Le bilan des victimes de l’important tremblement de terre
du 12 mai en Chine dans la province du Sichuan a continué de s’alourdir hier,
même sans tenir compte du fait que l’état de la situation dans les régions les
plus dévastées n’était pas connu. Le séisme, dont l’épicentre se trouvait dans
une région montagneuse près des frontières entre le Sichuan, le Tibet et la
province de Qinghai, a été d’une intensité de 7,9 sur l’échelle de Richter et
fut perçu aussi loin que dans la capitale thaïlandaise de Bangkok à 1900
kilomètres au sud.
Selon l’agence de presse d’Etat Xinhua, le gouverneur
adjoint de la province du Sichuan a fait état d’un bilan de plus de 12 000
morts, 26 206 blessés et plus de 9400 personnes prises sous les décombres.
Li a déclaré que le bilan partiel se chiffrait 161 morts dans la préfecture
autonome d’Aba Tibetan-Qiang, 7395 à Mianyang City, 2648 à Deyang City, 959
dans la capitale du Sichuan, Chengdu, et 700 dans la ville de Guangyuan.
D’autres décès furent rapportés dans des villes dont Ya’an, Ziyang et la
préfecture autonome tibétaine de Garzê.
On craint que ces chiffres ne soient revus considérablement
à la hausse, étant donné que les troupes et les secouristes arrivent à peine à
l’épicentre du séisme et que les chiffres actuels ne tiennent pas compte de ces
régions. Des soldats qui ont atteint Yingxiu, près de l’épicentre, ont affirmé
pouvoir recenser 3000 survivants dans la population, qui atteindrait au total
entre 9000 et 12 000 habitants.
En plus, on croit largement que les autres données du bilan
officiel sous-estiment l’ampleur de la catastrophe. Plus de 5000 travailleurs
se trouvaient dans une usine de turbines à vapeur à Hanwang lorsque celle-ci
s’effondra, et 2000 autres furent ensevelis sous les décombres à Shifang, où
deux usines de produits chimiques s’effondrèrent en répandant plus de 80 tonnes
d’ammoniac. Des officiels ont rapporté que 80 pour cent des buildings du comté
de Beichuan s’étaient effondrés. Au moins huit écoles primaires ou secondaires
ont été détruites dans le Sichuan, ainsi qu’une autre dans la ville de Chonqing,
ensevelissant des milliers d’élèves sous les décombres. Selon un article du Sichuan
Daily de Chengdu, 26 000 personnes ont été blessées et 18 645
inhumées à Mianyang seulement.
Les effets persistants du tremblement de terre compliquent
les interventions des secours. La zone subit encore de nombreuses répliques
sismiques, dont certaines atteignent plus de 6 à l’échelle de Richter. La
puissance du séisme et sa position à seulement 10 kilomètres sous la surface
terrestre ont causé des ruptures et des failles le long d’une zone de 150
kilomètres, surtout au nord-est de l’épicentre.
Les secours sont aussi ralentis par les infrastructures
fragiles de la région. Des glissements de terrain ont bloqué d’étroites routes
de montagne, et les réseaux téléphoniques sont peu fiables alors que plus de
2300 tours de transmissions de la Chine ont cessé de fonctionner et que les
câbles téléphoniques fixes ont été sectionnés à travers la province du Sichuan.
L’aéroport de Chengdu a rouvert mardi après-midi après que l’ont eu inspecté
les pistes d’atterrissage et de décollage.
Les conséquences tragiques du séisme révèlent les terribles
contradictions du capitalisme chinois, dans lesquelles de nouvelles industries
s’élèvent au milieu d’une pauvreté rurale massive avec des salaires industriels
d’à peine quelques dollars par jour. En fait, c’est précisément les faibles salaires
et la pauvreté à grande échelle que les compagnies étrangères recherchent,
alors qu’elles se déplacent vers l’intérieur du pays, s’éloignant des zones
côtières autour de Guangzhou et Shanghai où les salaires sont plus élevés.
À Chengdu, les autorités locales ont fait la promotion
d’une nouvelle opération menée par des compagnies multinationales telles que
Motorola, Alcatel, Intel, IBM et Nokia, visant la mise en place d’un nouveau
parc résidentiel industriel de haute technologie, pour tenter de faire de la
ville le « Silicon Valley de Chine ». Cependant, d’autres édifices de
la ville et de la région sont vieux et vulnérables. Cet état des choses est
emblématique de la lâcheté de la direction du Parti communiste chinois, qui est
devenue un agent des intérêts de la grande entreprise et a fait de la Chine
l’atelier à bas salaire du monde.
Même si Sichuan a une histoire de violent séisme, peu
d’édifices y sont construits pour y résister. Les sismologues étaient si
préoccupés par le fait que la région était due pour un autre séisme majeur,
selon le China Daily, que Chen Xuezhong du Bureau sismologique d’État,
écrivit en 2002 que le Sichuan allait faire face à un tremblement de terre dans
« quelques années ». Malgré cela, même les mesures inadéquates du
code du bâtiment adoptées après le séisme de Tangshan en 1976 (qui tua
270 000 personnes) ne furent pas imposées.
Le 13 mai, le Newswwek s’adressa à Weimin Dong de Risk
Management Solutions, une firme qui se spécialise dans l’évaluation des risques
financiers causés par des catastrophes physiques, tels que les ouragans et les
séismes. Il nota que l’intensité de présent séisme — une mesure indiquant la
distance du déplacement du sol de son point d’origine durant le séisme — était
au-dessus de 9, alors que les codes de construction requièrent que les édifices
puissent résister à un séisme d’une intensité de 7.
Questionné à savoir si les pourquoi les exigences étaient
si bases, Dong répond : « Vous ne pouvez pas exiger que tous les
édifices soit [entièrement équipé], parce que cela coûte beaucoup. Tu dois avoir des poutres plus grandes et
tout le reste, donc c’est une considération de coût […] Ce n’est pas comme à
Beijing ou Shanghai – là ils jettent à terre les vieux édifices et construisent
de nouvelles tours. Mais dans les régions rurales, les édifices les plus grands
sont les plus vieux.
« Des photos de l’école, il semble y avoir eu des
renforcements en quelque sorte, mais c’était mal conçu et il semble que la
conception de l’édifice n’ait pas du tout pris en considération l’impact d’un
séisme. »
Dong ajouta: « La ville de Chengdu, la capitale de la
province de Sichuan, se situe à environ 95 kilomètres de l’épicentre. Cette
zone a beaucoup d’immeubles de maçonnerie, de briques et en mur d’adobe.
Certaines ont peut-être une structure en bois avec un peu de glaise autour. Les
immeubles ne sont pas réellement désignée de façon professionnelle. […] Nous ne
devons pas être surpris que 80 pour cent des immeubles se soient effondrés »
dans certaines zones.
Les analystes interviewés hier décrivent l’impact financier du
tremblement de terre comme étant minimal, en mentionnant la pauvreté de
Sichuan : « le dommage économique sera minimisé par le fait que la
région est reculée par rapport à la côte Est prospère et densément peuplée de
la Chine. Sichuan, une province du sud-ouest de la Chine de 80 millions [6 pour
cent de la population de la Chine] contribue pour 3,9 pour cent du PIB de la
Chine et 2,5 pour cent de sa production manufacturière.
Dans une tentative de calmer les inquiétudes que le tremblement
de terre pourrait avoir un impact sur l’économie chinoise comparable à celui
qu’avaient eu les tempêtes de neige de février 2008, les analystes de Merrill
Lynch ont écrit : « le tremblement de terre a pris place dans des
régions qui sont presque négligeables pour le commerce extérieur chinois. Cela
est très différent de la tempête de neige, qui avait affecté les deltas des
rivières Pearl et Yangtse. » Ces vallées de rivières contiennent
d’importantes sections de l’industrie d’exportation chinoise et des usines de
production de l’énergie et coulent dans la mer près des zones métropolitaines
de Guangzhou et de Shanghai.
Cependant, le tremblement de terre pourrait toujours avoir des
conséquences dommageables pour l’économie. La province de Sichuan possède 40
pour cent des réserves de gaz naturel de la Chine et 22 pour cent de sa
production de gaz naturel. Ses pipelines et ses établissements pour le traiter
ont été fermés après le tremblement de terre par mesure de sécurité. L’analyste
de Merrill Lynch, Ting Lu, a dit à Bloomberg News qu’il ne sait pas si ces
dérangements vont ultimement affecter l’apport énergétique de la Chine.
La Chine fait face à de grandes pannes de courant en raison de
ses capacités de production énergétique insuffisantes et le gouvernement
central fournit des subventions pour les compagnies énergétiques afin qu’elles
vendent leur gaz naturel aux consommateurs à de bas prix. Si, cependant, la
Chine se voit forcée d’acheter le gaz naturel directement sur les marchés
internationaux, ces subventions deviendraient plus coûteuses à maintenir. Cela
augmenterait le risque que l’industrie chinoise aurait à payer plus cher pour
ses factures énergétiques et reléguerait le coût de ses factures aux
consommateurs.
La province de Sichuan est aussi un grand producteur agricole
de riz et spécialement de porc. Si les perturbations dans le transport et le
fret persistent, le résultat pourrait être moins de provisions et des prix plus
élevés pour la nourriture en Chine à une période où les prix de la nourriture
sont déjà en train de grimper rapidement. Selon un récent rapport paru dans le China
Daily, l’inflation était de 8,5 pour cent dans l’année finissant en avril
2008 et les prix de la nourriture ont augmenté de 22 pour cent. En 2007, le
prix du porc a augmenté de 55 pour cent, l’huile végétale de 34 pour cent et
les légumes de 30 pour cent.