Le texte qui suit est la troisième
partie du discours qu’a prononcé mercredi dernier Bill Van Auken, le
candidat vice-présidentiel du PES aux élections américaines, devant un
auditoire de travailleurs et de jeunes à Montréal au Canada. La première
partie a été publiée le 3 novembre et la deuxième
partie le 4 novembre.
Les événements des dernières semaines ont
exposé tant la faillite du système capitaliste que les divisions de classe
essentielles qui dominent la société américaine. Ils ont révélé que le système
des deux partis n’est rien d’autre qu’un instrument de
l’aristocratie financière, une façade démocratique qui sert à masquer la
dictature des banques et du capital financier.
A cet égard, on devrait regarder
attentivement la manière dont le plan de sauvetage a été adopté par le Congrès.
Comme vous le savez, il a été initialement rejeté par la Chambre 228 voix
contre 205.
Il a été rejeté par à la fois par des
républicains de droite, qui l'ont dénoncé comme du « socialisme », et
par 95 démocrates, une partie de ces derniers ayant condamné le plan comme un
cadeau à Wall Street qui ne donne rien aux travailleurs.
Ce qu'ils avaient pour la plupart en commun,
c'est qu'ils faisaient face à de dures campagnes de réélection et craignaient
que leurs adversaires, qu’ils soient de gauche ou de droite, ne les
dénoncent pour copinage avec Wall Street, pour avoir donné des centaines de
milliards de dollars de l'argent des contribuables à ceux-là mêmes qui étaient
responsables de la crise.
Dans ce sens très limité, le vote a exprimé
d'une manière partielle et déformée la grande opposition populaire qui existe
face à cette mesure, malgré l'immense campagne de chantage et d'intimidation
menée pour forcer son passage.
Comment la direction démocrate au Congrès
a-t-elle cherché à surmonter l'opposition au plan de sauvetage ? Les
démocrates contrôlent le Sénat et la Chambre, et ils avaient juste besoin de 13
voix supplémentaires pour faire adopter le projet de loi. La direction a-t-elle
utilisé sa position de force pour réclamer des clauses protégeant les
travailleurs contre les licenciements, et les propriétaires de maisons contre
les saisies, et obtenir ainsi l'appui des membres démocrates du Congrès ?
Pas du tout. La direction est allée
chercher les voix nécessaires en faisant d'autres concessions à la droite
républicaine, en offrant des centaines de milliards de dollars de plus en
baisses d'impôts pour les entreprises, tout en gardant le plan de sauvetage tel
quel sur tous les aspects essentiels. Rien n'a été ajouté pour créer des
emplois pour les chômeurs ou offrir un logement abordable à ceux qui risquent
de perdre leur maison.
Quant aux adversaires du plan parmi les
démocrates, bien que rien n'ait été ajouté pour apaiser leurs supposés soucis
concernant le manque de mesures d'aide pour les travailleurs ordinaires, un
grand nombre de ceux qui avaient voté « contre » ont été persuadés —
en grande mesure grâce à une campagne personnelle de lobbying par Barack Obama —
de changer leur vote au second tour et de soutenir le transfert de 700 milliards
de dollars de fonds publics vers les coffres privés des grandes banques.
Lorsque la Chambre avait initialement
rejeté le plan de sauvetage, la réaction dans l'establishment politique et les
médias était marquée au signe de l’indignation hystérique. Quelques
chroniqueurs influents ont suggéré qu'une nouvelle forme de pouvoir était
nécessaire, qui soit moins sujette à l'influence des sentiments populaires et
mieux adaptée à imposer la dictature du capital financier sur le reste de la
population.
Un compte-rendu de l'humeur régnant sur la
colline du Capitole, paru la semaine dernière dans le Los Angeles Times,
montre qu'il ne s'agissait pas simplement des rêveries de quelques
« experts » des médias. Le journal a cité un démocrate de la
Californie, Brad Sherman, qui a voté contre la mesure.
Sherman a dit : « J'ai vu des membres
se tourner vers d'autres et dire que si nous ne votons pas ce projet de loi,
nous allons avoir la loi martiale aux Etats-Unis. »
Interrogé par la suite, Sherman a refusé de
dire qui invoquait la loi martiale et pourquoi. Il a essayé de présenter sa
remarque comme une simple illustration de la campagne de peur ayant entouré le
passage en force de la loi.
Mais dans le contexte d'une profonde crise
économique et d'une polarisation sans précédent (1 pour cent de la population
détenant plus de richesses que les 90 pour cent au bas de l'échelle) la
référence à la loi martiale ne relève pas de la simple hyperbole. Les
institutions démocratiques ne peuvent pas contenir des antagonismes sociaux
aussi intenses.
Il y a le feu, se fait-on dire sans arrêt depuis
des semaines, et il sera trop tard si l’on n’agit pas tout de
suite.
Oui, il y a urgence. Mais la question est
de savoir ce qui est fait, pour qui et contre qui ? Rien ne laisse croire
que le sauvetage initial ou le rachat subséquent des actions bancaires empêcheront
les licenciements massifs qui ont déjà commencé, ou protégeront les familles
contre la saisie de leur maison. En fait, ces mesures faciliteront la
concentration de la richesse chez une poignée de banques et protégeront les
fortunes du 1 pour cent le plus riche.
La grande question est la suivante : qui
va payer pour la crise ?
Le Parti de l'égalité socialiste rejette
tout le cadre dans lequel le gouvernement Bush et le parti démocrate proposent
de faire face au désastre financier. Peu importe leurs désaccords de façade sur
les propositions financières actuelles, ils conviennent tous que c'est la
classe ouvrière, la majorité écrasante de la population, qui doit porter le
fardeau de la crise.
Notre parti dit non. Nous affirmons que
cette crise exige un changement fondamental dans la structure politique et
économique des Etats-Unis.
De tels changements ne peuvent être
réalisés que par la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière
contre l'élite financière qui gouverne par le biais des partis démocrate et
républicain. C'est seulement sur cette base que les travailleurs peuvent mettre
de l'avant leur propre solution, une solution socialiste, à la catastrophe engendrée
par le capitalisme.
La question du socialisme était considérée
une question réglée : le socialisme avait échoué, il était mort, c'était
la fin de l'histoire. Maintenant le socialisme revient de plus belle. Il est
discuté tous les jours dans la presse.
Cela rappelle la phrase d'introduction du
manifeste communiste : « Un spectre hante l'Europe, le spectre du
communisme. »
Il y avait une touche d'ironie dans la
phrase immortelle de Marx. Un débat intense faisait rage au sujet du communisme,
une faction accusant l'autre d'en être un adepte, alors que les véritables
socialistes et communistes représentaient une petite minorité persécutée.
Le débat actuel autour du socialisme a une
signification semblable. Les contradictions que j'ai indiquées au tout début,
entre la production sociale et l'appropriation capitaliste privée, entre
l'économie globalement intégrée et le système d'Etats-nations, ne peuvent
trouver de solution progressiste que par la lutte pour le socialisme
international.
Bien que le socialisme soit une nécessité
objective, son accomplissement n'est nullement un processus automatique et
pré-établi. Il exige une lutte politique par des hommes et des femmes
déterminés et conscients qui comprennent qu'il est impossible de continuer de vivre
sous l'ordre social existant.
Notre campagne, la raison pour laquelle
nous participons à l'élection, est de gagner de tels combattants déterminés à
notre parti et de mettre de l'avant un programme autour duquel les
travailleurs, la grande majorité de la population, peuvent être mobilisés.
Notre parti réclame, non pas le sauvetage
des banques, mais leur nationalisation et celle des autres grandes sociétés
financières, sans compensation aux anciens propriétaires, et leur
transformation en services d'utilité publique sous le contrôle démocratique des
travailleurs. Les grands leviers financiers de la société doivent être libérés
de la propriété privée et utilisés pour distribuer la richesse et augmenter les
forces productives afin de satisfaire les besoins des gens.
Les milliards de dollars en richesse
sociale détournés dans les comptes privés des spéculateurs et des banquiers
doivent être récupérés, et employés à étendre les programmes sociaux qui
profitent aux masses. Il doit y avoir une mise en examen publique de la fraude
et de la corruption qui ont alimenté la crise, et les responsables doivent en
rendre compte, y compris au moyen de poursuites pénales.
Les comptes des grandes banques, sociétés
financières, compagnies d'assurances et fonds de couverture doivent être
ouverts à l'examen public, afin de mettre à nu les activités illégales et
socialement destructives.
Le Parti de l'égalité socialiste préconise
la création d'un gouvernement ouvrier, d’un gouvernement des
travailleurs, par les travailleurs et pour les travailleurs, afin de prendre
les mesures d'urgence nécessaires pour résoudre la crise dans l'intérêt de la
majorité. Ces mesures comprennent : l'arrêt des expulsions et des saisies
de maisons ; la création de millions d'emplois dans les travaux
publics ; l'interdiction des coupes salariales et des licenciements ;
et une énorme expansion des services publics.
Sur la question de la politique extérieure,
nous exigeons le retrait complet et sans conditions des troupes américaines
d'Irak et d'Afghanistan, et le démantèlement de la machine de guerre des
Etats-Unis afin que les 700 milliards de dollars dépensés chaque année pour
tuer servent plutôt à améliorer les conditions de vie.
Le but de notre campagne n’est pas tant de faire élire
tel ou tel candidat, (cette tâche est rendue presque impossible par les lois
électorales restrictives et anti-démocratiques qui bloque toute alternative au
système biparti), mais de présenter une alternative politique à la classe
ouvrière et de la préparer aux luttes de classe qui vont éclater dans la
période postélectorale.
Cette campagne fait partie de la lutte pour la construction
d’un parti fondamentalement nouveau, le parti révolutionnaire dont a
besoin la classe ouvrière.
Nous appelons tous ceux qui voient le besoin d'une
alternative socialiste à soutenir cette campagne, à lire le World Socialist
Web Site, à étudier l’histoire de notre mouvement et à adhérer au
Parti de l’égalité socialiste.