Etudiants, enseignants et professeurs d’université continuent de
manifester contre les attaques sur le droit à l’éducation et la
proposition de 130 000 licenciements par le premier ministre Silvio
Berlusconi. Le week-end du 7 novembre cela faisait plus de trois semaines que
les étudiants manifestaient nationalement contre ces mesures. Une manifestation
de masse était encore prévue pour le 14 novembre.
Ce mouvement de masse proteste contre le vote de la Loi 133, aussi appelée
la réforme Gelmini (du nom de la ministre de
l’Education MariastellaGelmini.)
Ce décret conduira à la suppression d’au moins 87 000 postes
d’enseignants et 44 500 postes administratifs dans les
établissements scolaires publics sur trois ans d’ici 2012. De nombreux
établissements scolaires plus petits vont être fermés, résultat de coupes
budgétaires s’élevant à 8 milliards d’euros. Les universités aussi
se voient menacées de privatisation.
Dans les écoles primaires, le nombre de maîtres par classe passera de deux à
un seul. La semaine de travail scolaire sera aussi réduite et passera de 40 à
24 heures.
La réforme gouvernementale de l’enseignement supérieur n’est pas
encore arrêtée, mais ses lignes directrices, indiquant encore plus
d’attaques, ont été présentées par Gelmini le 6
novembre. On y trouve une réduction des heures d’enseignement, la
rationalisation du nombre de cours de licence proposés et un projet
d’accorder 30 pour cent du financement public sur la base des résultats.
L’article 66 prône la rationalisation du personnel dans les
universités. Seul un poste vacant sur cinq chez les professeurs sera pourvu
dans les prochaines années. L’autorisation est accordée permettant aux
universités italiennes de mettre en place des fondations qui pourront
bénéficier de financement privé, ce qui est le signe avant-coureur de la
privatisation.
Le mouvement s’est rapidement développé en une confrontation ouverte
avec le gouvernement et l’Etat. Des statistiques du ministère de
l’Intérieur ont révélé que depuis le début du mois d’octobre il y
avait eu jusqu’à 300 manifestations avec 150 établissements scolaires et
20 départements universitaires occupés par les étudiants. D’après le
mouvement de protestation, 60 lycées ont été occupés à Naples et 120 dans la
région de Campania, rien que dans le sud de
l’Italie.
Le 27 octobre, quelque 10 000 étudiants ont occupé l’Université
La Sapienza de Rome avant d’aller bloquer
plusieurs artères principales de la ville et la gare ferroviaire centrale RomaTermini. Les protestations
se sont poursuivies et les étudiants sont finalement allés encercler le
bâtiment du Sénat dans la ville.
Le 29 octobre, le gouvernement a voté en faveur de la Loi 133 par 162 voix
pour et 134 contre. Le Sénat a été contraint de lever la séance lorsque des
milliers d’étudiants ont assiégé le bâtiment. Les étudiants et leurs
partisans étaient arrivés sur la place après avoir participé à sept manifestations
partant de divers endroits de la ville. Au moment où la loi était votée, les
étudiants ont organisé un sit-in devant le bâtiment du Sénat, le PalazzoMadama, à Rome en
scandant, « Clowns ! Clowns ! » à
l’intention des hommes politiques qui se trouvaient à l’intérieur.
Le 30 octobre, on a estimé à un million le nombre d’enseignants,
d’étudiants et de lycéens qui ont manifesté à Rome suite à la
ratification de la réforme Gelmini. La manifestation
avait été appelée par plusieurs syndicats conduits par la Confédération
générale du travail (CGIL.) un certain nombre d’étudiants ont exprimé
leur écoeurement envers le gouvernement en jetant des œufs et autres
projectiles sur le bâtiment du ministère de l’Education à Trastevere.
La manifestation faisait partie d’une journée de grève générale des
enseignants. Durant la journée, 90 pour cent des établissements scolaires sont
restés fermés dans tout le pays. A Milan, 5000 étudiants au moins ont fait un
court sit-in devant la Bourse de Milan sur la Piazza Affari. A Turin, on a
évalué à 50 000 le nombre de personnes qui ont défilé accompagnés par
l’orchestre du théâtre de la ville. A Venise, la voie reliant la ville
lagon au reste du pays a été occupée par plusieurs milliers de jeunes.
Le 7 novembre, il y a eu des manifestations et des protestations nationales
dans toutes les grandes villes dont Rome, Torino, Bari Bologna,
Cagliari, Florence, Milan, Naples, Pise, Lecce, Padoue, Turin ainsi qu’à
Palerme en Sicile. Quelque mille étudiants essayaient d’occuper la gare d’Ostiente à Rome lorsqu’ils ont été attaqués par la
police anti-émeute. Un étudiant a été blessé à la tête durant les heurts tandis
que d’autres étaient aussi blessés par les matraques des policiers.
A Naples, les étudiants ont défilé par milliers et à Pise des étudiants ont
organisé des sit-in sur plusieurs quais de la gare. Le 10 novembre, des
étudiants de Florence ont annoncé qu’ils
organiseraient encore une manifestation et un sit-in éducatif (teach-in.)
En réponse aux manifestations unitaires des étudiants, professeurs, lycéens
et parents le gouvernement et l’élite dirigeante ont
adopté un ton de plus en plus belliqueux et menaçant. Berlusconi a qualifié les
manifestants de « violents » et Gelmini a
parlé de menace « terroriste » et comparé les manifestations aux
Brigades rouges qui avaient émergé en Italie dans les années 1970.
Au commencement des manifestations, Berlusconi avait lancé cet
avertissement, « Je veux lancer cette mise en garde: Nous n’autoriserons pas les occupations
d’établissements scolaires et d’université... Je vais téléphoner au
ministre de l’Intérieur et lui donner des instructions détaillées sur la
manière d’intervenir avec les forces de police pour mettre fin à ces
agissements. »
Suite aux manifestations du 30 octobre, il avait déclaré, « Je regrette
que les jeunes soient manipulés par la gauche… Je vois une gauche
scandaleuse qui est capable de renverser la vérité et de raconter des
mensonges. »
Francesco Cossiga a fourni un avertissement très clair sur le type de
mesures en préparation, lors d’une interview le 28 octobre avec le
quotidien d’extrême-droiteQuotidianoNazional. Cossiga est un ancien premier ministre
démocrate chrétien et président d’Italie de 1985 à 1992. Il est à présent
membre à vie du Sénat.
Lorsqu’on lui a demandé si Berlusconi était « allé trop loin
quand il avait menacé de recourir à la force de l’Etat contre les
étudiants », il a répondu, « Je crains que ses paroles ne soient pas
suivies par des actions. »
Il a ensuite conseillé que Roberto Maroni de la Ligue du nord,
l’actuel ministre de l’Intérieur, fasse « ce qu’il avait
lui-même fait lorsqu’il était ministre de l’Intérieur. »
« Retirez les policiers des rues et des universités,
infiltrez le mouvement avec des agents provocateurs prêts à tout et laissez les
manifestants faire ce qu’ils veulent pendant une semaine, dévaster les
magasins, brûler des voitures, causer des dégâts dans les rues… »
« Ensuite quand l’opinion publique se range de votre côté,
le bruit des sirènes d’ambulances devraient recouvrir celui des sirènes
de voitures de police et de carabinieri… Les
forces de l’ordre devraient massacrer les manifestants sans aucune pitié
et les envoyer tous à l’hôpital. Il ne faut pas les arrêter, les magistrats
les laisseront libres quelque soit le délit commis, mais les frapper
jusqu’au sang et frapper les enseignants qui les manipulent, les frapper
eux aussi jusqu’au sang. »
A la question, « les enseignants aussi ? » il a répondu,
« Surtout les enseignants. Pas les plus âgés, bien sûr… mais les
jeunes femmes. Avez-vous seulement une idée de la gravité de la
situation ? Il y a des enseignants qui endoctrinent des enfants et les
encouragent à manifester. C’est un comportement criminel ! »
L’interviewer a répliqué, « Mais vous vous rendez compte de ce
que l’on dira en Europe par rapport à ce que vous suggérez ? Ils
diront "le fascisme est de retour en Italie". »
Cossiga a répondu, « N’importe quoi... C’est la voie
démocratique. Eteignez la flamme avant que le feu ne se propage. »
Le gouvernement utilise tous les moyens pour attiser un climat de droite et
intimider le virage à gauche qui s’affirme parmi les larges couches de la
population. Des groupes de droite ont été mobilisés pour attaquer les
manifestations et les rassemblements organisés par les étudiants. Aussitôt
après que la Loi 133 fut votée au Sénat, une bande de voyous de droite a
attaqué des étudiants qui manifestaient sur la Piazza Navona.
Des milliers d’étudiants venaient juste d’arriver sur la place
après avoir occupé la faculté des sciences de la communication et de sociologie
à l’Université La Sapienza. Les voyous sont
liés au mouvement néofasciste Casa Pound et étaient armés de gros bâtons et
matraques enveloppés dans des drapeaux italiens.
Les mobilisations de masse des étudiants et des jeunes se produisent dans le
contexte d’un mouvement de plus en plus combatif de la classe ouvrière
pour la défense des emplois, des salaires et des droits existants. Les
travailleurs des transports en commun, de la santé et d’autres secteurs
du service public se sont mis en grève ces dernières semaines. D’autres
travailleurs dont les pompiers, le personnel des compagnies aériennes et les
employés des centres d’appel et des compagnies privées comme les
fabricants de meubles IKEA, se sont aussi joints à ces actions. Le 9 novembre,
les travailleurs des transports ferroviaires et des transports en commun ont
commencé une grève nationale de 24 heures. La plupart des bus, tramways,
services de trains locaux et réseaux de métro ne circulaient pas du fait de cet
arrêt de travail.
(Article original anglais paru le 12 novembre 2008)