La contradiction entre
les aspirations et les espoirs de millions d’Américains qui ont voté pour
répudier la politique de guerre et de réaction sociale du gouvernement Bush et
le caractère de classe du futur gouvernement Obama devient de plus en plus
évidente depuis l’élection il y a deux semaines.
La nomination dans
l’équipe de transition d’Obama de personnalités du monde de la
finance, de groupes de pression et de fonctionnaires de la défense donne une
preuve tangible de ce qui est en préparation. La composition de l’équipe
dont Obama avait dit qu’elle « assurerait autant que possible une
transition sans faille en ce qui concerne la sécurité nationale », montre
que son gouvernement sera composé de vétérans avérés de l’establishment
de Washington qui, en matière de défense des intérêts de l’impérialisme
américain, sont réputés être plus compétents, mais non moins impitoyables que ceux
du gouvernement Bush.
Les précédents nouveaux
gouvernements avaient fait des concessions à l’opinion publique en
nommant à des postes de second plan des personnages populaires auprès du
public. En 1977, le président Jimmy Carter dont le gouvernement avait représenté
un virage droitier significatif du Parti démocrate, avait néanmoins nommé au
poste d’ambassadeur des Etats-Unis aux Nations unies un militant de
longue date pour les libertés civiles, Andrew Young. Ce dernier avait ensuite
été renvoyé après avoir rencontré des responsables de l’Organisation de libération
de la Palestine.
Comptant sur
l’énorme animosité de la population américaine à l’égard du
gouvernement Bush méprisé et sur son statut de premier président
afro-américain, Obama ne ressent pas la nécessité de procéder ainsi. En effet,
il s’est efforcé de se solidariser avec des politiciens droitiers. Lundi,
Obama a rencontré John McCain à Chicago, son concurrent républicain lors des
élections. Dans une interview accordée la veille à l’émission de
télévision américaine « 60 minutes » de CBS, il a fait connaître sa
décision de nommer des républicains dans son équipe gouvernementale et ses
conseillers ont largement lancé l’idée de la possibilité du maintien de
Robert Gates au poste de secrétaire à la Défense.
L’équipe de transition d’Obama découlede ces
manœuvres. Elle est co-présidée par Valérie Jarrett, PDG d’une
société de gestion immobilière de Chicago et conseillère d’Obama et par
John Podesta, ancien secrétaire général du président Bill Clinton et président
du Podesta Group, un groupe de pression de Washington. L’équipe de
transition emploie 450 personnes et dispose d’un budget de 12 millions de
dollars. Elle comprend plusieurs « équipes d’experts » chargés
de préparer les recommandations pour les nominations et la politique du futur
gouvernement.
Les co-présidents de l’équipe d’experts en charge du Trésor
américain sont Josh Gotbaum, un ancien partenaire et gérant de la banque
d’investissement Lazard Frères et qui a occupé de nombreux postes dans le
gouvernement Clinton, et Michael Warren qui travaille pour la société de
conseil aux multinationales, Stonebridge International CC.
Les co-présidents de l’équipe d’experts du département d’Etat
[Affaires étrangères], sont tous deux d’anciens responsables du département
d’Etat du gouvernement Clinton. Tom Donilon est un ancien grand lobbyistede la firme de refinancement hypothécaire Fannie Mae, récemment renflouée
avec l’argent des contribuables américains ; il est à présent un associé
chez O’Melveny and Myers, [un cabinet d’avocats international]. Il
fait partie de plusieurs grands groupes de réflexions internationaux. Wendy
Sherman est une responsable au plus haut niveau de la hiérarchie du Groupe
Albright, une société de lobbying fondée par la secrétaire d’Etat du
gouvernement Clinton, Madeleine Albright.
Les co-présidents de l’équipe d’experts du département américain
de la Défense sont John White qui avait été le sous-secrétaire à la Défense
dans le gouvernement Clinton et qui a dirigé dernièrement la « Middle East
Initiative » de la Kennedy School à l’Université Harvard, et Michèle
A. Flournoy, ancienne vice secrétaire adjointe à la Défense dans le
gouvernement Clinton et présidente du groupe de réflexion Center for a New
Americain Security (CNAS).
Les membres du CNSA, un groupe de réflexion plutôt petit, situé à Washington,
et comptant 30 employés a été fondé en 2003 par Podesta et Flournoy, jouent un
rôle plutôt démesuré dans l’équipe de transition d’Obama. Les
conseillers d’Obama ont dit au Wall Street Journal que Flournoy
pourrait bien devenir la première femme américaine à occuper le poste de
secrétaire d’Etat à la Défense. Wendy Sherman, qui siège au conseil
d’administration du CNAS, s’attend à obtenir un emploi de haut rang
au département d’Etat. Deux conseillers du CNAS, Susan Rice et James
Steinberg, auraient été présélectionnés par Obama pour être conseillers à la
sécurité nationale.
Il est possible que le nombre de membres du CNAS à rejoindre le gouvernement
Obama soit tellement important que des responsables du CNAS ont dit au Journal
qu’ils s’inquiétaient de ce que le groupe de réflexion puisse disparaître
après l’investiture d’Obama. Ils ont toutefois ajouté qu’ils
espéraient recruter des officiels venant du gouvernement Bush pour occuper les
postes vacants au CNAS.
Les publications du CNAS dont un certain nombre sont disponibles sur leur
site web, montrent clairement que la politique étrangère du gouvernement Obama aura
un caractère totalement impérialiste. Un rapport du CNAS daté de juin 2008 et rédigé
par Flournoy et d’autres employés du CNAS appelle à un « engagement conditionnel »
des troupes américaines en Irak et à s’oppose à un calendrier fixe pour
un retrait américain, une position adoptée à présent par Obama. Le rapport défend
un déploiement à grande échelle de troupes américaines au sol en Afghanistan et
au Pakistan afin de poursuivre une politique du type « montée en
puissance » comme en Irak en soudoyant des chefs militaires locaux et en
massacrant ceux qui résistent.
Le CNAS préconise aussi une politique impliquant le Japon et l’Inde
dans le but de contenir la Chine en Asie de l’Est et du Sud. Le 11
novembre, il avait publié un rapport sur la puissance navale américaine, mettant
en garde contre une éventuelle guerre dans l’Océan pacifique émanant d’une
grande puissance et appelant la marine américaine à garder son avance sur la
marine chinoise. Un éditorial intitulé, « Une armée pour un nouveau monde
dangereux » et publié le 16 novembre dans le New York Times, reprenait
ces recommandations en mettant en garde contre le risque que la Chine « n’augmente
la taille de sa marine opérant en eaux profondes », en disant que les
Etats-Unis ne pouvaient pas « céder les mers » et ne pouvaient pas
« admettre qu’un pays quelconque vienne s’immiscer dans les
passages maritimes vitaux ».
Le fait qu’Obama envisage de nommer Hillary Clinton au poste de
secrétaire d’Etat souligne de plus la fausseté de son attitude à se poser
en opposant au militarisme du gouvernement Bush. Au cours de la campagne des
primaires démocrates, il avait attaqué Clinton pour avoir de par son vote
permis à Bush d’attaquer l’Irak, en qualifiant ceci de bavure
stratégique. Il l’avait également critiquée pour avoir voté en faveur
d’une résolution du Sénat qualifiant la Garde révolutionnaire iranienne
d’organisation terroriste. Durant la campagne des primaires, Clinton
avait déclaré que les Etats-Unis « oblitéreraient» l’Iran
s’ils attaquaient Israël. A présent, Obama envisage de la placer à la tête
de la diplomatie américaine.
Tous ces développements éclairent une vérité politique fondamentale :
Obama a été le choix de la faction de l’establishment politique
américain qui a vu en lui la figure de proue idéale pour reconditionner et
recalibrer la politique impérialiste des Etats-Unis.