Le sommet américain avec l’Afghanistan et le Pakistan
présentement en cours à Washington marque le début d’une escalade des violences
militaires dans les deux pays. Le but de la rencontre pour l’administration
Obama est d’intimider ses laquais, le président afghan Hamid Karzaï et le
président pakistanais Asif Ali Zardari, pour qu’ils obéissent davantage et
d’élaborer une stratégie exhaustive de guerre dans le but de pacifier de larges
régions de chaque côté de la frontière pakistano-afghane qui est présentement
contrôlée par des rebelles islamistes.
L’importance de ce sommet trilatéral est soulignée par la
présence de hauts représentants de l’armée américaine et de l’establishment du
renseignement et de la politique étrangère, dont la secrétaire d’Etat Hillary
Clinton, le directeur de la CIA Leon Panetta, le chef du FBI Robert Mueller et
le général américain du Commandement central David Petraeus, ainsi que leurs
homologues de l’Afghanistan et du Pakistan. D’autres sommets trilatéraux sont
prévus pour coordonner la guerre commune qui va inévitablement coûter la vie à
de nombreuses autres personnes dans les deux pays.
Flanqué de Karzaï et Zardari, Obama a déclaré hier devant
les médias que les Etats-Unis étaient du côté des peuples de l’Afghanistan et
du Pakistan. De telles remarques doivent être rejetées avec le mépris qu’elles
méritent. L’impérialisme américain intensifie ses guerres en Afghanistan et au
Pakistan non pas pour « développer la sécurité, les opportunités et la
justice » pour les populations locales, mais bien afin de servir
l’objectif stratégique de Washington de dominer l’Asie centrale riche en
énergie.
Sous les fortes pressions des Etats-Unis, l’armée
pakistanaise mène actuellement une offensive dans le district de Buner
impliquant 15 000 soldats qui sont appuyés par des hélicoptères et des
avions de combat. L’opération, qui est applaudie à Washington, a déjà fait fuir
de longues colonnes de réfugiés. Selon les officiels locaux, 40 000
personnes ont quitté la région et l’exode pourrait atteindre un demi-million de
réfugiés.
En Afghanistan, les frappes aériennes américaines plus tôt
cette semaine qui ont tué jusqu’à 150 personnes dans le district de Bala Baluk
ne sont que la dernière atrocité d’une guerre qui vise à terroriser le peuple
afghan et réprimer toute opposition à l’occupation néocoloniale. Obama a à
peine fait mention de l’incident, répétant comme à l’habitude que les
Etats-Unis feraient « tout en leur possible » pour éviter les
victimes civiles. Il a sinistrement mis en garde que les violences
augmenteraient, mais que l’engagement des Etats-Unis « n’allait pas
fléchir ».
Les présidents afghan et pakistanais ont tous deux juré
fidélité à Washington et sa « guerre au terrorisme ». Bien qu’Obama
parle d’eux en tant que « dirigeants élus démocratiquement », les
Etats-Unis n’auraient pas de remords à les retirer du pouvoir, d’une manière ou
d’une autre, s’ils ne suivaient pas les ordres. Dans les derniers mois, des
officiels américains ont critiqué sévèrement Karzaï, qui fait face à une
élection en août, pour son administration corrompue et inefficace ainsi que
pour ses critiques de l’armée américaine et des victimes civiles tombées sous
ses attaques.
De hauts représentants américains ont aussi averti Zardari
quant à sa réticence à déclencher une guerre totale contre les guérillas
talibanes. Le New York Times a cité anonymement un officiel de
l’administration déclarant que la guerre au Pakistan allait dépendre de l’armée
pakistanaise, « étant donné surtout le refus du pays, jusqu’à maintenant,
de permettre l’entrée des troupes américaines ». Alors que l’armée
américaine intensifie ses frappes de missiles en toute impunité, Washington
fait clairement pression pour un rôle militaire beaucoup plus grand à
l’intérieur du Pakistan.
Le même journal a publié une série
d’articles sensationnalistes depuis quelques jours qui insistaient sur le
danger que l’arsenal nucléaire pakistanais puisse tomber entre les mains
d’extrémistes islamistes, le même prétexte utilisé par l’administration Bush pour
réaliser son « changement de régime » en Irak. L’administration Obama
considère évidemment plusieurs avenues pour remplacer Zardari si jamais ce
dernier ne réalisait pas les promesses qu’il a faites à Washington.
Des éditoriaux parus hier dans le New
York Times et le Wall Street Journal ont donné un soutien entier aux
nouveaux plans de guerre d’Obama. Les deux journaux ont demandé au Congrès
d’accéder rapidement à la requête d’Obama pour un financement supplémentaire de
plusieurs milliards de dollars pour soutenir les armées et les gouvernements
afghans et pakistanais. Le Wall Street Journal, en particulier, a
demandé qu’aucune contrainte politique de la part du Congrès ne vienne
« gommer les requêtes » ou restreindre la liberté d’action de l’armée
américaine.
Ce consensus démontre que tout
l’establishment politique américain, l’aile libérale représentée par les
démocrates tout autant que sa contrepartie conservatrice représentée par les
républicains, soutient la guerre d’Obama sur deux fronts. L’escalade des
conflits en Afghanistan et au Pakistan montre que les critiques qu’ont faites
Obama et des sections des médias au sujet de la guerre en Irak n’avaient qu’un
caractère entièrement tactique. Obama a été choisi et amené à l’avant-scène
dans les élections de l’an passé par des sections de l’élite dirigeante
américaine qui considérait que l’Irak était une diversion désastreuse des
objectifs et intérêts plus fondamentaux des Etats-Unis en Asie centrale.
Ayant gagné l’élection en faisant appel au
sentiment largement répandu d’opposition à la guerre, Obama accomplit
aujourd’hui la mission pour laquelle il a été choisi. Sous la supervision de
membres clés de l’administration Bush (le secrétaire à la Défense Robert Gates
et le général Petraeus), l’armée américaine prépare une importante offensive
cet été en Afghanistan en doublant le nombre de ses soldats là-bas qui
atteindra 68 000. Au même moment, le Pentagone a mis en place d’autres
voies d’approvisionnement dans le cas où l’escalade de la guerre prévue dans le
Pakistan voisin menacerait les voies d’approvisionnement actuellement utilisées
et qui passent par les régions frontalières de ce pays.
Le Wall Street Journal conclut son
éditorial en insistant auprès de l’administration Obama pour qu’elle clarifie que
« l’implication des Etats-Unis à la sécurité dans cette région se
prolongera longtemps », ajoutant : « Le plus grand danger est
que les faibles institutions du Pakistan et ses dirigeants peu sûrs perdent
leur désir de vaincre les islamistes. C’est ce qui a fait tomber le Shah d’Iran
en 1979. Nous ne voulons pas que la même chose se reproduise à
Islamabad. »
En fait, la dictature impitoyable d’Iran
soutenue par les Etats-Unis n’est pas tombée parce que le Shah a perdu son
désir d’emprisonner et d’éliminer physiquement ses opposants, mais à cause d’un
soulèvement populaire duquel les religieux islamiques ont réussi à prendre le
contrôle. Il y a déjà des signes en Afghanistan et au Pakistan d’une vaste
opposition politique et sociale aux Etats-Unis et à ses régimes marionnettes.
L’avis que donne le Wall Street Journal à Obama est que les Etats-Unis
doivent faire tout ce qui est nécessaire aussi longtemps qu’il le faut pour
supprimer par la violence toute contestation à la domination économique et
stratégique de la région par les Etats-Unis.
L’escalade de la guerre que prépare Obama
ne pourra avoir qu’un effet profondément déstabilisateur sur toute la région et
préparera des conflagrations militaires encore plus importantes et sanglantes.
On ne pourra s’y opposer avec des appels au Parti démocrate ou au Congrès
américain, mais seulement par la mobilisation indépendante des travailleurs aux
Etats-Unis de concert avec la classe ouvrière et les masses opprimées de l’Asie
du Sud, de l’Asie centrale et internationalement. Cette lutte doit être basée
sur une perspective socialiste pour renverser le système capitaliste qui est la
source de l’oppression et de la guerre impérialistes.