Le président Barack Obama a ordonné la fermeture du camp de
prisonniers de Guantanamo Bay d’ici un an, a exigé que la Central Intelligence
Agency (CIA) et le personnel militaire s’engagent à respecter les interdictions
sur la torture telles que définies dans l’armée et a décrété la fermeture de
prisons de la CIA à l’étranger.
Bien que les médias présentent ces ordres comme la
condamnation des politiques de détention et d’interrogation de l’administration
Bush, ils ne changent en réalité pas grand-chose. Ils représentent
essentiellement une tentative de relations publiques visant à réhabiliter
l’image des Etats-Unis à l’étranger après des années de torture et de
détentions extralégales et à protéger de hauts officiels américains d’une
possible poursuite criminelle.
Lâchement, Obama a organisé le processus de signature de
ces ordres de façon à apaiser la droite politique ainsi que les défenseurs de
Guantanamo et de la torture et à souligner qu’il comptait poursuivre la
« guerre contre le terrorisme » de l’administration Bush. Il était
flanqué de 16 généraux et amiraux à la retraite qui ont fait pression pour la
fermeture du camp de prisonniers à Cuba sur la base qu’il entrave la poursuite
de la « guerre ». Il a de plus réitéré sa détermination à maintenir
le cadre politique fondamental de la politique étrangère de l’administration
Bush.
Le maintien du prétexte idéologique pour les guerres
d’agression et les attaques sur les droits démocratiques assure que
l’infrastructure d’Etat policier érigée sous l’administration Bush va demeurer
intacte. Et cela est renforcé par les promesses d’Obama que son administration
ne va pas enquêter ou poursuivre ceux qui, y compris Bush, Cheney, Rumsfeld,
Alberto Gonzales et d’autres, ont été responsables des politiques de torture et
de détention illégale.
Les ordres signés par Obama n’éliminent pas les attaques de
l’administration Bush contre le droit constitutionnel et international. Ils ne
remettent pas en question le supposé droit du président d’emprisonner quiconque
unilatéralement, sans procès ni accusations, en le qualifiant de
« combattant ennemi ». Pas plus qu’ils ne mettent fin à la procédure
connue sous le nom d’« extradition extraordinaire », par laquelle les
Etats-Unis ont durant les années Bush kidnappé des présumés terroristes et les
ont envoyés dans des pays étrangers ou des prisons secrètes de la CIA hors des
Etats-Unis où ils étaient torturés.
Ils ne font rien à l’égard des centaines de prisonniers,
600 uniquement dans le camp de prisonniers de Bagram en Afghanistan, incarcérés
derrière les fils barbelés de Guantanamo. Si le camp de Guantanamo ferme, le
gouvernement américain va simplement déplacer les présumés terroristes capturés
lors de ses rafles internationales vers d’autres camps de prisonniers dirigés
par les Etats-Unis.
Sur la question des « techniques d’interrogatoire
musclées », c’est-à-dire la torture, Obama a laissé de la marge de
manœuvre pour qu’elles se poursuivent. L’avocat de la Maison-Blanche, Gregory
Craig, a dit aux journalistes que l’administration était prête à prendre en
compte les demandes de la CIA pour que de telles méthodes soient permises.
Obama a annoncé la création d’une équipe spéciale qui va se pencher sur de
nouvelles techniques d’interrogatoire au-delà de celles sanctionnées par
l’armée, qui accepte maintenant 19 formes d’interrogatoire, en plus de la
pratique d’extradition extraordinaire.
L’amiral à la retraite, Dennis Blair, qui a été nommé par
Obama pour être le directeur du renseignement national, a dit à une audience de
ratification du Sénat que les règlements ayant cours dans l’armée seraient
eux-mêmes modifiés, permettant ainsi potentiellement de nouvelles formes
d’interrogatoires musclés, mais que de tels changements seraient gardés
secrets.
Obama a aussi annoncé la création d’une deuxième équipe
spéciale qui se penchera sur le sort des 245 détenus qui sont toujours à
Guantanamo. Plus tôt cette semaine, il a suspendu les procédures de la
commission militaire au camp de prisonniers, mais il n’a pas aboli les
commissions militaires elles-mêmes.
La nouvelle administration a exclu la seule
solution constitutionnelle pour ceux qui ont été détenus dans des conditions
barbares, sans procès équitable, pendant des années : soit les relâcher ou
leur garantir un procès rapide dans une cour civile, avec toutes les
protections et garanties prévues à la loi. Il y a eu beaucoup de spéculation
selon laquelle l’administration pourrait soutenir l’établissement d’une Cour
spéciale de sécurité nationale dans le système judiciaire civil afin de
poursuivre les prisonniers de Guantanamo et les autres présumés terroristes.
Cela représenterait une autre attaque sur les libertés civiles, mettant en
place un système judiciaire sommaire afin de condamner rapidement ceux qui sont
accusés de terrorisme — système qui pourrait être utilisé dans le futur pour
réprimer l’opposition politique.
NBC Nightly News a déclaré jeudi que l’administration considérait garder indéfiniment
et sans accusations environ 20 détenus de Guantanamo (y compris les cinq
présumés conspirateurs du 11-Septembre actuellement jugés devant des
commissions militaires) dans une prison militaire aux Etats-Unis.
Les commentateurs ont noté que
l’administration Obama voulait empêcher les non-citoyens détenus en tant que
terroristes de pouvoir exercer leur droit à l’habeas corpus.
Deux mesures prises mardi et jeudi par
Obama indiquent une autre considération importante motivant sa décision de
fermer Guantanamo et de peaufiner la question de la torture. Jeudi,
l’administration a demandé la fin des procédures d’appel d’une cause portée
devant la Cour suprême américaine portant sur l’habeas corpus par le
seul prétendu combattant ennemi emprisonné en sol américain, Ali al-Marri,
originaire du Qatar, et décrit par Obama comme « dangereux ». Les
avocats d’al-Marri contestent le droit du président de faire arrêter et
emprisonner des individus en les déclarant combattants ennemis. Il était
généralement considéré que cette, cause si la Cour suprême acceptait de
l’entendre, forcerait l’administration Obama à dévoiler sa position sur cette
question.
Cette mesure suivait une requête entreprise
mardi pour que soient cassés des appels similaires entendus par la Cour du
district fédéral qui touchent plus de 200 prisonniers de Guantanamo.
Ainsi, le premier effet du récent geste de
l’administration a été l’arrêt des procès civils qui pourraient s’avérer être
extrêmement dommageable pour le gouvernement parce qu’il y serait révélé qu’on
a fait un usage systématique de la torture sur les détenus avec la possibilité
que de hauts responsables américains se trouvent impliqués.
(Article original anglais paru le 23
janvier 2009)