wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

  WSWS : Nouvelles et analyses : Amérique centrale

L’élection hondurienne marquée par la répression et un taux d’abstention massif

Par Bill Van Auken
5 décembre 2009

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

L’élection nationale tenue dimanche au Honduras a été marquée par une répression systématique contre les opposants au régime du coup d’Etat et un taux record d’abstention. Néanmoins, l’administration Obama à Washington a acclamé les résultats comme étant « un grand pas en avant pour le Honduras » et une « porte de sortie légitime » à la crise qui a débuté par le renversement militaire du président élu, Manuel Zelaya, le 28 juin.

L’élection s’est tenue une journée seulement après la date qui représentait la fin du cinquième mois du coup. Zelaya était toujours coincé à l’ambassade brésilienne à Tegucigalpa où il avait cherché refuge deux mois plus tôt après avoir planifié un retour clandestin au Honduras.

Des mois de médiation appuyée par les Etats-Unis, qui ont mené d’abord à l’accord de San José et ensuite à l’accord de Tegucigalpa, n’ont pas pu ramener Zelaya à la présidence. Ils ont plutôt permis au régime du coup dirigé par le leader du Congrès hondurien, Roberto Micheletti, de temporiser jusqu’aux élections, qui étaient vues comme le moyen de rendre légitime le coup d’Etat.

Tout porte à croire que cela était l’intention de l’administration Obama qui, malgré des critiques verbales portées contre le renversement de Zelaya, a exercé peu de pression réelle contre les auteurs du coup. Il est de plus très improbable que l’élite dirigeante hondurienne, qui est totalement dépendante des Etats-Unis pour le commerce et les investissements et qui possède une armée des plus loyales au Pentagone (l’armée américaine possède au Honduras sa plus importante base d’Amérique latine), eût agi sans d’abord obtenir le feu vert de Washington.

Le vote de dimanche s’est déroulé dans des conditions où le pays était essentiellement sous contrôle militaire, plus de 30.000 soldats et policiers ayant été mobilisés pour intimider les opposants du régime.

Dans la ville du nord du pays de San Pedro Sula, la deuxième ville en importance et le centre industriel du Honduras, une manifestation contre l’élection a été dispersée par la police et des soldats. Plus de 1000 personnes avaient marché jusqu’à la place centrale et à la cathédrale de San Pedro Sula, où ils ont chanté l’hymne national et transporté des croix symbolisant les dizaines de personnes qui avaient été tuées durant les cinq derniers mois de répression.

Les forces de sécurité ont répliqué par de nombreuses grenades lacrymogènes, le tir d’un canon à eau installé sur un char d’assaut et le matraquage de manifestants. Après que les manifestants ont été dispersés, des soldats ont entrepris de démolir un camion qui transportait de l’équipement de sonorisation et des affiches protestant contre le vote illégitime.

Ce n’était que la manifestation la plus visible de la répression qui s’est progressivement intensifiée dans les jours précédant les élections.

Les villes et les villages à travers le pays étaient occupés par la police et des soldats, les personnes connues faisant partie de l’opposition étant arrêtées ou menacées. Selon le réseau de télévision vénézuélien Telesur, dans la communauté insulaire de Zacate Grande, les résidents étaient conduits aux urnes par des groupes d’hommes armés vêtus en civils après que des opposants locaux au régime ont été chassés par l’armée et que les maisons ont été prises d’assaut par les forces de sécurité.

Dans la capitale, la police a battu des gens qui remettaient des tracts qui préconisaient un boycott du vote.

« Les troupes et la police ont fait des descentes dans les quartiers généraux des associations », a rapporté le Comité des proches des détenus disparus (COFADEH), une organisation de défense des droits de l’homme. « Une intense chasse aux sorcières a été organisée depuis samedi contre des membres des organisations et des membres de la résistance par l’armée et la police nationale. » L’organisation a rapporté qu’un opposant avait été arrêté pour avoir marché dans la rue avec un porte-voix et que lors d’une descente d’un quartier général d’un des groupes, des ordinateurs et d’autres équipements ont été saisis.

« Nous parlons d’environ 30 personnes arrêtées », a dit la coordonatrice de COFADEH, Bertha Olivia. « Il y a eu des descentes arbitraires contre les bureaux et les résidences des activistes soutenant le président légitime [Zelaya], et toutes sortes d’actions intimidantes et de sièges militaires contre les sièges sociaux des syndicats et les quartiers pauvres [colonias] qui sont le bastion de la résistance. »

Porfirio « Pepe » Lobo, âgé de 61 ans, le candidat du parti de droite, le Parti national, a été déclaré vainqueur de cette élection tenue à la pointe du fusil. Selon le décompte officiel, il a gagné par une large avance contre son principal rival, l’ancien vice-président Elvin Santos, qui était le candidat du Parti libéral dans lequel Zelaya et Micheletti sont des personnalités politiques importantes.

Les résultats des sondages préliminaires donnaient 52 pour cent du vote à Lobo, comparé à 34 pour cent pour Santos.

Comme Micheletti et Zelaya, Lobo et Santos sont de riches membres de l’oligarchie hondurienne. Lobo est un important propriétaire terrien et vacher, alors que Santos dirige l’une des grandes compagnies de construction du pays.

Le taux de participation total était cependant plus important que la supposée marge de victoire. Le Tribunal suprême électoral (TSE) du régime a prétendu que le taux d’abstention était de 38,7 pour cent. L’opposition insistait cependant qu’entre 65 et 70 pour cent des électeurs honduriens n’étaient pas allés voter.

Des rapports anecdotiques provenant de la capitale Tegucigalpa ont indiqué que, alors que la participation était élevée dans les quartiers des couches riches et de la classe moyenne supérieure qui avaient appuyé le coup d’Etat, les bureaux de vote étaient pratiquement vides dans les bidonvilles [colonias] ouvriers qui entourent la ville.

Il y a de nombreux signes pointant vers une fraude électorale. Alors que les urnes ont été fermées à 17 heures, il n’y a eu aucun compte-rendu du décompte des votes avant 21 heures, à cause d’un « problème technique » dans le comptage des votes selon les responsables des élections. Ils ont aussi rapporté qu’ils avaient manqué d’encre pour marquer les doigts des personnes ayant voté, une procédure utilisée pour empêcher qu’une personne puisse voter plus d’une fois. Des sources proches de l’opposition au sud du pays ont aussi signalé que des partisans du parti de droite du El Salvador, le Parti arena, traversaient la frontière et se rendaient dans les bureaux de votes pour tenter de faire basculer le vote.

Le processus électoral dans son ensemble a été organisé avec le soutien de Washington. Environ 800 Américains se trouvaient officiellement au Honduras pour superviser les élections. L’Institut républicain international (International Republican Institute, IRI) et l’Institutut national démocrate (National Democratic Institute, NDI) ont envoyé des observateurs pour tenter de donner de la légitimité au vote. Ces deux organisations sont chapeautées par les deux principaux partis américains et financés par le National Endowment for Democracy qui a été créé en 1980 pour assumer les fonctions politiques à l’étranger qui étaient auparavant dévolues à la CIA.

Aucune des autres agences qui monitorent habituellement les élections dans les Amériques (les Nations unies, l’Organisation des Etats américains, la Fondation Carter) n’a déployé d’observateurs. Parmi les autres groupes qui étaient présents au Honduras, on trouve un regroupement des exilés cubains anti-castristes de Miami. Les rares critiques du régime qui se sont rendus au Honduras pour y observer les élections ont été soumis à des fouilles par les forces de sécurité et menacées de violence par les partisans des partis de droite du Honduras.

La majorité des gouvernements qui se rencontraient au Portugal lundi dernier au sommet annuel ibéro-américain qui réunit l'Espagne, le Portugal et la plupart des pays d'Amérique latine ont indiqué qu’ils ne reconnaissaient pas la légitimité des élections.

Le Brésil, la principale puissance en Amérique latine, a fortement insisté sur ce point. Sa position reflète les tensions grandissantes entre Brasília et Washington alors que le Brésil devient une puissance incontournable et un rival des Etats-Unis pour l’influence dans une région du globe que les Etats-Unis considèrent depuis longtemps comme leur arrière-cour. De hauts responsables américains ont vivement critiqué les gestes du gouvernement brésilien visant au retour de Zelaya au Honduras avant que les Etats-Unis n’obtiennent un accord avec les dirigeants du coup.

Luiz Inacio Lula da Silva voit les élections « comme une tentative de blanchir un coup » a dit le conseiller du président brésilien Marco Aurelio Garcia devant des journalistes au Portugal. Voulant signifier que le Brésil adoucissait sa position, il a ajouté que « pour maintenant, nous devons attendre » et « discuter avec la communauté internationale ».

Le gouvernement espagnol a été encore plus équivoque. Le ministre espagnol des Affaires étrangères Miguel Angel Moratinos a dit que son gouvernement « ne reconnaît pas les élections » au Honduras, ajoutant « qu’il ne les ignorait pas non plus ». Le vote, a-t-il dit, a comme résultat qu’il y a « de nouveaux acteurs politiques » intéressés à « une solution de réconciliation nationale ».

Le président du El Salvador Mauricio Funes qui a récemment été élu avec le soutien du FMLN, un ancien front de guérilla, a aussi appelé au « dialogue national » déclarant « Qu’il ne s’agit pas de reconnaître ou non des élections, mais de stimuler les processus qui permettent à la démocratie de se renforcer. »

Parmi les pays de l’Amérique latine, seuls les alliés proches des Etats-Unis — la Colombie, le Costa Rica, le Panama et le Pérou — ont publiquement endossé le vote de dimanche dernier.

A Washington, Arturo Valenzuela, l’adjoint au secrétaire d’Etat pour l’hémisphère ouest des Etats-Unis a félicité Lobo au nom de l’administration Obama, déclarant « Il sera le prochain président du Honduras… Nous reconnaissons ces résultats. »

Affirmant que le vote représentait « un très important pas de l’avant pour le Honduras », Valenzuela a insisté que ce « n’est pas le dernier ».

Il a dit que le régime du Honduras doit aussi mettre en œuvre l’accord entre les partis de Micheletti et de Zelaya obtenu avec la médiation des Etats-Unis à Tegucigalpa en octobre dernier. Cet accord prévoit la formation d’un gouvernement « d’unité nationale et de réconciliation » et un vote du congrès hondurien sur le retour de Zelaya à la présidence pour les deux mois restant avant la passation des pouvoirs.

Zelaya a accepté cet accord réactionnaire, tout en protestant plus tard lorsque Micheletti a formé un régime « d’unité nationale » qui ne comprenait pas un seul partisan du président déchu, et le congrès a annoncé qu’il ne se réunirait pas pour considérer le retour de Zelaya avant le 2 décembre, c’est-à-dire après les élections.

L’accord prévoyait aussi que la Cour suprême du Honduras, qui avait déclaré le coup du 28 juin comme étant légal, devait produire un avis sur le retour de Zelaya pour le congrès. Jeudi dernier, la cour a fait connaître qu’elle avait trouvé que Zelaya ne pouvait revenir au pouvoir tant qu’il n’avait pas été arrêté et jugé pour avoir prétendument violé la constitution du Honduras.

Le coup était une réponse à la tentative de Zelaya d’organiser un vote consultatif qui aurait établi si la population du Honduras soutenait la tenue d’un référendum portant sur l’appel d’une assemblée constituante pour modifier la constitution du pays. Cette constitution est une charte réactionnaire imposée au Honduras par l’ancienne dictature militaire et l’ambassade américaine en 1983.

Zelaya s’était déjà mis à dos l’oligarchie du pays et Washington en implémentant une hausse modeste du salaire minimum et en formant une alliance huilée par du pétrole à bon marché avec le président du Venezuela Hugo Chavez.

Depuis le coup, Zelaya a pris ses distances d’avec Chavez alors que le président vénézuélien a suivi le Brésil sur la question de la crise hondurienne. Au cours des cinq derniers mois, les deux ont dit espérer que le président américain Barack Obama interviendrait pour résoudre la crise et pour forcer le régime né du coup à abandonner le pouvoir.

Il ne peut avoir d’exposition plus dommageable de la faillite politique de toutes les sections de la bourgeoisie nationale de l’Amérique latine, peu importe leurs prétentions d’être à gauche. Tout comme en Irak et en Afghanistan, saupoudrant ses déclarations de mots comme « changement » et meilleures relations internationales, l’administration Obama défend les intérêts impérialistes des Etats-Unis en Amérique latine de façon aussi impitoyable que son prédécesseur.

Dans le cas de Zelaya, sa dépendance à une intervention de la Maison-Blanche a été traduite dans sa tentative (avec la collaboration des bureaucrates syndicaux et des nationalistes de gauche à la direction du Front national de résistance) de subordonner les luttes de plus en plus militantes des travailleurs, des paysans et des étudiants du Honduras aux négociations ayant lieu sous la tutelle des Etats-Unis qui ont servi de couverture politique au régime né du coup.

(Article original anglais paru le 1er décembre 2009)

 

 

 

 

 


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés