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WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

Que préparent les Etats-Unis au Pakistan ?

Par Keith Jones
6 mai 2009

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En visite cette semaine à Washington pour une rencontre tripartite avec le président Obama et Hamid Karzaï de l’Afghanistan, le président pakistanais Asif Ali Zardari subira sans aucun doute d’autres pressions pour qu’il permette aux forces militaires américaines de combattre à l’intérieur du Pakistan.

L’establishment politique et militaire des Etats-Unis ainsi que les médias américains mènent depuis des semaines une campagne de plus en plus stridente pour intimider Islamabad à se conformer entièrement aux diktats américains, dans ce que Washington a redéfini comme la zone de guerre de l’AfPak (Afghanistan-Pakistan).

Suivant les ordres des Etats-Unis, l’armée pakistanaise mène depuis 10 jours une offensive sanglante, composée de tirs aériens et d’artillerie lourde, contre la milice talibane pakistanaise dans la Province de la frontière du Nord-Ouest (NWFP). Cette offensive a causé la mort d’un grand nombre de civils et a forcé des dizaines de milliers de villageois pauvres à fuir la région. 

Entre 600 000 et un million de Pakistanais sont maintenant des réfugiés en raison de la poussée de l’Etat pakistanais pour pacifier la NWFP et les Régions tribales fédéralement administrées (FATA), dans le but de soutenir l’occupation américaine de l’Afghanistan.

L’élite dirigeante américaine a accueilli la plus récente série de violences, mais elle est loin d’être satisfaite. La rafale de menaces, implicites et explicites, contre le Pakistan, son peuple et son gouvernement se poursuit sans relâche tout juste avant la visite de Zardari à Washington.

Lors d’une conférence de presse le 29 avril, Obama a décrit le gouvernement civil du Pakistan comme étant « très fragile » et n’ayant pas « la capacité d’offrir les services de base » à son peuple, ou de gagner son « appui et sa loyauté ». Mais il a louangé l’armée pakistanaise et la « solide concertation et collaboration militaire » américano-pakistanaise.

Considérant le rôle central qu’a joué Washington dans le maintien d’une série de dictatures militaires à Islamabad, la déclaration d’Obama fut largement interprétée, tant au Pakistan que dans l’establishment politique américain, comme le signal que Washington envisage organiser un coup d’Etat militaire.

Cela est souligné par des articles citant le commandant du CentCom (Central Command) américain, le général David Petraeus, affirmant que si le gouvernement Zardari ne démontre pas au cours des deux prochaines semaines qu’il peut écraser l’insurrection des talibans au nord-ouest du pays, les Etats-Unis devront déterminer leur « prochain plan d’action ». Petraeus a ensuite déclaré que l’armée du Pakistan était « supérieure » au gouvernement civil.

Il y avait un tel tollé au Pakistan que le porte-parole du département d’Etat, Robert Wood, a été forcé vendredi de nier qu’Islamabad avait un « délai » de deux semaines. Néanmoins, il a carrément déclaré que Washington s’attendait à ce que le Pakistan fasse un « effort de 110 pour cent » dans la lutte contre les talibans, et pas pour « deux jours, deux semaines ou deux mois », mais pour le futur prévisible.

L’envoyé spécial d’Obama en Afghanistan et au Pakistan, Richard Holbrooke, a dénoncé les craintes exprimées dans la presse pakistanaise qui affirment que, moins de neuf mois après que le dernier dictateur appuyé par les Etats-Unis, le général Pervez Moucharraf, eut été forcé de renoncer à la présidence du Pakistan, Washington considère soutenir un gouvernement dirigé par l’armée. « Ce sont des déchets journalistiques… un charabia journalistique », a déclaré Holbrooke.

Les preuves que l’administration Obama prépare de nouveaux crimes au Pakistan afin d’intensifier sa guerre en Asie centrale sont accablantes.

Avec l’objectif clair d’intensifier la pression sur Zardari, l’administration Obama, selon de hauts responsables de l’administration cités la semaine dernière dans le Wall Street Journal et le New York Times, courtise maintenant son ennemi juré, l’ancien premier ministre et chef de la Ligue musulmane du Pakistan (N), Nawaz Sharif.

Obama, lors de sa conférence de presse la semaine dernière, a affirmé que les Etats-Unis veulent respecter la souveraineté pakistanaise. « Mais », a-t-il ajouté, « nous reconnaissons aussi que nous avons d’énormes intérêts stratégiques, d’énormes intérêts de sécurité nationale à nous assurer que le Pakistan demeure stable. »

En d’autres mots, les Etats-Unis vont violer la souveraineté du Pakistan comme ils le désirent. Depuis le mois d’août dernier, les Etats-Unis ont orchestré des douzaines de frappes de missiles à l’intérieur du Pakistan et une attaque terrestre par les Forces spéciales.

La semaine dernière, le secrétaire à la défense Robert Gates a annoncé que l’administration Obama est en train de demander au Congrès américain d’accorder au Pentagone les mêmes pouvoirs quant à l’assistance militaire au Pakistan que celle destinée aux gouvernements fantoches en Irak et en Afghanistan. Sous cette clause « unique », l’assistance militaire au Pakistan ne passerait plus par le département d’État ou ne serait plus sujette aux restrictions de la Loi sur l’assistance étrangère, mais serait plutôt contrôlée entièrement par le Pentagone.

Il y a de plus l’article exceptionnel à la une du New York Times d’hier, intitulé « Les conflits au Pakistan font douter les Etats-Unis sur la sécurité des armes nucléaires ». Écrit par le correspondant du journal à la Maison-Blanche, David Sanger, l’article a tous les signes d’une œuvre de la CIA ou du Pentagone, concocté dans le but de manipuler l’opinion publique et justifier une escalade majeure de l’intervention politique et militaire américaine au Pakistan.

L’article est entièrement fondé sur des déclarations d’anonymes « représentants des Etats-Unis hauts placés ». Selon cet article, en dépit de la déclaration qu’Obama a faite la semaine passée dans laquelle il assurait qu’il avait confiance que l’armée pakistanaise avait le contrôle sur l’arsenal nucléaire du Pakistan, la menace croît que des agents d’al-Qaïda ou des talibans pourraient s’emparer de l’arme nucléaire au Pakistan ou infiltrer ses installations nucléaires.

Pour expliquer comment les islamistes pourraient contourner les contrôles sophistiqués que l’armée pakistanaise, avec le soutien logistique des Etats-Unis, exerce sur son arsenal nucléaire, l’article soutient un scénario digne d’un suspens. Les islamistes déclencheraient tout d’abord un conflit entre l’Inde et le Pakistan pour ensuite s’emparer de l’arme lorsque le Pakistan chercherait à l’approcher de la frontière qu’il partage avec son voisin indien à l’est du pays.

Le New York Times, faut-il le rappeler, a joué un rôle clé pour rallier l’opinion publique américaine à l’invasion de l’Irak. Le mensonge que le gouvernement irakien collaborait avec al-Qaïda et pourrait lui donner accès à l’arme nucléaire qu’il était en train de construire a constitué une partie importante de la campagne de mensonges du New York Times.

Que l’article du New York Times fasse partie d’une campagne coordonnée plus largement a été souligné dans une interview donnée à la BBC par le conseiller à la sécurité nationale d’Obama, le général James Jones lundi dernier, le jour même où l’article du New York Times a été publié.

Jones a indiqué que la principale préoccupation des Etats-Unis était la sécurité de l’arsenal nucléaire pakistanais. Il a menacé de façon à peine voilée le gouvernement pakistanais, disant « Si le Pakistan ne continue pas dans la direction qu’il prend présentement, et que nous ne réussissons pas là-bas, alors, évidemment, la question nucléaire se posera. »

Il a continué en disant que les armes nucléaires pakistanaises tombant entre les mains des talibans serait « le pire des pires scénarios », ajoutant, en choisissant ses mots avec précaution, « Nous allons faire tout en notre pouvoir dans le cadre existant de nos relations bilatérales et de nos relations multilatérales pour nous assurer que cela ne se produise jamais. »

L’administration Obama et le Pentagone soupèsent clairement leurs options quant au Pakistan et au rôle que ce dernier jouera dans la poussée des Etats-Unis pour consolider ses positions géostratégiques en Asie centrale, une région riche en pétrole. Une chose est certaine cependant : ce qu’ils préparent entraînera une augmentation de la violence et de la souffrance pour la population de cette région et va bloquer encore plus les aspirations démocratiques du peuple pakistanais.

(Article original anglais paru le 5 mai 2009)


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