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WSWS : Nouvelles et analyses : Moyen-Orient

La lutte de faction s’intensifie au sein de l’élite dirigeante iranienne

Par Peter Symonds
20 juin 2009

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Une lutte de faction tendue au sein du régime clérical de l’Iran s’est poursuivie alors que des dizaines de milliers de partisans du candidat à la présidence défait, Mir Hossein Mousavi, ont manifesté dans les rues de Téhéran pour une sixième journée consécutive, exigeant de nouvelles élections.

Mousavi a appelé à la manifestation jeudi pour pleurer la mort d’au moins sept manifestants tués dans des affrontements lundi. L’opposition tentant de se départir de son image de formation basée principalement sur les couches moyennes aisées, le rassemblement fut prévu au Imam Khomeini Square, un quartier à majorité ouvrière situé au sud de la capitale où le président sortant Mahmoud Ahmadinejad profite d’un fort appui. La couverture médiatique était limitée étant donné les restrictions imposées aux journalistes étrangers par les autorités iraniennes, y compris l’interdiction d’assister à des manifestations « illégales ».

Jusqu’à maintenant, le chef suprême de l’Iran Ayatollah Ali Khamenei, qui a soutenu Ahmadinejad, semble avoir adopté une position conciliatrice envers Mousavi et ses alliés. Il n’a pas sanctionné la totale répression des opposants d’Ahmadinejad.

Des restrictions ont été établies pour Internet et les médias et, selon Amnistie internationale, au moins 170 personnes sont détenues, dont de nombreux journalistes et « réformistes » en vue. Mais on a permis, jour après jour, aux manifestations de l’opposition de se dérouler sans intimidation notable.

Les décès de lundi seraient survenus après que des manifestants aient lancé des pierres contre un bâtiment Basiji, une milice volontaire étroitement liée à Ahmadinejad, qui a répliqué en tirant dans la foule. Des étudiants de l’Université de Téhéran ont aussi rapporté que cinq étudiants avaient été tués dimanche soir lorsque leurs résidences furent attaquées par la milice Basiji. Le speaker parlementaire Ali Larijani, un personnage d’influence qui serait proche de Khamenei, a critiqué publiquement l’attaque, accusant le ministre de l’Intérieur d’être responsable des attaques et de la violence perpétrée contre les manifestants de l’opposition. 

Par le Conseil des gardiens de la constitution, Khamenei a aussi posé plusieurs autres gestes de conciliation envers Mousavi. Ce conseil, un organe non élu qui supervise l’élection présidentielle, a déjà accepté un recomptage partiel des boîtes de scrutin. Il a annoncé hier qu’il avait reçu 646 plaintes d’irrégularités électorales des trois aspirants à la présidence (Mousavi, Mahdi Karroubi et Mohsen Rezaei) et qu’il allait rencontrer les quatre candidats samedi.

Les regards seront fixés demain sur Khamenei, qui a annoncé qu’il allait diriger les prières de vendredi à Téhéran lors d’un appel télévisé à l’unité nationale. Mousavi, qui est supposé être présent, a reporté la prochaine manifestation à samedi. Toutes les factions de l’élite dirigeante craignent que la poursuite des manifestations puisse déclencher de bien plus puissantes forces sociales, provoquées par la colère envers le manque de droits démocratiques fondamentaux, la hausse du chômage et la détérioration des conditions de vie.

Les différends politiques entre les alliés d’Ahmadinejad et de Mousavi sont de nature tactique. Les soi-disant conservateurs pragmatiques menés par l’ancien président Ali Akbar Hashemi Rafsanjani se sont joints à divers « réformateurs », dont l’ex-président Mohammad Khatami, pour soutenir Mousavi afin de provoquer un changement dans les politiques étrangères et économiques.

Rafsanjani et Kahtami sont tous deux critiques de la démagogie antiaméricaine d’Ahmadinejad qui a entraîné un isolement économique accru pour l’Iran. Avec l’élection d’Obama, des couches de l’élite iranienne entrevoient la possibilité de réduire les tensions avec les Etats-Unis, imposer un programme de libre marché et ouvrir les frontières du pays aux investissements étrangers. Malgré qu’ils soient tactiques, ces désaccords demeurent néanmoins acerbes et se sont intensifiés alors que l’Iran est frappé par la chute des prix du pétrole et la récession économique mondiale.

Les partisans de Mousavi, bénéficiant d’une campagne partiale extraordinaire dans les médias internationaux, ont dénoncé le résultat de l’élection qui a donné 62 pour cent des voix à Ahmadinejad pour être « truqué ». Mais peu d’observateurs ont nié qu’Ahmadinejad ait une base considérable au sein des pauvres des villes et de la campagne, qui forment la grande majorité de la population de l’Iran.

Les dénonciations par Mousavi de la politique d’Ahmadinejad en faveur des pauvres, sa défense d’une réforme pro-marché et le soutien que lui a donné le milliardaire Rafsanjani, largement considéré comme corrompu, étaient destinés aux classes moyennes urbaines bien nanties, pas à la majorité du peuple.

Dans son long reportage, le correspondant du Times sur les lieux, Joe Klein, a noté que malgré le fait qu’il y ait pu y avoir fraude lors de l’élection, « il est entièrement possible qu’Ahmadinejad l’aurait gagné quand même, mais par une marge plus serrée, avec moins de 50 pour cent des voix, ce qui aurait nécessité un deuxième tour ». Comme d’autres journalistes, Klein a noté la division de classe à Téhéran. Le jour de l’élection, il s’est rendu dans le quartier où Ahmadinejad a grandi et commenté : « Les files d’attente à la mosquée centrale étaient tout aussi longues que celles du Téhéran sophistiqué au nord de la ville. Il y avait des partisans de Mousavi, mais le culte envers Ahmadinejad était palpable. »

Klein a aussi conclu qu’Ahmadinejad avait gagné de façon écrasante le débat avec ses opposants politiques qui a été diffusé à la télévision un peu avant le jour du scrutin. Il a écrit que les  réformateurs Mousasvi et Karroubi avaient été « mis en déroute ». Il a continué « Ils semblaient paralysés par ce qu’ils considéraient comme de l’impertinence grossière de la part d’Ahmadinejad. Pour établir une analogie, nous aurions un tel débat aux États-Unis si nous avions d’un côté Georges Bush père et, de l’autre, Newt Gringrich,  un gentleman avec des racines profondes dans l’establishment qui rencontre un chat de ruelle populiste. »

Au cours du débat, Ahmadinejad a ouvertement attaqué deux partisans de Mousavi, Rafsanjani et Khatami, pour être corrompus. Rafsanjani a répondu au moyen d’une lettre ouverte, un fait sans précédent, demandant que Khamenei rappelle Ahmadinejad à l’ordre, le menaçant dans le cas contraire d’avoir à faire face à des « volcans » de colère.

L’incident a dévoilé au grand jour la véritable nature des forces qui se sont ralliées derrière Mousavi sous la forme d’une lutte factionnelle au sein du régime pour le contrôle du levier du pouvoir. Alors que les soi-disant réformateurs comme Khatami ont joué leur rôle en présentant comme un libéral Mousavi, anciennement connu pour ses vues conservatrices dures, celui qui détient la balance du pouvoir est Rafsanjani. Comme le correspondant du Guardian Simon Tisdall l’a noté, celui que l’on surnomme « le requin » et le « faiseur de rois » n’a pas « ménagé ses efforts pour aider le financement et pour diriger la campagne de Mir Hossein Mousavi pour qu’il batte Ahmadinejad ».

Rafsanjani a uni les conservateurs et les réformateurs dans une alliance derrière Mousavi, mais pourrait aussi avoir joué un rôle dans la nomination de Karroubi et Rezaei pour diviser le vote qui serait autrement allé à Ahmadinejad, dans le but de forcer un second tour de scrutin. Il a ouvert ses multiples universités privées aux partisans de Mousavi pour qu’ils en fassent des bases pour la campagne électorale. Son fils Mehdi Hashemi Rafsanjani, qui était à la tête de l’opération sophistiquée de gestion de campagne à l’Université de Azad, s’est vanté au New York Times que c’était « comparable au ministère de l’Intérieur. Mais c’est notre secret. »

Après le scrutin de vendredi dernier, Rafsanjani a gardé le silence, mais se serait prétendument rendu à Qom, un centre d’universitaires islamiques, pour établir une base de soutien dans l’establishment du clergé. Rafsanjani est à la tête de la puissante Assemblée des experts, qui a seule, selon la constitution iranienne, le pouvoir de rappeler à l’ordre le dirigeant suprême Khameni et même de le révoquer de son poste. Si ce comité devait en arriver à cette extrémité, un geste sans précédent, cela provoquerait inévitablement une lutte politique ouverte pour le pouvoir avec des conséquences imprévisibles. Le Guardian a aussi rapporté que des slogans de l’opposition commencent à prendre Khamenei lui-même comme cible, le comparant au dictateur chilien, le général Pinochet.

Plusieurs signes indiquent l’ampleur de la lutte acerbe qui a lieu dans les coulisses. Plusieurs dirigeants religieux dissidents ont ouvertement critiqué le résultat de l’élection. L’Association pour des clercs militants, un groupe influent d’importants ayatollahs, a aussi émis une déclaration qui décrivait l’élection de vendredi dernier comme n’étant pas valide. Selon Press TV, qui appartient à l’Etat, l’organisation avait demandé l’autorisation de manifester dans les rues de Téhéran dès samedi.

Au même moment, Ahmadinejad et ses partisans faisaient leur propre travail. Environ 220 parlementaires parmi les 290 que compte le parlement ont écrit à Ahmadinejad pour endosser sa victoire.  Ce nombre élevé est significatif, car Ahmadinejad a confronté une grande opposition au parlement, particulièrement sur la question de ses budgets et sa politique économique. Juste avant les élections, le parlement avait rejeté la proposition d’Ahmadinejad de couper les subventions de l’Etat sur le prix de l’essence, de l’électricité et de l’eau, principalement parce qu’elle n’offrait pas de limites globales sur les dépenses de l’Etat.

Et avec cette intense lutte de factions, les deux côtés exploitant à leur avantage les préoccupations des travailleurs et de la jeunesse pour les questions de droits démocratiques et pour de meilleures conditions de vie. Malgré sa vague promesse de plus de liberté, Mousavi n’est pas plus dévoué à la cause de la « démocratie » que ses adversaires. L’implémentation de son programme en faveur du libre marché, qui va signifier inévitablement un plus grand fardeau sur les épaules de la majorité des travailleurs, ne pourra pas être imposée sans provoquer une immense opposition. Comme il l’avait fait lors de son premier mandat en tant que premier ministre en 1980, Mousavi n’hésitera pas à faire usage de toute la puissance de l’Etat pour faire respecter sa politique.

La seule force sociale pouvant mener une lutte cohérente pour les droits démocratiques fondamentaux et pour mettre un terme à la pauvreté et au chômage est la classe ouvrière. L’objectif fondamental est de construire d’un parti révolutionnaire qui mobilisera les travailleurs ainsi que les pauvres des villes et des campagnes, de façon indépendante de toutes les factions de la bourgeoisie iranienne. Un tel mouvement doit lutter pour un gouvernement des ouvriers et des fermiers et pour un Iran international.

(Article original anglais paru le 19 juin 2009)


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