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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

L'inquiétude monte aux Etats-Unis concernant la parodie d'élections en Afghanistan

Par Barry Grey
27 août 2009

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La Commission électorale indépendante d'Afghanistan a rapporté mardi que le décompte préliminaire des voix dans 10 pour cent des bureaux de vote donnait au président sortant  Hamid Karzaï une légère avance sur son principal rival, l'ancien ministre des Affaires étrangères  Abdoullah Abdoullah dans l'élection qui s'est tenue le 20 août.

La commission a dit que Karzaï avait obtenu 40,6 pour cent des voix, contre 38,7 pour cent pour Abdoullah. Si aucun des candidats n'obtient plus de 50 pour cent du total des votes exprimés, un deuxième tour est prévu pour le mois d'octobre.

Le résultat du décompte partiel a été éclipsé par une recrudescence de reportages faisant état de fraudes électorales, de bourrages des urnes et d'intimidations des électeurs de grande envergure par divers candidats et leurs partisans respectifs parmi les seigneurs de guerre ethniques.

Les preuves de fraude et de violence, accompagnées d'une participation très faible qui pourrait s'élever à 30 pour cent, 10 pour cent voire moins dans le sud et l'est pachtoune du pays, provoquent la crainte à Washington et dans d'autres capitales occidentales qu'une élection mise en place pour fournir un vernis de légitimité à une guerre contre-insurrectionnelle impérialiste et à un gouvernement fantoche ne fera qu'exacerber l'opposition populaire à l'occupation étrangère et attiser les divisions régionales et ethniques en Afghanistan.

Le gouvernement Obama s'inquiète aussi que le fiasco électoral ne mine davantage encore aux Etats-Unis le soutien à la guerre. Le soutien public à la guerre a décliné de façon spectaculaire selon de récents sondages. Washington avait espéré que l'élection faciliterait ses préparatifs visant à augmenter fortement la présence armée américaine en Afghanistan et fournirait une couverture à une escalade de violence militaire contre les millions d'Afghans opposés à l'occupation américaine.

Cette élection ne pouvait qu'être une parodie du fait qu'elle se déroule dans un pays occupé par près de 100 000 soldats américains et de l'OTAN, qu'elle a exclu du rang des candidats toute personne opposée à l'occupation conduite par les Etats-Unis et qu'elle était dominée par des seigneurs de guerre et des hommes forts ethniques pro-américains qui, selon des organisations des droits de l'homme, sont coupables de crimes de masse à la fois avant et depuis l'invasion américaine qui a renversé le régime taliban, il y a de cela  près de huit ans.

Un jour après l'élection, le président Barack Obama a salué l'élection comme étant « un pas en avant » pour le peuple afghan et l'a qualifiée de « succès. » Dans les jours qui ont suivi, les officiels américains et européens ont fait marche arrière par rapport à cette adhésion totale, du fait de la prolifération de plaintes de fraudes électorales par de nombreux candidats afghans et de reportages d'observateurs électoraux afghans et occidentaux.

La Commission des plaintes électorales soutenue par les Nations unies a rapporté mardi qu'elle avait reçu au moins 1 087 plaintes officielles d'irrégularité le jour de l'élection ou dans les jours qui ont suivi. Les journaux occidentaux ont fait état de rapports de témoins des bureaux de vote du sud et de l'est pachtoune où quasiment aucun électeur ne s'est rendu aux urnes mais d'où des représentants électoraux nommés par Karzaï ont envoyé des urnes bourrées de centaines de bulletins pour le décompte à Kaboul.

Les talibans et groupes d'insurgés alliés qui contrôlent de larges régions de l'Afghanistan, dont la plus grande partie du sud et de l'est du pays, ont appelé à un boycott et l'ont renforcé au moyen de menaces et de violences éparses. Mais la participation minime du sud et de l'est résulte aussi de l'hostilité populaire à l'occupation et au régime fantoche de Karzaï qui est bien connu pour sa corruption et son népotisme et qui a présidé aux attaques aveugles américaines et de l'OTAN sur les civils ainsi qu'à la pauvreté grandissante.

Karzaï cherche à garantir sa réélection en procédant à des fraudes électorales et en concluant des marchés avec les dirigeants militaires liés à l'Alliance du Nord, le front qui a rejoint les Etats-Unis pour chasser les talibans en 2001. Les représentants de Karzaï estiment par exemple que l'alliance du président sortant avec le seigneur de guerre ouzbek  Abdul Rashid Dostum, célèbre pour les massacres de masse dans les années 1990 et le massacre de milliers de prisonniers talibans durant l'invasion américaine, accordera à Karzaï 10 pour cent des voix.

Dans le nord qui est dominé par les Tadjiks, Ouzbeks et Hazaras, les reportages font état de seigneurs de guerre locaux forçant les habitants à voter pour leurs candidats, principalement  Abdoullah Abdoullah, sous la menace du fusil. L'un des candidats, l'ancien ministre des Finances Ashraf Ghani a allégué que des bandits armés associés à Abdoullah ont forcé les gens à voter dans la province nord de Balkh. Le gouverneur de la province est un ancien seigneur de guerre, partisan d'Abdoullah.

Abdoullah et Karzaï ont chacun déclaré juste après l'élection qu'ils avaient obtenu plus de 50 pour cent des voix, et chacun accuse l'autre de fraude électorale ce qui prépare une lutte prolongée sur le résultat final, qui sera annoncé le mois prochain, et l'éruption possible d'une guerre de factions. En même temps, Karzaï a proposé de nommer Abdoullah ministre des Affaires étrangères dans son second mandat présidentiel.

Pour donner un exemple du bourrage d'urnes qui a sévi, le Wall Street Journal rapportait lundi :  « Selon un rapport confidentiel fait par des membres d'une mission d'observation américaine, les urnes des régions de Kandahar et de Spin Boldak dans le sud, théâtre des insurrections des plus violentes, arrivent dans les bureaux de la commission électorale remplies de 500 à 600 bulletins de vote chacune, indication d'une participation exceptionnelle qui ne concorde pas avec les rapports des témoins décrivant des bureaux de vote désertés. »

Le Washington Post de mardi citait Faizullah Mojadedi, législateur de la province de Logar dominée par les talibans, disant : « Dans le district de Barkai Barak, seuls 500 personnes ont pu voter sur les 43 000 inscrits. Dans le district de Harwar personne n'a pu voter sur les 15 000 inscrits. Et pourtant, les urnes en provenance de ces endroits sont arrivées pleines à Kaboul. »

De nombreux commentateurs ont remarqué que le quasi-boycott de l'élection dans le sud a en fait facilité le bourrage des urnes dans ces régions par des représentants électoraux nommés par Karzaï. Le Los Angeles Times a publié mardi la chronique d'un ancien humanitaire vivant à Kandahar. L'article intitulé « Fraude lors de l'élection afghane » déclare : « D'après un bon nombre de mes amis qui n'ont pas voté et des conversations entendues en ville et au moment de la prière, j'évaluerai la participation à Kandahar City à 20 pour cent au maximum. Dans l'ensemble de la province, dans toutes les régions mis à part trois, 5 pour cent serait une estimation généreuse. Au total pour la province ? Je dirais de 10 à 15 pour cent. »

« La faible participation dans les régions censées soutenir Karzaï est en fait la porte ouverte à la fraude électorale. Il suffit de déclarer une participation qui semble crédible aux oreilles internationales, disons 50 pour cent, puis de remplir les urnes pour atteindre ce chiffre avec des bulletins pour Karzaï. »

Mardi, Abdoullah a montré à des journalistes des vidéos montrant des gens travaillant à la commission électorale en train de falsifier à la faveur de Karzaï des bulletins de vote, selon le Christian Science Monitor.

Le Wall Street Journal a résumé ainsi l'inquiétude grandissante de Washington face au caractère ouvertement frauduleux et corrompu de l'élection : « Certains officiels occidentaux craignent que la participation soit bien en dessous des 70 pour cent de la précédente élection afghane. Une faible participation accompagnée d'allégations de fraude de grande envergure pourrait encore plus mettre à mal la légitimité de l'élection et promouvoir les talibans. »

L'attitude du gouvernement américain face à la fraude électorale répandue a été résumée par Richard Holbrooke, envoyé spécial d'Obama en Afghanistan, qui a dit qu'il était trop tôt pour remettre en question la légitimité de l'élection. « Nous avons des élections contestées aux Etats-Unis. Il se peut qu'il y ait quelques questions ici... Mais n'anticipons pas sur la situation. » Les Etats-Unis, a-t-il ajouté « respecteront le processus mis en place par l'Afghanistan lui-même ».

En fait, Washington est intervenu massivement dans ces élections, cherchant à manipuler le résultat de façon à ce qu'il y ait un face à face entre Karzaï et Abdoullah. Bien que Karzaï ait servi d'homme de paille des Etats-Unis, Washington est de plus en plus critique de son régime qu'il considère comme désespérément corrompu, inefficace et impopulaire. L'armée américaine s'est aussi plainte des critiques occasionnelles de Karzaï face aux bombardements américains de civils afghans.

Le gouvernement Obama débat ouvertement de l'installation d'un « haut représentant » non élu qui serait chargé de surveiller le fonctionnement quotidien du gouvernement, quel que soit le résultat final de l'élection.

La différence de réaction des Etats-Unis face à l'élection afghane et à l'élection iranienne d'il y a deux mois est très importante. En Afghanistan, Washington a minimisé l'importance des preuves répandues de fraude et les accusations par de nombreux candidats de bourrage massif des urnes. En Iran, le gouvernement américain et les médias ont aussitôt adopté les accusations d’« élection volée » proférées par l'opposition pro-occidentale à l'égard du président sortant Mahmoud Ahmadinejad sans présenter aucune preuve substantielle de fraude.

La différence s'explique par les intérêts de politique étrangère des Etats-Unis. Dans les deux cas, l'objectif principal est d'asseoir la domination impérialiste américaine en Asie centrale, région riche en ressources énergétiques et occupant une position stratégiquement cruciale à la croisée de l'Europe, du Proche-Orient et de l'Asie du Sud et de l'Est. Mais les Etats-Unis considèrent le régime d’Ahmadinejad comme un obstacle à son objectif et a cherché à utiliser l'élection iranienne contestée pour déstabiliser et destituer le président sortant, alors qu'il a un intérêt direct à consolider un gouvernement « démocratique » fantoche à Kaboul

 

(Article original anglais paru le 26 août 2009)


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