Depuis plusieurs
années, les gouvernements québécois libéraux tant que péquistes ont pour
politique de privatiser les parties des services publics desquelles
l’entreprise privée pense pouvoir tirer des profits faciles et souvent garantis
par le gouvernement.
Cette politique de
privatisation rencontre une grande opposition dans de larges couches des
travailleurs, tant du secteur public que privé, qui reconnaissent dans la privatisation,
et avec raison, un des mécanismes mis en œuvre par la bourgeoisie pour imposer
des reculs sur la qualité des emplois et la qualité des services sociaux.
Au contraire, poussées
par une concurrence acerbe et voulant s’enrichir de façon effrénée, les élites
québécoises ne cessent de matraquer l’opinion publique pour encore plus de
privatisation des services publics, pour l’augmentation des différents frais
pour les services et pour la diminution des impôts, diminutions profitant de
façon disproportionnée aux sections les plus riches de la société.
Plusieurs
privatisations sont annoncées en catimini et le processus plus large de la
privatisation n’apparaît qu’après avoir rassemblé et organisé les informations.
Le gouvernement, confronté par l’opposition populaire aux privatisations, mais
voulant satisfaire les intérêts fondamentaux de la grande entreprise, se trouve
forcé d’avancer en louvoyant pour privatiser les services publics.
D’un côté, depuis
plus de 20 ans, les dépenses dans les services publics sont comprimées pour
satisfaire les demandes de mieux nantis pour des diminutions d’impôts. De
l’autre l’élite dirigeante exploite la détérioration des services publics,
conséquence de ses propres politiques de droite, pour avancer une participation
accrue du privé.
Par exemple, la
Cour suprême du Canada a statué en juin 2005 dans l’affaire Chaoulli que les
longs délais pour obtenir des soins médicaux nécessaires et l’interdiction de
recourir à une police d’assurance privée pour de tels soins constituaient une
violation de la garantie de sécurité de la personne incorporée dans la Charte
des droits québécoise. (Voir La Cour suprême du Canada donne le feu vert au
démantèlement du système public de santé.)
De façon générale,
tous les services publics sont dans les mires des gouvernements pour
privatisation : l’éducation, le système de santé, les services sociaux,
l’élaboration, la construction et l’entretien des infrastructures, les prisons
ou la distribution de l’eau.
Le développement
des écoles et des cliniques médicales privées est encouragé directement ou
indirectement et une nouvelle loi sur les partenariats privés-publics a créé
une agence qui a pour mandat d’étudier les possibilités de privatiser tous les
nouveaux projets de développement et de construction dans le secteur public
dépassant la dizaine de millions de dollars.
Lors de son
dernier budget, le gouvernement libéral actuel a annoncé qu’à partir de 2011,
les frais pour les services gouvernementaux (à l’exception des garderies)
allaient augmenter et qu’ils seront basés sur le principe de
l’utilisateur-payeur.
Le gouvernement
québécois est aussi bien avancé dans le processus de modification du cadre
législatif et réglementaire pour permettre la privatisation et la
sous-traitance du secteur public. Le gouvernement obtient des concessions à
chaque ronde de négociations dans le secteur public quant aux protections
contre la sous-traitance et le Code du travail a été modifié pour permettre que
les sous-traitants ne soient pas obligés de conserver les conditions des
travailleurs syndiqués qu’ils remplacent.
Ainsi, depuis 20
ans, plusieurs services connexes comme les cafétérias des écoles ou les
buanderies des hôpitaux ont été donnés en sous-traitance.
L’éducation
Dans certains
secteurs comme l’éducation, la privatisation est déjà bien avancée et continue
de progresser rapidement.
Le Québec
subventionne les écoles privées depuis 1969, aujourd’hui à hauteur de 60 pour
cent. Par comparaison, la majorité des autres provinces canadiennes ne leur
offrent aucun soutien financier direct.
En 2009-10, l'Etat
versera quelque 450 millions de dollars en subventions aux écoles privées du
préscolaire, du primaire et du secondaire.
Plus de 20 pour
cent des élèves du secondaire (et 30 pour cent dans la région de Montréal)
fréquentent des écoles privées. L'effectif du privé a augmenté de plus de 10
pour cent entre 1997 et 2003. Entre 2003 et 2007, l’effectif du privé a augmenté
de 7 pour cent au primaire (par rapport à une perte de 14 pour cent pour le
public) et de 9 pour cent au secondaire (par rapport à une augmentation de 3
pour cent pour le public).
A Laval, une
banlieue au nord de Montréal, les augmentations ont été encore plus marquées.
En quatre années, le nombre d’étudiants inscrits au privé a connu une hausse de
15 pour cent au primaire et de 30 pour cent au secondaire.
Surtout à
Montréal, la grande région industrielle au Québec où vit près de la moitié de
la population et où l’on trouve une grande
concentration de chômeurs et d’assistés-sociaux, l’école
privée est de plus en plus perçue comme une oasis relativement paisible par
rapport aux conditions se détériorant continuellement dans le secteur public et
la très grande majorité des familles des classes plus aisées envoient leurs
enfants dans une école privée.
En plus des
différences évidentes en termes de ressources et d’équipements, un facteur clé
qui explique le meilleur climat régnant dans les écoles privées est l’exclusion
des jeunes de la classe ouvrière, subissant directement les manquements du
système actuel. En particulier, tous les élèves dont l’éducation demande plus
d’attention, souvent une conséquence des conditions de vie de la classe
ouvrière, sont exclus de l’école privée et dirigés vers l’école publique qui,
elle, doit les accepter.
Quant à elles, les
écoles publiques manquent cruellement de moyens, et ce d’autant plus qu’elles
se trouvent dans un milieu défavorisé. Le soutien de pédagogues spécialisés
pour les cas plus lourds est extrêmement déficient dans les écoles publiques et
ces élèves doivent être intégrés dans des classes déjà surpeuplées. Conséquence
directe de cet état de fait, les enseignants du primaire et du secondaire
connaissent un taux élevé de burnout.
Précisément parce
que la privatisation y est plus développée qu’ailleurs, le système de
l’éducation permet de présenter les conséquences d’un système à deux
vitesses : les biens nantis, les classes moyennes et les sections les plus
favorisées de la classe ouvrière paient pour offrir à leurs enfants un
environnement éducatif de meilleure qualité alors que la majorité écrasante de
la classe ouvrière se voit offrir un secteur public aux ressources limitées.
Mais en finançant
partiellement les écoles privées, les gouvernements considèrent qu’ils
économisent sur les dépenses de l’Etat en éducation, et cherchent à étendre le
modèle à tout le secteur public.
Le système de santé
Les services de
santé, principalement quant à leur accès et la qualité des soins, sont une des
questions sociales par laquelle les travailleurs se sentent le plus directement
concernés.
Souvent, les
quotidiens font leur une avec la terrible situation existant dans les hôpitaux
du Québec, résultat du sous-financement chronique et planifié. Par
exemple, le temps d’attente à l’urgence lors d’une hospitalisation dépasse
régulièrement 48 heures à cause du manque de lits ou les infirmières doivent obligatoirement
faire plusieurs heures supplémentaires toutes les semaines à cause du manque de
personnel.
Soi-disant pour
atténuer les problèmes du système de santé et satisfaire aux décisions de la
Cour suprême dans le cas Chaoulli, le parti libéral de Jean Charest a adopté la
Loi 33 en décembre 2006 qui jetait les bases pour permettre un véritable
développement d’un marché privé lucratif, financé en grande partie par les
fonds de l’Etat.
Cette loi
permettait aux assurances privées de couvrir des opérations de la hanche, du
genou et de la cataracte, ce qui était jusqu’alors interdit parce que couvert
par l’assurance-santé publique. Depuis, par règlement, la liste des opérations
qu’il est permis d’assurer de façon privée a été allongée d’une cinquantaine
d’items.
Cette loi est un
mécanisme pour développer la privatisation du système de santé. Elle permettra
de développer un réseau de cliniques privées et d’assureurs privés qui feront
pression sur le gouvernement pour qu’il aille plus loin sur la voie de la
privatisation de la santé. Pour cette tâche, l’ancien ministre libéral de la
Santé, Philippe Couillard, celui-là même qui a concocté la loi 33, a été choisi
pour faire partie du premier fonds d’investissement privé en santé au Canada.
Ce transfert des
opérations au secteur privé fait partie d’un processus plus large du
désengagement de l’Etat.
De 1990 à 2005 la
part du privé des coûts totaux de santé est passée de 26 pour cent à 30 pour
cent au Canada. De larges secteurs de la santé ne sont pas couverts par
l’assurance publique : les examens de la vue, les lunettes, les
médicaments, les prothèses et les orthèses, les soins dentaires ne bénéficient
pas de couverture de l’assurance étatique.
PPP
Depuis cinq ans, le processus de privatisation du secteur public a
connu un important coup d’accélérateur avec la mise en place de l’Agence des
partenariats public-privé (PPP).
Avec les PPP, le gouvernement prétend garder le contrôle des travaux et
laisser à l’entreprise privée la partie mise en œuvre du projet parce qu’elle
serait plus efficace. En fait, le gouvernement cède toute la réalisation, à
partir de la conception et la détermination des besoins à la gestion et
l’entretien des infrastructures en passant par la construction et la
supervision du travail à l’entreprise privée.
Cette façon de faire s’est considérablement développée internationalement
dans les dix dernières années, en particulier en Grande-Bretagne.
L’agence des PPP a pour but d’imposer ce modèle à tous les projets
importants de construction d’infrastructure: construction de deux grands
hôpitaux universitaires, parachèvement des autoroutes 25 et 30, construction de
haltes routières, construction d’une salle de concert pour l’Orchestre
symphonique de Montréal.
Plusieurs sections du grand capital se trouvent ainsi à engranger
d’importants profits garantis par le gouvernement. Les grandes firmes de
consultants en finance, comme KPMG, récoltent des centaines de millions de
dollars en frais pour les études préliminaires, la préparation des plans, devis
et contrats, tâches dont s’acquittaient depuis des décennies la fonction
publique.
Les consortiums réalisant le contrat, eux, obtiennent une garantie de
retour sur leur investissement alors que le gouvernement s’engage à louer
l’infrastructure pendant toute sa période de vie utile. En plus, le
gouvernement après avoir déjà chèrement payé une infrastructure en la louant
des dizaines d’années s’engage à l’acheter à la fin de sa vie utile lorsque les
coûts de réparation deviennent très importants. Bien évidemment, dans les
années avant la vente prévue au gouvernement, l’entretien de l’infrastructure
sera minimal.
Déjà, avec le développement de la crise économique et le resserrement
du crédit actuel, les consortiums d’entreprise qui veulent bénéficier de la
manne étatique ne peuvent financer les projets qu’à un coup élevé. Mais cela
n’arrête pas le gouvernement qui propose de financer une partie importante des
projets, faisant voler en éclat la soi-disant justification des profits des
sociétés impliquées dans un PPP, le fait qu’ils assument le risque financier,
comme on l’a vu pour la construction du CHUM, le nouveau super-hôpital
universitaire au centre-ville de Montréal.
L’argument du risque assumé par le privé sert dans les faits à
hypnotiser la population pour justifier les profits des grandes entreprises.
Comme il a été démontré à maintes reprises en Grande-Bretagne, s’il s’avérait
en cours de route que le contrat ne soit pas assez payant, les consortiums
pourront toujours faire pression sur le gouvernement pour obtenir plus d’argent
ou feront carrément faillite, relayant les coûts au gouvernement. Au final, le
gouvernement paie plus au total pour des services publics qui seront de moindre
qualité et pour lesquels l’exploitation de la classe ouvrière sera accrue,
marge de profit oblige, et offre la garantie de profits aux investisseurs, prenant
au bout du compte tous les risques.