Dans les annales des crimes de guerre, le nom
de « Zeitoun » prendra place aux côtés de noms comme « My Lai »,
« Fallouja », « Sabra et Chatila », « Guernica »,
« Nankin », « Lidice » et « Wounded Knee ».
Ces deux derniers jours, le massacre qui s'est
déroulé à Zeitoun, un quartier au Sud de Gaza City, a commencé à sortir de
l'ombre. Des groupes d'aide humanitaire, dont la Croix-Rouge, ont utilisé depuis
mercredi les pauses de trois heures dans les bombardements israéliens pour
tenter tant bien que mal d'évacuer les blessés, il semble que certains d'entre
eux y soient encore. La plupart des morts ont été abandonnés sur place.
Ce qui est particulièrement abominable dans le
massacre de Zeitoun — dont les détails continuent à faire surface — c'est le
comportement sadique des Forces de défense israéliennes (FDI). C'est une exécution
en masse qui s'est poursuivie plusieurs jours durant.
Les FDI ont trompé les résidents, leur
promettant qu'ils seraient saufs s'ils se rassemblaient en grand nombre dans
des bâtiments précis, puis ils les ont bombardés. Durant quatre jours, les Israéliens
ont ensuite laissé les malades et les mourants — tous des civils, dont une
majorité de jeunes enfants — sans assistance médicale, sans eau ni nourriture,
alors qu'ils jouissaient d'un contrôle total sur cette zone. De plus, ils ont repoussé
les demandes répétées des travailleurs humanitaires d'accéder au quartier.
Le nombre de morts à Zeitoun n'est pas connu
avec certitude. Pour le moment, il semble qu'il se situe entre 70 et 85. Mais
ce nombre pourrait augmenter significativement, les blessés laissés sans
assistance continuant à mourir, et les travailleurs humanitaires découvrant les
corps des victimes dans les bâtiments bombardés.
Israël a bombardé Zeitoun le dimanche, en
prenant rapidement le contrôle. La cité occupe une position stratégique au Sud
de la ville de Gaza, qui pourrait être utilisée par les FDI pour lancer une
attaque sur la ville de Gaza proprement dite.
Selon des survivants, après avoir envahi la
ville, les FDI ont poussé les familles nombreuses à se regrouper dans des
bâtiments situés au centre de la ville, les faisant avancer sous la menace des
armes d'un bâtiment à l'autre. Les FDI ont déclaré aux résidents de Zeitoun
qu'ils les emmenaient dans des bâtiments qui n'allaient pas être bombardés.
Mais dans un cas au moins, il a été révélé que
les FDI ont enfermé 110 Palestiniens dans un bâtiment qui a été bombardé moins
de 24 heures plus tard, tuant peut-être 70 personnes, tous civils. Les
travailleurs humanitaires n'ont découvert les corps qu'après avoir été tenus
durant quatre jours à l'écart de ce quartier de Zeitoun.
Ceux qui étaient dans le bâtiment, qui a été
décrit comme un « entrepôt » par un survivant, ont été abandonnés à
l'intérieur sans eau ni nourriture. Au bout d'une journée, trois hommes ont tenté
de s'aventurer à l'extérieur pour trouver de la nourriture. Ils ont
immédiatement été touchés par un tir de barrage des FDI. À ce moment, un
missile a frappé le toit de l'entrepôt.
Meysa Samouni, 19 ans, a survécu à l'attaque
avec sa petite sœur de deux ans, qui a été blessée, elle a décrit la scène :
« Lorsque le missile est tombé, je me suis plaquée au sol avec ma sœur en
dessous de moi. Tout s'est rempli de fumée et de poussière, et j'ai entendu des
cris et des pleurs. Une fois que la fumée et la poussière sont un peu
retombées, j'ai regardé autour de moi et j'ai vu 20 à 30 personnes qui étaient mortes,
et environ 20 qui étaient blessées.
« Les personnes qui ont été tuées autour
de moi étaient mon mari, qui a été touché dans le dos, mon beau-frère qui a été
touché à la tête et dont le cerveau était sur le sol, ma belle-mère Rabab, le frère
de mon beau-père Talal, et sa femme Rhama Muhammad a-Samouni, 45 ans, la femme
du fils de Talal, Maha Muhammad a-Samouni, 19 ans, et son fils, Mohammed Hamli
a-Samouni, cinq mois, dont tout le cerveau était sorti du corps, Razqa Mohammed
a-Samouni, 50 ans, Hanan Khamis a-Samouni, 30 ans, et Hamdi Majid a-Samouni, 22
ans. »
Un médecin de la Croix-Rouge qui a visité
Zeitoun a décrit une scène horrible au Telegraph. « Dans la maison
Samouni, j'ai vu environ 10 corps et à l'extérieur 60 autres. Je n'étais pas
capable de les compter précisément parce que nous n'avions pas beaucoup de
temps et que nous cherchions les blessés… J'ai pu voir un bulldozer de l'armée israélienne
abattre des maisons à proximité, mais nous manquions de temps et les soldats israéliens
ont commencé à nous tirer dessus. »
« Nous avons dû abandonner environ huit blessés
derrière nous parce que nous ne pouvions pas les atteindre et qu'il n'était
plus sûr pour nous de rester. »
Dans un autre bâtiment de Zeitoun, les Israéliens
ont rassemblé 80 personnes. Des survivants racontent que des soldats israéliens
ont abattu des gens de sang-froid lorsqu'ils ont tenté de s'enfuir. D'après un
autre survivant, un homme, Atiyeh Samouni, a été abattu par les Israéliens
après avoir ouvert sa porte pour les accueillir. Puis son fils de deux ans a
été abattu aussi.
Toujours d'après les survivants, la plupart
des hommes de Zeitoun ont été arrêtés, cagoulés, et emmenés ailleurs. Certains
ont été utilisés comme boucliers humains.
La déclaration publique du Bureau des Nations
unies pour la Coordination des affaires humanitaires concernant ce bombardement
s'appuyait sur les récits des survivants, il venait confirmer un reportage de
l'agence Associated Press et des témoignages réunis par un groupe israélien
de défense des droits de l'Homme.
C'est dans le même quartier que la veille la Croix-Rouge
avait trouvé quatre enfants presque morts près des corps de leurs mères. La Croix-Rouge
a découvert les corps de 15 autres personnes dans un bâtiment bombardé, qui ont
probablement eu des morts lentes et très douloureuses dues à l'absence
d'assistance médicale. Des soldats israéliens étaient stationnés à moins de 90 mètres
de cette famille.
Les agences humanitaires ont appris le
massacre de Zeitoun lorsque des survivants du clan Samouni sont arrivés à la
ville de Gaza au début de la semaine. Selon le Telegraph, « Une
poignée de survivants, certains blessés, d'autres portant des enfants morts ou
mourants, ont rejoint à pied la principale route nord-sud de Gaza avant d'être emmenés
à l'hôpital sur des brancards. Trois jeunes enfants ont été enterrés dans la
ville de Gaza ce soir-là. »
Mais Israël a refusé à la Croix-Rouge la
permission de se rendre dans le quartier jusqu'à mercredi.
Une centaine d'autres personnes qui avaient
besoin d'un traitement médical ont été évacuées de Zeitoun, non en raison de
blessures, mais à cause de la déshydratation et de la famine. La ville est
restée sans eau ni nourriture depuis qu'Israël l'a occupée dimanche.
À Genève, le Haut-commissaire des Nations
unies aux Droits de l'Homme, Navi Pillay, a condamné les atrocités commises à
Gaza. Israël affirme que toutes ses actions sont justifiées par les tirs de
roquettes dérisoires des Palestiniens. Mais Pillay a déclaré que cela ne
dispensait pas Israël de se conformer aux lois internationales. Dans un
entretien accordé à la BBC, Pillay a déclaré que les actions d'Israël
semblaient réunir « tous les éléments des crimes de guerre ».
L'ONU et le Programme mondial contre la faim
ont interrompu leurs apports d'aide alimentaire à Gaza en raison des attaques
commises régulièrement par les FDI contre des organisations humanitaires.
Depuis mercredi, Israël affirme avoir observé un cessez-le-feu de trois heures
par jour pour permettre aux travailleurs humanitaires de se rendre dans les
zones sous contrôle des FDI. Cependant, en plusieurs occasions, les FDI ont
tiré sur les travailleurs humanitaires durant la prétendue pause de trois
heures.
Selon la convention de Genève, une armée qui
envahit un pays est responsable de la prise en charge des malades, des blessés
et de l'approvisionnement en nourriture dans les territoires qu'elle contrôle.
Israël enfreint manifestement ces conventions, bloquant complètement la
livraison de nourriture et de médicaments, tirant sur les ambulances et les
empêchant de parvenir jusqu'aux blessés, et laissant mourir les malades et les
blessés sous son contrôle.
Certains éléments indiquent que Zeitoun a été
spécifiquement désignée par les FDI pour faire un exemple. Le Telegraph
mentionne que c'était un lieu connu pour l'activité du Hamas.
Le massacre de Zeitoun est un crime de guerre
abominable dont les FDI et le gouvernement israélien portent la responsabilité.
Mais le déchaînement de violence des FDI ne serait pas possible sans le soutien
plein et entier des États-Unis et la complicité des Nations unies, des
puissances européennes et des régimes arabes du Moyen-orient.
Si Israël entre dans la ville de Gaza, qui
abrite plus de 400 000 habitants, les méthodes employées à Zeitoun seront
réemployées à une échelle bien plus grande.