Les manifestations qui se déroulent en ce
moment dans le monde entier, y compris les occupations d'amphis pendant des
semaines dans un certain nombre de pays européens sont un pas important dans la
lutte contre la restructuration du système éducatif régie par la logique du
profit. Ces protestations sont partie intégrante des conflits sociaux qui sont
en train d'éclater à l’échelle internationale au fur et à mesure que la crise
s’approfondit.
Il faut
saluer les revendications exprimées par les étudiants après d’intenses
discussions : la fin du système éducatif basé sur des frais d’inscription
et qui restreint l’accès à l’éducation supérieure à tous sauf à une élite
riche, la démocratisation des établissements scolaires et des universités, et
l’augmentation du financement pour l’éducation.
Ce serait
néanmoins une erreur complète de croire que de tels objectifs peuvent être
réalisés sur la base de simples protestations. Les étudiants et les
travailleurs ne sont pas simplement confrontés à une politique éducative malavisée, mais plutôt à une restructuration
délibérée du système éducatif dans l’intérêt du système de profit. Cette
politique a été soutenue par tous les principaux partis politiques et appliquée
en dépit d’une série de protestations et de manifestations de ceux qui sont
concernés.
Au cœur des
changements en Allemagne et en Europe se trouve la subordination de l’éducation
aux besoins directs du marché capitaliste. L'enseignement dispensant une
culture générale sera remplacé par une formation dont le but est de produire en
un temps record des spécialistes dans un domaine en particulier. L'avancement
de l'âge de la scolarisation, le raccourcissement de la scolarité à 12 années,
et l’introduction d’un diplôme de bachelor (Licence) ont servi à réduire de
plusieurs années le temps moyen de formation dans la vie des étudiants.
Ce qu'on appelle le processus de Bologne,
introduit par l’Union européenne, vise l’application du GATS (General Agreement
on Trade in Services, en français Accord général sur le commerce des services,
AGCS)dans toute l'Europe. Selon l’accord GATS, tous les services, et en premier
lieu l’éducation, doivent être strictement soumis aux dictats du libre marché.
Les centaines de milliards investis dans l’éducation par les Etats de par le
monde doivent être détournés pour servir les intérêts et les bilans du patronat
et des investisseurs.
Ceci signifie que les activités des maternelles,
des établissements scolaires et des universités seront soumises à une analyse
coût-utilité et traitées en conséquence. Il en résultera inévitablement une
augmentation du stress chez les étudiants et un délabrement plus grand des
bâtiments et des installations. Les cours ayant un contenu social et ceux
encourageant et développant la pensée critique des étudiants seront de plus en
plus sacrifiés. L'éducation mettant l'accent sur la culture générale sera
réservée à une infime élite disposant de l’argent et des contacts appropriés.
Tous ces processus sont en train de
s’intensifier au fur et à mesure que s’approfondit la crise économique.
L’effondrement des marchés financiers a conduit à une aggravation des
inégalités sociales. Dans une situation où des coupes énormes sont faites dans
un certain nombre de structures sociales, où les salaires sont réduits et où
des systèmes entiers de services sociaux sont démantelés, le gouvernement
allemand a octroyé aux grandes banques deux mille milliards d’euros d’argent du
contribuable. Le gouvernement allemand actuel est bien décidé à récupérer cet
argent en lançant des attaques supplémentaires contre les intérêts de
l'ensemble de la population.
Une telle politique ne se limite pas
seulement à la restructuration du système éducatif. Après une scolarité
raccourcie en raison du « Turbo-Abi » (Turbo-bac), les jeunes de
vingt ans seront jetés sur un marché du travail qui regorge d’emplois précaires
et de bas salaires. La plupart des jeunes diplômés de l'université dépendent
d’ores et déjà d'un salaire et travaillent dans des conditions de précarité
permanente. Ils font partie de la classe ouvrière.
Lorsqu’il s’agit de la défense de nos
droits, les étudiants, tout comme le reste de la population laborieuse en
Allemagne, sont confrontés non seulement à l’actuelle coalition gouvernementale
des partis conservateurs et du Parti libéral démocrate (Freie Demokratische
Partei, FDP), mais aussi aux autres partis politiques auxquels s’ajoutent le
patronat et les syndicats. Ils collaborent tous ensemble pour sauver le
capitalisme aux dépens de la majorité de la population.
Durant les sept ans où elle était au pouvoir
(1998-2005), la coalition rouge-verte, Parti social-démocrate (SPD)-Verts, a
imposé des attaques sans précédent contre les acquis sociaux, y compris son
Agenda 2010, en lançant aussi le pays dans de nouvelles guerres d’agression en
violation des lois internationales. Elle a aussi initié l’application du
processus de Bologne en Allemagne. Toutes les promesses électorales faites par
les partis en faveur d’un système éducatif libre et équitable se sont
volatilisées sitôt le SPD et les Verts arrivés au pouvoir.
Seul le parti La Gauche a dépassé le cynisme
du SPD et des Verts. Bien que les fédérations de jeunesse et d’étudiants du
parti La Gauche aient été présentes à chaque manifestation contre les coupes
dans l’éducation, La Gauche à Berlin a procédé, de concert avec le SPD, à
réduire radicalement les dépenses dans le domaine de l’éducation dans la
capitale.
Dans les universités, le soi-disant Sénat
« rouge-rouge » de Berlin a économisé 75 millions d’euros en
supprimant 216 postes de professeurs (près d’un quart du total), en licenciant
500 autres personnels, en fermant des facultés entières et en supprimant 10.000
postes universitaires dans la ville.
Des coupes identiques ont été faites à
Berlin dans les établissements scolaires qui, comme les universités, sont en
mauvais état et ont un besoin urgent d’aide financière. Le Sénat a introduit de
nouveaux frais à la charge des parents (en moyenne jusqu’à 100 euros par an et
par enfant) pour financer le matériel éducatif. De plus, le Sénat de Berlin a
supprimé, entre 2005 et 2006, 400 postes d’auxiliaires d’enseignement. Le trou
correspondant aux postes vacants a été bouché en augmentant à raison de deux
heures par semaine la charge de travail des professeurs à plein temps.
Le SPD, La Gauche et les Verts ont montré
qu’ils ne céderont pas d’un iota à la pression de la rue. D’innombrables
protestations de grande envergure contre la guerre en Irak et en Afghanistan,
contre les mesures Hartz IV et les manifestations de 2003 à Berlin contre les
coupes claires dans l’éducation n'ont pas réussi à inciter ces partis à
s’écarter de leur cap. Ils sont imperturbables dans leur défense du système capitaliste
en crise.
La réponse à apporter à ces vastes attaques
contre l’éducation ne peut être qu’un mouvement politique de la classe
ouvrière, qui soit indépendant. A cet égard, les occupations d'amphis, les
grands débats dans les assemblées générales au sujet des revendications et des
perspectives sont à saluer. La tâche consiste à présent à faire de ce mouvement
le point de départ d’une mobilisation générale de la population laborieuse.
Un tel mouvement doit créer des organes
fonctionnant indépendamment des vieilles bureaucraties, des partis officiels et
des syndicats. Il doit avant tout rejeter toute solution avancée dans le cadre
du capitalisme. En tant que mouvement international, il doit adopter un programme socialiste qui donnera la priorité au
principe de l’égalité sociale au lieu d’enrichir une infime couche sociale.
La lutte pour un système éducatif de culture
générale et gratuit pour tous joue un rôle substantiel dans cette lutte. C’est
une condition préalable cruciale à une société démocratique authentique. Si
l’éducation doit être organisée en fonction des besoins de la population et
servir au développement de tous, alors elle doit être libérée de l’emprise du
système de libre marché pour être placée sous contrôle démocratique. La lutte
pour un système éducatif de culture générale et juste est donc étroitement liée
à la lutte pour la transformation socialiste de la société.
Les protestations dans l’éducation nationale
soulèvent des questions dont les réponses ne se trouvent pas simplement dans
les universités. Nous sommes confrontés à la tâche de développer un mouvement
social mondial qui a pour but de remplacer le capitalisme. Tel est l’objectif
de l’Internationale étudiante pour l’égalité sociale et qui est affiliée à la Quatrième Internationale. Nous
invitons les étudiants à prendre contact avec nous
et à rejoindre aujourd’hui l’IEES.