Les projets pour une conférence des Nations unies sur l’Afghanistan au
début de l’année prochaine et annoncés dimanche à Berlin par la chancelière
allemande Angela Merkel et le premier ministre britannique Gordon Brown sont
une imposture politique dirigée contre le peuple afghan et la classe
ouvrière.
Les puissances européennes cherchent à désorienter l’opposition populaire
à l’occupation de l’Afghanistan conduite par les Etats-Unis en obtenant une
autorisation officielle de l’ONU pour leur collaboration continue avec
Washington.
Le but recherché par Brown en se rendant à Berlin était, rapporte-t-on,
de demander à Merkel de faire passer de 4 200 à 6 000 hommes l’effectif des
troupes allemandes en Afghanistan. Toutefois, comme le remarque le Times
britannique, le fait d’accepter la demande de Brown aurait été « un suicide
électoral » pour Merkel qui brigue sa réélection à l’issue des élections
législatives du 27 septembre prochain.
L’opposition populaire grandit dans tous les pays européens et aux
Etats-Unis. Des sondages ont révélé en juillet que 62 pour cent des
personnes interrogées en Allemagne et 52 pour cent en Grande-Bretagne
soutiennent le retrait d’Afghanistan des troupes de leur pays.
Brown et Merkel avaient annoncé qu’avec le président français, Nicolas
Sarkozy, ils envisageaient de proposer au secrétaire général de l’ONU, Ban
Ki-Moon, l’organisation d’une conférence des Nations unies sur l’Afghanistan
qui devrait se tenir au début de l’année prochaine. Le but de cette
conférence, comme le montrent clairement leurs commentaires, est
d'intervenir davantage dans la guerre en Afghanistan.
Brown a dit que le but était de s’assurer que le réarmement de la police
et des forces armées afghanes était « correctement soutenu. » Les
responsables de Downing Street ont dit que la conférence se déroulerait à
Kaboul ou à Londres.
Merkel a déclaré : « Le but est de ne pas perdre de vue une structure de
sécurité durable en Afghanistan… Nous devons progresser de façon décisive
sur ce sujet et, lorsque les Afghans prendront davantage de responsabilités
pour leur sécurité, alors l’engagement international pourra être diminué. »
Ce bafouage éhonté du sentiment populaire anti-guerre se produit au
moment précis où toutes les justifications des combats menés en Afghanistan
sont clairement discréditées. L’objectif déclaré du gouvernement américain
pour déclencher la guerre, Oussama Ben Laden, dont le réseau Al-Qaïda avait
été accusé d’avoir organisé les attentats terroristes du 11 septembre, n’a
été mentionné que sporadiquement après qu’il eut échappé d’une manière ou
d’une autre aux poursuites américaines en 2001. Les accusations de trucage
électoral émises par la presse occidentale contre le régime fantoche du
président afghan Hamid Karzaï qui est soutenu par les Etats-Unis ont mis à
nu la nature fondamentalement frauduleuse des affirmations selon lesquelles
l’Occident lutte pour la démocratie en Afghanistan.
Néanmoins, l’establishment politique aux Etats-Unis et en Europe
poursuit l’intensification de la guerre. Le gouvernement Obama a lancé
dernièrement une offensive à grande échelle des Marines dans la Vallée de
Helmand et est sur le point d’envoyer 21 000 soldats américains en renfort
en Afghanistan, un chiffre qui sera certainement augmenté.
Une autre manifestation du caractère criminel de la guerre afghane sont
les atrocités du bombardement du 4 septembre impliquant les forces
allemandes et américaines près de Kunduz en Afghanistan.
Plutôt que d’envoyer des troupes pour récupérer des camions-citernes
détournés puis abandonnés par les forces talibanes, le commandant allemand
sur place près de Kunduz a ordonné aux avions de chasse américains de les
bombarder. Selon les rapports faits sur place, 130 Afghans ont été tués, y
compris un grand nombre de civils qui étaient venus se servir en essence
dans les camions. C’est le plus lourd bilan d’une opération militaire
allemande à l’étranger depuis la défaite de l’Allemagne nazie dans la
Deuxième guerre mondiale.
Le massacre est devenu un sujet politique dans la campagne électorale
allemande après que les responsables américains ont essayé de rejeter la
faute des atrocités sur l’officier allemand l'accusant d'avoir violé les
règles de l’OTAN. Les responsables du ministère allemand des Affaires
étrangères ont cyniquement adopté l’absurde position selon laquelle il n’y
avait eu aucune victime civile dans le bombardement.
L’ensemble de la guerre constitue le témoignage le plus cru qu’il s’agit
d’une entreprise impérialiste flagrante de colonisation de l’Afghanistan.
Les attentats du 11 septembre furent exploités comme un prétexte facile pour
le déploiement de troupes américaines et de l’OTAN dans un pays qui est au
carrefour de l’Asie centrale riche en pétrole et qui joue un rôle de plus en
plus crucial dans l’équilibre commercial et stratégique en Eurasie.
Ceci entraîne des risques énormes non seulement pour le peuple
d’Afghanistan mais pour la terre entière. La guerre à laquelle Brown, Merkel
et Sarkozy ont l’intention d’envoyer davantage de troupes européennes menace
déjà de prendre le caractère d’un conflit direct entre les principales
puissances du monde.
Se référant au soutien à la résistance afghane issu des régions
frontalières du Pakistan, le gouvernement Obama a profité de la lutte
afghane pour lancer des opérations militaires au Pakistan voisin. Le
Pakistan et l’Inde, son principal rival, se concurrencent de plus en plus
dans le but de gagner une influence politique en Afghanistan. Ceci crée des
tensions entre la Chine, l’allié du Pakistan, et l’Inde que les Etats-Unis
essaient de transformer en contrepoids à la Chine en Asie par le biais de
moyen tel l’accord nucléaire indo-américain signé en novembre dernier.
Dans le même temps, la concurrence pour le contrôle des voies
d’exportation des ressources énergétiques d’Asie centrale vers l’Occident
via le Caucase a déjà conduit à une guerre par procuration entre les
Etats-Unis et la Russie : en août 2008, Washington avait encouragé le
gouvernement géorgien à attaquer les forces russes en Ossétie du Sud. Le
gouvernement Obama continue de faire pression pour que la Géorgie et
l’Ukraine soient intégrées à l’OTAN malgré l’opposition de plusieurs membres
de l’OTAN, y compris l’Allemagne et la France.
Ces tensions qui montent jouent certainement un rôle significatif dans la
décision de lancer la conférence au cours de laquelle les puissances
européennes pourront marchander avec Washington en faveur de leurs propres
intérêts en matière d'énergie, de défense et d'autres intérêts de leurs
grandes entreprises.
Toutefois, la participation à la guerre en Afghanistan est dans une plus
grande mesure une tentative des puissances européennes de maintenir leur
alliance avec les Etats-Unis. Etant tributaires de Washington en tant que
gendarme du monde, auquel les impérialistes européens se sont adaptés, ils
ne veulent pas risquer un retour à l’unilatéralisme américain qui avait
marqué la politique du gouvernement Bush. Leur but est une intensification
de la guerre élaborée de concert avec Washington.
La population laborieuse doit intégralement rejeter la politique cynique
et militariste de l’impérialisme européen. La revendication d’un retrait
immédiat et inconditionnel de l’ensemble des troupes étrangères
d’Afghanistan doit être formulée.
La lutte contre la guerre doit se fonder sur un appel révolutionnaire et
socialiste pour les intérêts de la classe ouvrière internationale. Les
milliards dépensés dans l’achat d’armement et le déploiement de troupes
seront soutirés à la classe ouvrière de tous les pays belligérants en plus
des milliers de milliards déjà versés aux grandes banques aux Etats-Unis et
en Europe. Outre les coûts économiques, les travailleurs vont endurer tout
le poids du nombre de morts et de destruction des guerres à venir qui
menacent de plus en plus de déclencher un conflit mondial catastrophique.
Nul mouvement ouvrier contre la guerre ne peut se développer sans que
soient tirés les enseignements amers de l’échec du mouvement contre la
guerre avant l’invasion américaine de l’Irak en 2002-2003. Malgré une
opposition internationale énorme à la guerre qui s’était exprimée dans les
manifestations les plus vastes de l’histoire, le crime de guerre brutal
avait été lancé. L’occupation de l’Irak se poursuit à ce jour sous le
gouvernement Obama en toute complicité avec l’ensemble des puissances
européennes.
Le mouvement de 2002-2003 se révéla être impuissant parce qu’il resta
politiquement subordonné à la bourgeoisie et à ses partis. Aux Etats-Unis,
les politiciens du même Parti démocrate qui mène aujourd’hui la guerre en
Afghanistan et en Irak avaient harangué la foule des manifestants. Dans les
manifestations européennes, des organisations telles la coalition
anti-guerre « Stop the War Coalition » avaient scandé « Vive la France »
dont le gouvernement s’était provisoirement opposé à la politique
belliqueuse des Etats-Unis à l’ONU. Aujourd’hui, la France compte quelque
3000 soldats en Afghanistan.
Les organisations de la classe moyenne qui avaient dirigé ces
manifestations ont définitivement effectué un virage à droite en l’espace de
six ans. Aux Etats-Unis, elles ont rejoint le gouvernement Obama et de ce
fait portent la responsabilité politique de l’intensification de la guerre
en Afghanistan. Leurs homologues européens sont de plus en plus enclins à
rejoindre le gouvernement ou à intégrer sa périphérie. Ceci s'est le plus
clairement illustré par le soutien universel accordé par les organisations
de la classe moyenne à la campagne orchestrée par les médias occidentaux qui
se sont ralliés derrière le candidat présidentiel iranien perdant, Mir
Hossein Moussavi, lors des élections iraniennes de juin dernier.
L’effondrement de l’opposition à la guerre au sein de la bourgeoisie et
des ex gauchistesde la classe moyenne ouvre la voie à l’émergence de
la classe ouvrière en tant que force sociale dirigeante dans les mouvements
anti-guerre à venir. Le Comité international de la Quatrième Internationale
s’impose la tâche de préparer politiquement un tel mouvement.