Berlin par la chancelière allemande Angela Merkel et le premier ministre britannique Gordon Brown sont une imposture politique dirigée contre le peuple afghan et la classe ouvrière.

Les puissances européennes cherchent à désorienter l’opposition populaire à l’occupation de l’Afghanistan conduite par les Etats-Unis en obtenant une autorisation officielle de l’ONU pour leur collaboration continue avec Washington.

Le but recherché par Brown en se rendant à Berlin était, rapporte-t-on, de demander à Merkel de faire passer de 4 200 à 6 000 hommes l’effectif des troupes allemandes en Afghanistan. Toutefois, comme le remarque le Times britannique, le fait d’accepter la demande de Brown aurait été « un suicide électoral » pour Merkel qui brigue sa réélection à l’issue des élections législatives du 27 septembre prochain.

L’opposition populaire grandit dans tous les pays européens et aux Etats-Unis. Des sondages ont révélé en juillet que 62 pour cent des personnes interrogées en Allemagne et 52 pour cent en Grande-Bretagne soutiennent le retrait d’Afghanistan des troupes de leur pays.

Brown et Merkel avaient annoncé qu’avec le président français, Nicolas Sarkozy, ils envisageaient de proposer au secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, l’organisation d’une conférence des Nations unies sur l’Afghanistan qui devrait se tenir au début de l’année prochaine. Le but de cette conférence, comme le montrent clairement leurs commentaires, est d'intervenir davantage dans la guerre en Afghanistan.

Brown a dit que le but était de s’assurer que le réarmement de la police et des forces armées afghanes était « correctement soutenu. » Les responsables de Downing Street ont dit que la conférence se déroulerait à Kaboul ou à Londres.

Merkel a déclaré : « Le but est de ne pas perdre de vue une structure de sécurité durable en Afghanistan… Nous devons progresser de façon décisive sur ce sujet et, lorsque les Afghans prendront davantage de responsabilités pour leur sécurité, alors l’engagement international pourra être diminué. »

Ce bafouage éhonté du sentiment populaire anti-guerre se produit au moment précis où toutes les justifications des combats menés en Afghanistan sont clairement discréditées. L’objectif déclaré du gouvernement américain pour déclencher la guerre, Oussama Ben Laden, dont le réseau Al-Qaïda avait été accusé d’avoir organisé les attentats terroristes du 11 septembre, n’a été mentionné que sporadiquement après qu’il eut échappé d’une manière ou d’une autre aux poursuites américaines en 2001. Les accusations de trucage électoral émises par la presse occidentale contre le régime fantoche du président afghan Hamid Karzaï qui est soutenu par les Etats-Unis ont mis à nu la nature fondamentalement frauduleuse des affirmations selon lesquelles l’Occident lutte pour la démocratie en Afghanistan.

Néanmoins, l’establishment politique aux Etats-Unis et en Europe poursuit l’intensification de la guerre. Le gouvernement Obama a lancé dernièrement une offensive à grande échelle des Marines dans la Vallée de Helmand et est sur le point d’envoyer 21 000 soldats américains en renfort en Afghanistan, un chiffre qui sera certainement augmenté.

Une autre manifestation du caractère criminel de la guerre afghane sont les atrocités du bombardement du 4 septembre impliquant les forces allemandes et américaines près de Kunduz en Afghanistan.

Plutôt que d’envoyer des troupes pour récupérer des camions-citernes détournés puis abandonnés par les forces talibanes, le commandant allemand sur place près de Kunduz a ordonné aux avions de chasse américains de les bombarder. Selon les rapports faits sur place, 130 Afghans ont été tués, y compris un grand nombre de civils qui étaient venus se servir en essence dans les camions. C’est le plus lourd bilan d’une opération militaire allemande à l’étranger depuis la défaite de l’Allemagne nazie dans la Deuxième guerre mondiale.

Le massacre est devenu un sujet politique dans la campagne électorale allemande après que les responsables américains ont essayé de rejeter la faute des atrocités sur l’officier allemand l'accusant d'avoir violé les règles de l’OTAN. Les responsables du ministère allemand des Affaires étrangères ont cyniquement adopté l’absurde position selon laquelle il n’y avait eu aucune victime civile dans le bombardement.

L’ensemble de la guerre constitue le témoignage le plus cru qu’il s’agit d’une entreprise impérialiste flagrante de colonisation de l’Afghanistan. Les attentats du 11 septembre furent exploités comme un prétexte facile pour le déploiement de troupes américaines et de l’OTAN dans un pays qui est au carrefour de l’Asie centrale riche en pétrole et qui joue un rôle de plus en plus crucial dans l’équilibre commercial et stratégique en Eurasie.

Ceci entraîne des risques énormes non seulement pour le peuple d’Afghanistan mais pour la terre entière. La guerre à laquelle Brown, Merkel et Sarkozy ont l’intention d’envoyer davantage de troupes européennes menace déjà de prendre le caractère d’un conflit direct entre les principales puissances du monde.

Se référant au soutien à la résistance afghane issu des régions frontalières du Pakistan, le gouvernement Obama a profité de la lutte afghane pour lancer des opérations militaires au Pakistan voisin. Le Pakistan et l’Inde, son principal rival, se concurrencent de plus en plus dans le but de gagner une influence politique en Afghanistan. Ceci crée des tensions entre la Chine, l’allié du Pakistan, et l’Inde que les Etats-Unis essaient de transformer en contrepoids à la Chine en Asie par le biais de moyen tel l’accord nucléaire indo-américain signé en novembre dernier.

Dans le même temps, la concurrence pour le contrôle des voies d’exportation des ressources énergétiques d’Asie centrale vers l’Occident via le Caucase a déjà conduit à une guerre par procuration entre les Etats-Unis et la Russie : en août 2008, Washington avait encouragé le gouvernement géorgien à attaquer les forces russes en Ossétie du Sud. Le gouvernement Obama continue de faire pression pour que la Géorgie et l’Ukraine soient intégrées à l’OTAN malgré l’opposition de plusieurs membres de l’OTAN, y compris l’Allemagne et la France.

Ces tensions qui montent jouent certainement un rôle significatif dans la décision de lancer la conférence au cours de laquelle les puissances européennes pourront marchander avec Washington en faveur de leurs propres intérêts en matière d'énergie, de défense et d'autres intérêts de leurs grandes entreprises.

Toutefois, la participation à la guerre en Afghanistan est dans une plus grande mesure une tentative des puissances européennes de maintenir leur alliance avec les Etats-Unis. Etant tributaires de Washington en tant que gendarme du monde, auquel les impérialistes européens se sont adaptés, ils ne veulent pas risquer un retour à l’unilatéralisme américain qui avait marqué la politique du gouvernement Bush. Leur but est une intensification de la guerre élaborée de concert avec Washington.

La population laborieuse doit intégralement rejeter la politique cynique et militariste de l’impérialisme européen. La revendication d’un retrait immédiat et inconditionnel de l’ensemble des troupes étrangères d’Afghanistan doit être formulée.

La lutte contre la guerre doit se fonder sur un appel révolutionnaire et socialiste pour les intérêts de la classe ouvrière internationale. Les milliards dépensés dans l’achat d’armement et le déploiement de troupes seront soutirés à la classe ouvrière de tous les pays belligérants en plus des milliers de milliards déjà versés aux grandes banques aux Etats-Unis et en Europe. Outre les coûts économiques, les travailleurs vont endurer tout le poids du nombre de morts et de destruction des guerres à venir qui menacent de plus en plus de déclencher un conflit mondial catastrophique.

Nul mouvement ouvrier contre la guerre ne peut se développer sans que soient tirés les enseignements amers de l’échec du mouvement contre la guerre avant l’invasion américaine de l’Irak en 2002-2003. Malgré une opposition internationale énorme à la guerre qui s’était exprimée dans les manifestations les plus vastes de l’histoire, le crime de guerre brutal avait été lancé. L’occupation de l’Irak se poursuit à ce jour sous le gouvernement Obama en toute complicité avec l’ensemble des puissances européennes.

Le mouvement de 2002-2003 se révéla être impuissant parce qu’il resta politiquement subordonné à la bourgeoisie et à ses partis. Aux Etats-Unis, les politiciens du même Parti démocrate qui mène aujourd’hui la guerre en Afghanistan et en Irak avaient harangué la foule des manifestants. Dans les manifestations européennes, des organisations telles la coalition anti-guerre « Stop the War Coalition » avaient scandé « Vive la France » dont le gouvernement s’était provisoirement opposé à la politique belliqueuse des Etats-Unis à l’ONU. Aujourd’hui, la France compte quelque 3000 soldats en Afghanistan.

Les organisations de la classe moyenne qui avaient dirigé ces manifestations ont définitivement effectué un virage à droite en l’espace de six ans. Aux Etats-Unis, elles ont rejoint le gouvernement Obama et de ce fait portent la responsabilité politique de l’intensification de la guerre en Afghanistan. Leurs homologues européens sont de plus en plus enclins à rejoindre le gouvernement ou à intégrer sa périphérie. Ceci s'est le plus clairement illustré par le soutien universel accordé par les organisations de la classe moyenne à la campagne orchestrée par les médias occidentaux qui se sont ralliés derrière le candidat présidentiel iranien perdant, Mir Hossein Moussavi, lors des élections iraniennes de juin dernier.

L’effondrement de l’opposition à la guerre au sein de la bourgeoisie et des ex gauchistes de la classe moyenne ouvre la voie à l’émergence de la classe ouvrière en tant que force sociale dirigeante dans les mouvements anti-guerre à venir. Le Comité international de la Quatrième Internationale s’impose la tâche de préparer politiquement un tel mouvement.

(Article original paru le 8 septembre 2009)

 

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