En réaction à la sanction par le Conseil des droits de
l’homme des Nations unies du rapport Goldstone qui accuse Israël
d’avoir commis des crimes de guerre durant son assaut sur Gaza en
2008-09, ce dernier a dénoncé l’ONU et tente de renverser le droit
international en vigueur.
L’objectif explicite de Tel-Aviv est de fournir carte
blanche aux Forces de défense israéliennes (IDF) pour qu’elles puissent
faire ce que bon leur semble au nom de la « lutte contre le
terrorisme ».
Le rapport du juge sud-africain Richard Goldstone dit que
la guerre contre Gaza était « une attaque délibérément disproportionnée
conçue pour punir, humilier et terroriser une population civile, pour réduire
dramatiquement son pouvoir économique régional pour travailler et subvenir à
ses besoins, ainsi que pour lui imposer un sentiment sans cesse croissant de
dépendance et de vulnérabilité ».
Goldstone a affirmé que le Conseil de sécurité de
l’ONU devrait transmettre l’affaire à la Cour pénale internationale
si Israël ne procédait pas à une enquête indépendante sur la conduite de
l’armée. Les pays signataires des Conventions de Genève de 1949 avaient
le devoir d’user de leurs pouvoirs de « compétence
universelle » afin de chercher et de poursuivre les responsables de crimes
de guerre, a-t-il ajouté.
Le président Shimon Pérès et le premier ministre Benyamin
Netanyahou se sont immédiatement opposés au vote du Conseil des droits de
l’homme de l’ONU, ont qualifié le rapport de biaisé et ont refusé
de se conformer à ses recommandations. Ehoud Barak, ministre de la Défense et
architecte de l’attaque sur Gaza, a refusé même de permettre une
discussion au sein du cabinet sur la tenue d’une enquête. Le gouvernement
voulait donner à l’armée israélienne « un plein appui pour permettre
toute liberté d’action », a-t-il dit.
Netanyahou a insisté qu’aucun officiel israélien
n’allait être jugé pour crimes de guerre et a promis qu’un veto
(c’est-à-dire celui de Washington) allait rejeter la résolution au
Conseil de sécurité. Il a donné l’ordre à son gouvernement de préparer
une « campagne mondiale » de lobbying pour modifier les lois
internationales de guerre « dans l’intérêt de quiconque luttant
contre le terrorisme » et dans le but de s’assurer que les pays
abandonnent ou modèrent leurs lois de compétence universelle.
Israël bénéficie du soutien inconditionnel de
l’administration Obama, qui a qualifié le rapport Goldstone
d’inégal tout en faisant du lobbying pour s’assurer qu’il soit
rejeté. Depuis que le rapport a été sanctionné, Washington a réitéré à maintes
reprises son appui à Israël et a publiquement critiqué l’ONU.
Cela a atteint un point culminant la semaine dernière,
lorsque le président Barack Obama a envoyé à Pérès une vidéo de salutation
flatteuse pour la conférence présidentielle de 2009 à Jérusalem, à laquelle
avait assisté en son nom Susan Rice, l’ambassadrice américaine aux Nations
unies.
Prenant la parole lors d’une conférence, Rice a
montré clairement l’attitude de Washington vis-à-vis l’ONU, une
institution qu’elle a décrite comme étant « manifestement imparfaite ».
Elle a rendu clair que l’autorité de l’ONU doit être invoquée
seulement lorsqu’elle s’accorde avec les intérêts américains et
qu’elle doit être écartée lorsqu’elle ne correspond pas à ces mêmes
intérêts.
« Rien ne peut remplacer la légitimité que l’ONU
peut transmettre ou la tribune qu’elle peut offrir pour mobiliser les
coalitions les plus larges possibles pour s’attaquer aux défis mondiaux,
de la non prolifération nucléaire à la santé mondiale », a-t-elle dit.
« Mais les Nations unies sont une institution composée
de nations », a-t-elle poursuivi. « Elle s’élève ou
s’écroule selon la volonté de ses membres. Et les Nations unies doivent
faire plus, beaucoup plus, pour vivre à la hauteur des braves idéaux de sa
fondation — et ses états membres doivent, une fois pour toutes, remplacer
le venin anti-Israël par une reconnaissance de la légitimité d’Israël et
de son droit d’exister en paix et en sécurité. »
Pour Obama, comme pour le président Bush avant lui, les Nations
unies sont un outil utile lorsqu’elles soutiennent et légitiment les
intérêts géopolitiques de Washington. Elles le sont également lorsque les
résolutions onusiennes fournissent un prétexte pour le lancement d’une
guerre illégale d’agression contre l’Irak.
Cependant, lorsqu’une instance de l’ONU tente
de rappeler Israël à l’ordre, son action est dénoncée par Rice comme
étant « fondamentalement inacceptable ». Cela contraste profondément
avec l’attitude de Washington envers l’Iran.
À l’instant même, les Etats-Unis tentent
d’invoquer l’autorité des Nations unies, à travers l’Agence
internationale de l’énergie atomique (AIEA) et du Conseil de sécurité,
pour menacer l’Iran et aller de l’avant avec ses projets pour la
domination stratégique des régions riches en énergie du Moyen-Orient et de
l’Asie centrale.
Lorsqu’il est
question de Téhéran, qui n’est pas accusé de crimes de guerre, mais tente
de développer un programme nucléaire comme le permet le Traité de
non-prolifération nucléaire (un programme pour lequel, selon l’AIEA, on n’a
pas de preuve nette qu’il vise à acquérir l’arme nucléaire), Obama
a affirmé sans équivoque « Le gouvernement iranien doit maintenant faire
la preuve par ses agissements qu’il a des intentions pacifiques ou alors
il devra se soumettre aux normes internationales et à la loi internationale. »
La politique de Washington,
comme celle de Londres, de Berlin ou de Paris, est entièrement déterminée par
ses ambitions impérialistes de contrôler les ressources et les marchés
mondiaux. L’ONU n’étant en réalité rien d’autre qu’une
couverture pratique ou un endroit où marchander pour la satisfaction de ces
ambitions. Le régime actuel en Iran est vu comme un obstacle à ces visées.
Israël a longtemps été le
gardien des intérêts des Etats-Unis dans la région et, aujourd’hui, il
offre une voie probable d’attaque militaire sur Téhéran et ces
installations nucléaires, si Washington en décidait ainsi.
Tout en cherchant à
défendre un allié stratégique, les Etats-Unis et l’Europe sont déterminés
à éviter la création d’un précédent dangereux pour eux qui pourraient
mener à des poursuites pour leurs propres crimes de guerre en Irak, en Afghanistan
et au Pakistan.
Netanyahou sait tout cela.
Il a averti les grandes puissances dans sa réponse au rapport Goldstone : « Il
ne s’agit pas d’un problème seulement pour nous. S’ils
accusent des officiers de l’IDF, des commandants de l’IDF, des
soldats de l’IDF, des pilotes de l’IDF et même des dirigeants, ils
vont vous accuser vous aussi. Quoi, l’OTAN ne combat-il pas en plusieurs endroits ?
Quoi, la Russie ne combat-elle pas en plusieurs endroits ? »
Une telle connivence
politique explique pourquoi les Etats-Unis laisse Israël défier aussi
ouvertement l’ONU, alors que l’Iran est proclamé l’ennemi du
monde. C’est ce qui explique qu’Obama déclare que les Etats-Unis et
Israël sont des « démocraties » qui « peuvent modeler leurs
propres destinées », alors même que Netanyahou cherche à légitimer des
crimes de guerre et qu’au contraire l’Iran est l’objet de
sanctions et de menaces.
Et c’est pourquoi le
premier ministre britannique Gordon Brown et le président français Nicolas
Sarkozy ont écrit à Netanyahou pour déclarer qu’ils reconnaissaient à Israël
« le droit à l’auto-défense » après l’adoption du rapport
Goldstone alors que Brown demande que l’on trace « les limites à ne
pas dépasser » sur la question des « violations des engagements
internationaux » de l’Iran.
(Article original anglais
paru le 28 octobre 2009)