En visite cette semaine à Washington pour une rencontre
tripartite avec le président Obama et Hamid Karzaï de l’Afghanistan, le
président pakistanais Asif Ali Zardari subira sans aucun doute d’autres
pressions pour qu’il permette aux forces militaires américaines de combattre à
l’intérieur du Pakistan.
L’establishment politique et militaire des Etats-Unis ainsi
que les médias américains mènent depuis des semaines une campagne de plus en
plus stridente pour intimider Islamabad à se conformer entièrement aux diktats
américains, dans ce que Washington a redéfini comme la zone de guerre de
l’AfPak (Afghanistan-Pakistan).
Suivant les ordres des Etats-Unis, l’armée pakistanaise
mène depuis 10 jours une offensive sanglante, composée de tirs aériens et
d’artillerie lourde, contre la milice talibane pakistanaise dans la Province de
la frontière du Nord-Ouest (NWFP). Cette offensive a causé la mort d’un grand
nombre de civils et a forcé des dizaines de milliers de villageois pauvres à
fuir la région.
Entre 600 000 et un million de Pakistanais sont
maintenant des réfugiés en raison de la poussée de l’Etat pakistanais pour
pacifier la NWFP et les Régions tribales fédéralement administrées (FATA), dans
le but de soutenir l’occupation américaine de l’Afghanistan.
L’élite dirigeante américaine a accueilli la plus récente
série de violences, mais elle est loin d’être satisfaite. La rafale de menaces,
implicites et explicites, contre le Pakistan, son peuple et son gouvernement se
poursuit sans relâche tout juste avant la visite de Zardari à Washington.
Lors d’une conférence de presse le 29 avril, Obama a décrit
le gouvernement civil du Pakistan comme étant « très fragile » et
n’ayant pas « la capacité d’offrir les services de base » à son
peuple, ou de gagner son « appui et sa loyauté ». Mais il a louangé
l’armée pakistanaise et la « solide concertation et collaboration
militaire » américano-pakistanaise.
Considérant le rôle central qu’a joué Washington dans le
maintien d’une série de dictatures militaires à Islamabad, la déclaration
d’Obama fut largement interprétée, tant au Pakistan que dans l’establishment
politique américain, comme le signal que Washington envisage organiser un coup
d’Etat militaire.
Cela est souligné par des articles citant le commandant du
CentCom (Central Command) américain, le général David Petraeus, affirmant que
si le gouvernement Zardari ne démontre pas au cours des deux prochaines
semaines qu’il peut écraser l’insurrection des talibans au nord-ouest du pays,
les Etats-Unis devront déterminer leur « prochain plan d’action ».
Petraeus a ensuite déclaré que l’armée du Pakistan était
« supérieure » au gouvernement civil.
Il y avait un tel tollé au Pakistan que le porte-parole du
département d’Etat, Robert Wood, a été forcé vendredi de nier qu’Islamabad
avait un « délai » de deux semaines. Néanmoins, il a carrément
déclaré que Washington s’attendait à ce que le Pakistan fasse un « effort
de 110 pour cent » dans la lutte contre les talibans, et pas pour
« deux jours, deux semaines ou deux mois », mais pour le futur
prévisible.
L’envoyé spécial d’Obama en Afghanistan et au Pakistan,
Richard Holbrooke, a dénoncé les craintes exprimées dans la presse pakistanaise
qui affirment que, moins de neuf mois après que le dernier dictateur appuyé par
les Etats-Unis, le général Pervez Moucharraf, eut été forcé de renoncer à la
présidence du Pakistan, Washington considère soutenir un gouvernement dirigé
par l’armée. « Ce sont des déchets journalistiques… un charabia
journalistique », a déclaré Holbrooke.
Les preuves que l’administration Obama prépare de nouveaux
crimes au Pakistan afin d’intensifier sa guerre en Asie centrale sont
accablantes.
Avec l’objectif clair d’intensifier la pression sur Zardari,
l’administration Obama, selon de hauts responsables de l’administration cités
la semaine dernière dans le Wall Street Journal et le New York Times,
courtise maintenant son ennemi juré, l’ancien premier ministre et chef de la
Ligue musulmane du Pakistan (N), Nawaz Sharif.
Obama, lors de sa conférence de presse la semaine dernière, a
affirmé que les Etats-Unis veulent respecter la souveraineté pakistanaise.
« Mais », a-t-il ajouté, « nous reconnaissons aussi que nous
avons d’énormes intérêts stratégiques, d’énormes intérêts de sécurité nationale
à nous assurer que le Pakistan demeure stable. »
En d’autres mots, les Etats-Unis vont violer la souveraineté
du Pakistan comme ils le désirent. Depuis le mois d’août dernier, les
Etats-Unis ont orchestré des douzaines de frappes de missiles à l’intérieur du
Pakistan et une attaque terrestre par les Forces spéciales.
La semaine dernière, le secrétaire à la défense Robert Gates a
annoncé que l’administration Obama est en train de demander au Congrès
américain d’accorder au Pentagone les mêmes pouvoirs quant à l’assistance
militaire au Pakistan que celle destinée aux gouvernements fantoches en Irak et
en Afghanistan. Sous cette clause « unique », l’assistance militaire
au Pakistan ne passerait plus par le département d’État ou ne serait plus
sujette aux restrictions de la Loi sur l’assistance étrangère, mais serait
plutôt contrôlée entièrement par le Pentagone.
Il y a de plus l’article exceptionnel à la une du New York
Times d’hier, intitulé « Les conflits au Pakistan font douter les Etats-Unis
sur la sécurité des armes nucléaires ». Écrit par le correspondant du
journal à la Maison-Blanche, David Sanger, l’article a tous les signes d’une
œuvre de la CIA ou du Pentagone, concocté dans le but de manipuler l’opinion
publique et justifier une escalade majeure de l’intervention politique et
militaire américaine au Pakistan.
L’article est entièrement fondé sur des
déclarations d’anonymes « représentants des Etats-Unis hauts
placés ». Selon cet article, en dépit de la déclaration qu’Obama a faite
la semaine passée dans laquelle il assurait qu’il avait confiance que l’armée
pakistanaise avait le contrôle sur l’arsenal nucléaire du Pakistan, la menace
croît que des agents d’al-Qaïda ou des talibans pourraient s’emparer de l’arme
nucléaire au Pakistan ou infiltrer ses installations nucléaires.
Pour expliquer comment les islamistes
pourraient contourner les contrôles sophistiqués que l’armée pakistanaise, avec
le soutien logistique des Etats-Unis, exerce sur son arsenal nucléaire,
l’article soutient un scénario digne d’un suspens. Les islamistes
déclencheraient tout d’abord un conflit entre l’Inde et le Pakistan pour
ensuite s’emparer de l’arme lorsque le Pakistan chercherait à l’approcher de la
frontière qu’il partage avec son voisin indien à l’est du pays.
Le New York Times, faut-il le
rappeler, a joué un rôle clé pour rallier l’opinion publique américaine à
l’invasion de l’Irak. Le mensonge que le gouvernement irakien collaborait avec
al-Qaïda et pourrait lui donner accès à l’arme nucléaire qu’il était en train
de construire a constitué une partie importante de la campagne de mensonges du New
York Times.
Que l’article du New York Times
fasse partie d’une campagne coordonnée plus largement a été souligné dans une
interview donnée à la BBC par le conseiller à la sécurité nationale d’Obama, le
général James Jones lundi dernier, le jour même où l’article du New York
Times a été publié.
Jones a indiqué que la principale
préoccupation des Etats-Unis était la sécurité de l’arsenal nucléaire
pakistanais. Il a menacé de façon à peine voilée le gouvernement pakistanais,
disant « Si le Pakistan ne continue pas dans la direction qu’il prend
présentement, et que nous ne réussissons pas là-bas, alors, évidemment, la
question nucléaire se posera. »
Il a continué en disant que les armes
nucléaires pakistanaises tombant entre les mains des talibans serait « le
pire des pires scénarios », ajoutant, en choisissant ses mots avec
précaution, « Nous allons faire tout en notre pouvoir dans le cadre
existant de nos relations bilatérales et de nos relations multilatérales pour
nous assurer que cela ne se produise jamais. »
L’administration Obama et le Pentagone
soupèsent clairement leurs options quant au Pakistan et au rôle que ce dernier
jouera dans la poussée des Etats-Unis pour consolider ses positions
géostratégiques en Asie centrale, une région riche en pétrole. Une chose est
certaine cependant : ce qu’ils préparent entraînera une augmentation de la
violence et de la souffrance pour la population de cette région et va bloquer
encore plus les aspirations démocratiques du peuple pakistanais.