Cette déclaration a été distribuée lors des mobilisations
de masse d’étudiants et de jeunes qui ont eu lieu à Athènes le vendredi 9
janvier.
Au cours du mois dernier, une série de protestations de
masse, de grèves et d’affrontements avec la police ont eu lieu à Athènes
et dans d’autres villes grecques. Le gouvernement conservateur de la
Nouvelle Démocratie (ND) mené par le premier ministre Kostas Karamanlis est de
plus en plus soumis à des pressions et le dernier remodelage du gouvernement
est purement symbolique et ne changera en rien la trajectoire de sa politique.
Les deux plus importants partis d’opposition, le Mouvement
socialiste panhellénique (PASOK) et la coalition de la gauche radicale (SYRIZA),
appellent à de nouvelles élections afin de résoudre la crise actuelle mais
aucune de ces organisations ne représente une véritable alternative au
gouvernement ND. Après de nombreuses années passées au gouvernement et durant
lesquelles le PASOK a appliqué une politique qui allait à l’encontre de
la population, le parti a enduré des défaites dévastatrices lors des élections de
2004 et de 2007. Bien que le dirigeant du groupe parlementaire de SYRIZA,
Alekos Alavanos, ait exclu récemment toute alliance avec le PASOK, personne ne
devrait prendre au sérieux ses paroles. Un certain nombre d’alliances
entre le PASOK et la SYRIZA existent déjà au niveau local.
Ce sont avant tout les conditions catastrophiques qui
règnent dans les établissements scolaires et les universités grecques et le
manque de toute perspective d’avenir qui ont fait descendre un nombre
grandissant d’étudiants et de jeunes dans la rue. Les établissements
publics sont complètement vétustes et la seule forme d’éducation adéquate
n’est assurée que dans des écoles privées qui coûtent très cher. Au terme
de leurs études, la plupart des jeunes sont voués soit au chômage soit à des
emplois mal payés. Le taux de chômage des jeunes dépasse les 21 pour cent.
Des gouvernements successifs ont affirmé qu’il
n’y avait pas d’argent pour l’éducation et les systèmes
sociaux alors que dans le même temps une infime minorité amoncèle une fortune
fabuleuse. Cette couche peut compter sur le soutien d’une élite politique
corrompue et qui, du fait d’une série de scandales politiques ces
dernières décennies, a clairement montré son mépris pour la grande masse de la
population.
L’intervention de larges couches de la population
contre cette évolution est à saluer. Mais la protestation, même dans ses formes
les plus radicales, reste limitée à des illusions réformistes. Elle cherche à exercer
une pression sur l’élite dirigeante dans l’espoir que celle-ci change
sa politique. La crise actuelle du capitalisme exclut toutefois toute
possibilité de réforme.
Partout en Europe et de par le monde la jeune génération se
trouve confrontée à une société dans laquelle les élites dirigeantes se remplissent
les poches aux dépens de la population, pillent les fonds publics, détruisent
le système éducatif et social et défendent leurs privilèges avec l’aide
d’une bureaucratie d’Etat et de partis ainsi que d’unités de
police.
La crise sociale et politique en Grèce et en Europe est
l’expression d’une crise profonde du système capitaliste tout
entier. L’actuelle crise financière a ravivé les contradictions
fondamentales du capitalisme. De par le monde, de plus en plus souvent les
gouvernements réagissent à la crise en recourant à la répression interne et à
une nouvelle vague d’agression militariste à l’extérieur.
C’est le sens de l’assaut meurtrier mené par
l’armée israélienne contre la population sans défense de Gaza. La Grèce avec
sa faible base industrielle et son économie qui sont extrêmement enclines aux
crises internationales a été tout particulièrement touchée par la crise
actuelle. Des milliers de personnes perdront leur emploi dans les mois à venir
et Karamanlis a déjà annoncé qu’il répondrait aux difficultés économiques
en appliquant des « réformes » supplémentaires, à savoir de nouvelles
attaques contre la population.
La lutte contre les coupes incessantes des prestations
sociales requiert une perspective socialiste. La classe ouvrière doit
s’unir internationalement dans une lutte pour une société socialiste qui
place les besoins sociaux et le progrès au-dessus de la course au profit
d’une infime élite.
A cet égard, la population grecque n’est pas seulement
confrontée à un gouvernement droitier corrompu. Les soi-disant partis de
« gauche » et les syndicats défendent aussi l’ordre bourgeois
et le système capitaliste.
Les conditions lamentables qui prévalent dans beaucoup
d’établissements scolaires et d’universités sont en grande partie
dues à la politique appliquée par le PASOK. Ce parti a dominé la politique
grecque depuis la chute de la junte militaire en 1974 et formé la plupart des
gouvernements grecs jusqu’en 2004. Dans les années 1980, le parti avait
mis en vigueur un certain nombre de réformes sociales limitées, enrobées de
rhétorique anti-européenne et anti-américaine. Mais depuis, tout comme les
partis sociaux-démocrates à travers l’Europe, il a fait passer une série
de coupes des prestations sociales. Avec l’arrivée au pouvoir du
gouvernement PASOK de Constantin Simitis en 1996, le parti a mis en marche un
processus de dérégulation et de privatisation de vastes pans du service public.
Cette politique a été essentiellement adoptée et intensifiée par Karamanlis dès
son entrée en fonction en 2004.
Dans le même temps, le PASOK entretient des liens étroits
avec les syndicats du pays, notamment la Confédération générale des
travailleurs grecs (GSEE). Mis à part des manifestations et des grèves
rituelles, la GSEE n’a rien fait pour s’opposer aux privatisations
qui ont commencé en 1990. En étroite collaboration avec le PASOK et les
associations patronales, les syndicats ont imposé des réductions de salaire et
perpétré des attaques contre les conditions de travail. La récente occupation
des locaux de la GSEE à Athènes a clairement montré que cette organisation représente
de plus en plus aux yeux des travailleurs et des jeunes un obstacle au progrès.
Le Parti communiste grec (KKE) a réagi aux protestations des
étudiants en entreprenant un autre virage à droite. Suite aux nombreux
affrontements violents qui ont eu lieu entre les manifestants et les forces de
l’ordre, le KKE a attaqué les manifestants en les qualifiant de
« criminels violents qui ont perdu tout contrôle d’eux-mêmes ».
La seule préoccupation du parti est d’éviter toute amplification des
manifestations qui les fasse échapper au contrôle du syndicat et des appareils
bureaucratiques de la social-démocratie. Il est à noter que le KKE est le seul
parti d’opposition à s’être prononcé contre de nouvelles élections.
Le KKE fut créé en 1918 comme parti révolutionnaire suite à
la Révolution russe. Mais il se trouvait déjà dès la fin des années 1920 sous
le contrôle intégral de la bureaucratie stalinienne de Moscou. Dans les années
1940, le KKE avait mis en place sa propre police secrète, l’OPLA qui
jusqu’à la fin de la guerre civile avait enlevé et assassiné des
centaines de trotskystes qui s’étaient opposés à la politique
réactionnaire de Staline.
Le KKE a mis en application la politique traitre de Staline
qui dès la fin de la guerre avait déjà accordé la Grèce aux puissances
occidentales. En 1949, le KKE avait étouffé la guerre civile en Grèce en
permettant aux monarchistes et aux forces de l’extrême droite de regagner
de l’influence dans le pays. Cette politique avait finalement abouti dans
le coup d’Etat des colonels de 1967 qui donna le pouvoir à un brutal gouvernement
militaire pro-occidental et dirigé par le général Georgios Papadopoulos qui tortura
et tua des milliers de personnes de gauche, des syndicalistes et des
communistes.
L’empressement du KKE à soutenir aujourd’hui un
gouvernement droitier s’était clairement révélé en 1989, après
l’effondrement de l’Union soviétique, lorsque l’organisation avait
participé à une alliance des partis de gauche qui avait brièvement rejoint la
coalition gouvernementale de la Nouvelle Démocratie.
La coalition de la gauche radicale, SYRIZA, n’est pas
une alternative aux vieilles organisations ouvrières. Au sein de la SYRIZA,
Synaspismos constitue le plus important groupe qui tire ses racines d’une
scission du KKE. SYRIZA a déclaré son soutien aux récentes manifestations et a appelé
à des mesures en vue d’un règlement de la crise sociale et politique.
Mais, sous le couvert de sa rhétorique, Synaspismos, en alliance avec les
Verts, les maoïstes et autres radicaux, n’offre qu’une version
réchauffée de la politique de protestation réformiste. L’alliance cherche
à diriger le rapide mouvement vers la gauche de vastes couches de la population
vers des canaux inoffensifs pour la classe dirigeante.
Les revendications de l’alliance, dont la fin du
processus de privatisation, une augmentation des dépenses publiques et des
réformes superficielles du système social et d’éducation, pourraient
toutes provenir du programme réformiste du PASOK des années 1980. Toutefois, le
virage à droite du PASOK a déjà montré clairement que la mondialisation de la
production a depuis longtemps éliminé toute base à la moindre réforme
progressiste.
La classe ouvrière européenne a déjà fait toute une série
d’expériences avec des partis tels SYRIZA. En Italie, c’est la
collaboration de l’organisation Refondation communiste (PRC) qui a aidé
Silvio Berlusconi à reprendre le pouvoir. En Allemagne, le Parti La Gauche, qui
est uni à Synaspismos dans la Gauche européenne, a imposé en tant que
partenaire d’une coalition avec les sociaux-démocrates dans le Sénat de
Berlin un certain nombre de coupes dans les prestations sociales.
Aujourd’hui, Berlin arrive en tête en Allemagne en matière de taux de
chômage et de pauvreté.
Dans ces conditions, les idées anarchistes ont gagné une
certaine influence parmi les étudiants. La frustration et la colère de beaucoup
d’étudiants contre les partis en faillite de l’establishment
sont tout à fait justifiées. Mais, dans le même temps, en l’absence
d’une perspective politique claire, le mouvement sera isolé et démoralisé,
ce qui à son tour facilitera son exploitation par l’Etat au moyen de
provocations contre les manifestations. Il y a eu un certain nombre de rapports
qui ont signalé que des agents de l’Etat grec étaient impliqués dans des
actes de violence perpétrés lors des manifestations antérieures. A présent, le
coup de feu tiré en début de semaine sur un jeune policier sert à diaboliser
les manifestants et la « gauche radicale » et ce en dépit du fait que
les circonstances exactes du coup de feu et de la personne qui en est responsable
restent à éclaircir.
La seule voie pour aller de l’avant pour les étudiants
et les jeunes consiste à se tourner vers les travailleurs en Grèce et partout
en Europe sur la base d’un programme socialiste international et qui tire
les leçons politiques des riches expériences historiques de la classe ouvrière
internationale.
Le World Socialist Web Site est publié par le Comité international
de la Quatrième Internationale (CIQI) et ses sections de par le monde. La
Quatrième Internationale fut fondée par Léon Trotsky en 1938. Elle est issue de
la lutte menée par l’Opposition de Gauche contre le stalinisme en URSS. Depuis
cette époque, elle défend les principes socialistes et internationalistes du
mouvement marxiste dans une lutte contre la social-démocratie, le stalinisme et
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