La journée d'action du 22 octobre, à l'appel de la
CGT (Confédération générale du travail) fait partie d'un programme conjoint des
syndicats et du gouvernement Sarkozy pour gérer la crise économique aux dépens
de la classe ouvrière.
Il s'agit du septième appel des syndicats cette
année à une journée nationale d'action. Les millions qui ont répondu présent
aux mobilisations du 29 janvier et du 19 mars n'étaient plus que moins de 3000
à Paris le 7 octobre et à peine 2000 à Marseille. Les travailleurs commencent à
voir que les syndicats, au lieu de s'opposer à la politique du gouvernement, la
défendent au contraire.
La CGT (principale confédération syndicale
française, proche du Parti communiste stalinien) prétend que cette journée
d'action fait partie d'une campagne contre le chômage. C'est une affirmation
totalement fausse. Ses tracts appelant à la mobilisation insistent sur la
nécessité d'une politique industrielle « durable » pour
l'industrie française. Cela fait partie intégrante d'une initiative conjointe
avec le gouvernement, « une très bonne idée de Bernard Thibault [leader de
la CGT] » selon Sarkozy, de réunions et de consultations entre les patrons
d'industrie, les syndicats et des représentants du gouvernement. Ces réunions
et consultations culmineront en février prochain en des états-généraux
nationaux visant à établir « une nouvelle politique industrielle pour la
France ».
Un élément crucial de la stratégie CGT/Sarkozy est
la tentative d'embobiner les travailleurs dans un conflit nationaliste avec
leurs frères et soeurs de classe à l'étranger. Le tract pour la journée
d'action de la CGT métallurgie commence par une citation de Sarkozy qui a dit
qu'« un pays ne pouvait être économiquement fort s'il n'avait pas une
industrie forte » et le tract poursuit en dénonçant « les
délocalisations ou les nouvelles implantations vers les pays "low costs" ».
La crise mondiale actuelle est la pire depuis le
crash de 1929, et peut-être plus grave encore. Elle a fait grimper le nombre de
personnes confrontées à la famine dans le monde à un milliard et beaucoup
pensent qu'elle n'en est encore qu'à ses débuts. Un rapport de l'Organisation
internationale du travail (OIT) publié le 3 juin fait remarquer :
« Le dernier trimestre de 2008 et le premier trimestre de 2009 ont vu la
chute rapide et synchronisée de l'investissement, de la consommation, de la
production et du commerce dans le monde, ce qui a conduit à des suppressions
massives d'emplois dans de très nombreux pays. » Le directeur général de
l'OIT Juan Somavia a dit que l'expérience de crises passées indique que le
retour à l'emploi ne revient qu'après «un retard de quatre à cinq ans. »
Le 5 octobre, il a dit aussi : « Pour les gens qui perdent leur
emploi, la crise n'est pas terminée. »
Le programme de la CGT n'a pas pour objectif de
s'attaquer à ces questions ni de sauvegarder les 100.000 emplois supprimés
durant les six derniers mois dans l'industrie automobile française et ses
fournisseurs. Il ne cherche pas non plus à empêcher la suppression des 300.000
emplois qui devraient disparaître dans un avenir proche, ni à apporter une
réponse à une augmentation de 600.000 du nombre de chômeurs prévus pour 2009.
Ce programme cherche à forcer les travailleurs à accepter la destruction de
leurs droits et de leur niveau de vie afin de garantir la survie et la
compétitivité de l'industrie française et du patronat dans la situation
périlleuse de la récession mondiale et la ruée vers les ressources. La CGT se
contente d'appeler à des négociations tripartites suivant le projet
Thibault/Sarkozy. A aucun moment le tract ne suggère que l'industrie devrait
être placée sous le contrôle de la classe ouvrière, en tant que service public,
ni ne suggère une lutte conjointe des travailleurs de tous les pays contre la
crise.
La guerre de classes menée par Sarkozy contre la
classe ouvrière est inséparablement liée à l'intensification de la guerre
commerciale et du militarisme impérialiste, représentés par les interventions
des forces armées françaises en Afghanistan, en Somalie et ailleurs.
A l'usine Continental de Clairoix cette année, la
CGT et d'autres syndicats étaient engagés dans des négociations tripartites
avec les patrons et le gouvernement, qui ont conduit à un accord fermant
l'usine avec la perte de tous les 1 120 emplois. Présentée comme une victoire,
l'accord d'une compensation de 50 000 euros d'indemnité de chômage pour chaque
salarié, avait pour contrepartie la garantie des syndicats qu'ils ne
mobiliseraient pas contre les licenciements et fermetures d'usines Continental
dans toute l'Europe. Cet accord a aussi complètement laissé tomber les
fournisseurs de l'usine de Clairoix. Les travailleurs de chez Mollex, Faurecia
et Caterpillar peuvent faire état de situations similaires.
En 2007, la CGT et d'autres syndicats de cheminots,
lors d'une table ronde tripartite avec la direction et le gouvernement, avaient
étouffé les deux grèves nationales de cheminots et négocié la fin du régime
spécial de retraite des travailleurs.
La CGT met en avant la nécessité d'augmenter les
salaires, les retraites et de réduire la durée du travail. Mais la semaine de
35 heures et les limites statutaires de durée hebdomadaire du travail avaient
été volontairement abandonnées par la CGT et la CFDT (Confédération française
démocratique du travail, second plus important syndicat et proche du Parti
socialiste) dans un accord passé avec Sarkozy et connu sous le nom de
« Position commune du 9 avril 2008 sur la représentativité, le
développement du dialogue social et le financement su syndicalisme. » En
contrepartie, les principaux syndicats étaient parvenus à une collaboration
renforcée avec la direction dans les affaires de l'entreprise ainsi qu'à des
plans de carrière améliorés pour leurs représentants.
La situation dans l'industrie automobile américaine
donne une idée des évolutions se produisant dans le monde entier, y compris en
France. La décision du président Obama de permettre à GM de se mettre en
faillite et de rétablir ses secteurs profitables après avoir supprimé des
dizaines de milliers d'emplois, diminué de moitié les salaires et détruit
l'assurance maladie et les retraites des travailleurs, fait partie d'une
stratégie consistant à appauvrir les travailleurs et de les rapprocher du
niveau salarial des travailleurs des pays asiatiques. Le syndicat américain de
l'automobile UAW a négocié ces mesures et obtenu en retour la gestion des
retraites des travailleurs, qui ont été converties en actions de l'entreprise,
faisant du syndicat un patron majeur des employés de GM, aux côtés d'autres
actionnaires.
C'est ce qui attend les travailleurs d'Europe et du
reste du monde. Les actions des syndicats en coopération avec le plan de
relance de Sarkozy pour l'industrie suivront la même voie. La guerre à
l'étranger, en Afghanistan, Irak et peut-être en Iran et l'austérité dans le
pays font partie de la même réponse à la crise capitaliste que chaque gouvernement
cherche à surmonter par le nationalisme et des mesures protectionnistes, avec
l'aide et le soutien des syndicats de chaque pays.
Une couverture de gauche est apportée aux syndicats
par le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) et Lutte ouvrière (LO). Tous deux
ont salué la trahison de Clairoix comme une « victoire. » Le NPA a
donné la garantie écrite qu'il n'opposerait pas de critique aux trahisons de la
CGT et d'autres syndicats. Après que la CGT eut refusé de se rendre à
l'université d'été du NPA, car il s'y trouvait des travailleurs critiques de
Thibault (notamment Xavier Mathieu de Continental Clairoix) le NPA a rencontré
la CGT le 1er octobre et lui a dit, selon son propre reportage, que « Le
NPA a réaffirmé qu'il n'avait pas vocation à se substituer aux
syndicats... » et que « Le NPA a tenu à dire à la CGT que sa crainte
de construction d’un courant NPA dans la CGT, était sans fondement. L'autonomie
des syndicats quant à la défense des salariés va de soi pour le NPA... »
Les syndicats et les partis traditionnels de la
classe ouvrière sont complètement complices du gouvernement et du patronat dans
le monde entier au moment où la situation des travailleurs et des jeunes est
poussée à un niveau de pauvreté pareil à celui des années 1930. La soi-disant
« gauche radicale » (NPA et LO)font tout pour maintenir les
travailleurs dans le giron des syndicats et du Parti communiste et du Parti
socialiste.
Il est nécessaire de construire, en révolte contre ces organisations,
des partis de la classe ouvrière qui soient indépendants, armés d'un programme
internationaliste pour l'expropriation socialiste de l'économie et sa mise sous
le contrôle démocratique des travailleurs. Nous encourageons fortement les
travailleurs et les jeunes à mettre en place des comités d'action par la base
et qui soient indépendants et à participer avec le Comité international de la
Quatrième Internationale (CIQI) à la construction de partis en France, en
Europe et dans le monde entier.