Plus d’un million de fonctionnaires ont fait
grève et 300 000 ont défilé dans les rues des principales villes de France
jeudi 15 mai. Les grévistes s’opposaient aux projets du gouvernement de
supprimer 11 200 postes d’enseignants et de quelque 30 000 emplois
dans le service public.
Des enseignants et étudiants manifestant à Paris
Si les plans du gouvernement sont mis en
place, quelque 80 000 postes d’enseignants seront éliminés d’ici 2012, le
bac pro se préparera en trois ans au lieu de quatre et une qualification
intermédiaire, le BEP (Brevet d’enseignement professionnel) sera supprimé pour
certains métiers.
Dans de nombreuses villes ce sont les lycéens
qui étaient en tête de cortège des manifestations qui représentaient le point
culminant de deux mois de mobilisation contre les attaques du gouvernement sur
l’éducation. Pourtant, un des principaux syndicats de lycéens, la FIDL (Fédération
indépendante et démocratique lycéenne), a appelé à la fin de la mobilisation
pour cette année scolaire. L'UNL (Union nationale lycéenne) continue
d'appeler à la mobilisation. Ils ont cependant revendiqué être une victoire la
proposition du ministre de l’Education nationale, Xavier Darcos, de placer 1 500
assistants d’éducation sans formation et sous payés dans les 200 lycées les plus en
difficulté. Le ministre n’est absolument pas revenu sur les 11 200 suppressions prévues
de postes d’enseignants.
Près de 60 000 personnes ont défilé dans
les rues de Paris, 30 000 à Marseille et Rennes et 15 000 à Toulouse.
A Lyon et Bordeaux 10 000 personnes ont manifesté, plus de 5000 à
Strasbourg, Lille, Le Havre et Perpignan. Les travailleurs du secteur public
étaient mobilisés pour dénoncer le démantèlement des services publics. A
Amiens, 3000 travailleurs et étudiants ont défilé derrière un appel à
« des services publics de qualité et un plus grand pouvoir d’achat ».
Les banderoles des lycéens dénonçaient les « inégalités dans
l’enseignement ».
Un tract distribué par les travailleurs de
Goodyear/Dunlop de l’usine de pneus d’Amiens, menacés de voir licenciés 402
travailleurs pour avoir refusé d’accepter des mesures de cadence accélérée et
d’augmentation de la productivité, disait : « Le groupe
Goodyear/Dunlop licencie sans scrupule et vient d'annoncer pour le premier
trimestre 2008 100 millions d’euros de bénéfices. Et les quatre principaux
dirigeants se sont octroyés 20 millions d’euros de salaire en 2008... sans
compter tous les petits avantages. »
Selon les chiffres du gouvernement,
généralement autour de 20 pour cent plus bas que ceux des syndicats, en milieu
de journée le 15 mai, quelque 34 pour cent des personnels des établissements
scolaires étaient en grève, 27,3 pour cent dans le reste de la fonction
publique d’Etat, 3 pour cent des collectivités territoriales et 5,8 pour cent
des personnels hospitaliers.
La fonction publique d’Etat compte 2,5
millions de personnes, dont un million dans l’Education. Il existe 1,6 million
d’emplois dans les collectivités territoriales et un million dans les services
hospitaliers.
Dix pour cent des 288 000 postiers
étaient en grève selon le syndicat SUD-PTT (Solidarité, Unité, Démocratie). Ont
aussi participé à la grève les travailleurs de France Télécom et des médias.
Même les centres de météorologie ont participé à la grève, avec 23,7 pour cent
des employés de 40 centres. De nombreux centres ont fermé.
La méthode des syndicats a consisté à
disperser l’action des travailleurs en de multiples appels à des grèves d’une
journée. On voit que les syndicats ont une fois de plus eu recours à cette
tactique en décidant délibérément de séparer la grève du jeudi 15 de celle de
jeudi 22 mai sur la question des retraites.
Sept syndicats de cheminots ont appelé leurs
membres à protester contre la mesure du gouvernement visant à faire passer de
40 à 41 années la durée de cotisation pour pouvoir prétendre à une retraite à
taux plein. Mais ils n’ont pas mobilisé pour les manifestations du 15 mai.
Après que la grève des cheminots a paralysé le pays l’année dernière et que les
syndicats ont « négocié » une trahison de cette lutte, l’appel à la
grève du 22 mai sonne creux pour bien des travailleurs.
Le soir des grèves du 15 mai, le président
Nicolas Sarkozy a annoncé a annoncé qu'un projet de loi instaurant un service
minimum dans le primaire en cas de grève serait déposé « avant
l'été. » Les enseignants seront obligés de prévenir 48 heures à l’avance
de leur intention de faire grève. Les parents auront le droit d’exiger des
collectivités locales qu’elles organisent l’accueil des élèves dont les
enseignants font grève. Les syndicats d’enseignant ont condamné cette mesure
comme étant une attaque sur le droit de grève. Tous les conseils municipaux,
hormis ceux contrôlés par le parti au pouvoir de Sarkozy, l’UMP (Union pour un
mouvement populaire) ont dit qu’ils refuseraient de fournir un tel service et
qu’ils ne pouvaient y être contraints par le gouvernement central.
Le journal Ouest-France a
commenté : « Chahuté et déstabilisé dans son camp, en délicatesse
dans l'opinion, Nicolas Sarkozy a choisi une voie très "sarkozienne"
pour tenter de rebondir. » La Nouvelle République du centre-ouest a
écrit que Sarkozy était en train d’attiser un mouvement de masse : « Le
bon vieux rapport de force que l'on croyait tout aussi enterré que l'esprit de
Mai 68, retrouve ses lustres d'antan : les défilés contre le
pouvoir ; le pouvoir qui durcit le ton ; et la grève du 22 mai qui
s'annonce comme un nouvel épisode de ce bras de fer printanier, bien plus
musclé que prévu. »
Des équipes de sympathisants du WSWS et de
l’Internationale étudiante pour l’égalité sociale (IEES) ont distribué des
milliers de tracts de la déclaration de l’IEES adressée aux milliers de lycéens
et d’étudiants dans la rue avec les professeurs, les hospitaliers et autres
travailleurs du secteur public. (Lire aussi : Défense de
l’enseignement public contre les attaques de Sarkozy ! Unité des
travailleurs et des jeunes dans toute l’Europe et internationalement !15
mai 2008)
Parmi les personnes interviewées, il y en avait
beaucoup qui connaissaient déjà le WSWS et témoignaient d’un grand sérieux face
aux questions soulevées par cette grève.
Faisant référence au mouvement de masse
déterminé des jeunes en 2005 contre le Contrat première embauche (CPE), Lambert
a dit, « Ça bouge moins que pour le CPE, mais aujourd’hui il y a pas mal
de monde. Les différents secteurs de la classe ouvrière doivent s’unir. Pour le
CPE, on était tous soudés, donc ça a marché. » Le premier ministre
Dominique de Villepin avait été contraint de retirer le CPE, mais avait laissé
intact le reste de la législation répressive de la Loi d’égalité des chances.
Jammie, étudiant à l’université parisienne
Tolbiac, a commenté la lutte des étudiants en 2007 contre la Loi Pécresse. La
loi a pour but de restreindre l’accès à l’enseignement supérieur et de lier les
universités au patronat. « On a perdu. On s’est fait passer dessus à coups
de matraque. Il y a eu beaucoup de répression. L’UNEF a soi-disant négocié,
mais on n’a rien changé dans le texte. »
Jammie a affirmé que les attaques sur les
droits en France « sont motivées par le contexte international. Sarkozy
s’aligne sur le reste du monde international pour ce qui est des
privatisations. Les intérêts de la classe ouvrière et des jeunes c’est les
mêmes. Affaiblir la classe ouvrière, c’est affaiblir les jeunes. Déjà 50 pour
cent des étudiants sont obligés de travailler, donc les intérêts sont
liés. »
Jammie a poursuivi, « Sarkozy c’est la
continuation de la politique impérialiste de la France. Sarkozy est beaucoup
plus pro-américain et pro-israélien. Quand il est allé à Dakar, il a fait un
discours pour dire aux Africains qu’ils vivent dans un pays arriéré et un âge
obscur !
Il a dit que le Parti socialiste n’était plus
un parti de la gauche. « Ce n’est plus une alternative crédible au
capitalisme. L’avenir est sombre et désespérant. Il y a eu répression à coups
de matraque des jeunes qui protestaient et personne n’a réagi. Alors ça veut
dire que maintenant c’est normal de taper sur la jeunesse quand elle se révolte. »
Tristan, 16 ans, élève au lycée Maurice Ravel
à Paris a dit être convaincu que les coupes budgétaires en France faisaient
partie d’une situation mondiale : « Ce qu’on vit là c’est un
phénomène international, en Italie, en Espagne, dans le monde anglo-saxon. Ce
gouvernement, on le fera tomber, on est là pour ça. Tous les secteurs de la
classe ouvrière s’uniront naturellement. Gagner c’est renverser le pouvoir,
après il y aura un gouvernement socialiste, communiste, on verra. »
Il a critiqué la politique étrangère
française : « C’est scandaleux que la France pays des droits de
l’Homme envoie des troupes en Afghanistan et soutienne Israël. Nous les jeunes
on va bientôt voter et on va changer cela. »
Il a fait remarquer que « Le capitalisme,
c’est le problème. Les richesses sont inégalement réparties, l’égalité n’existe
pas. On va détruire ce monde et en construire un nouveau. »