Le 22 juin, le plus grand centre de rétention administrative
(CRA) pour sans-papiers, à Vincennes dans le Val de Marne a été détruit par un
incendie après des émeutes de retenus réagissant à la mort par crise cardiaque d’un
Tunisien de 41 ans, Belkacem Souli, mort provoquée par les mauvaises conditions
de vie dans le centre. 18 détenus sur les 273 du centre ont dû être
hospitalisés.
Les étrangers sans-papiers sont retenus dans le centre dans
des conditions inhumaines pendant des semaines, voire des mois avant d’être
expulsés dans leur pays d’origine ou le pays par lequel ils sont entrés
dans l’Union européenne (UE.) La Cimade (Comité intermouvement auprès des
évacués) a qualifié les conditions à Vincennes de « centre qui, par sa taille
et son mode de gestion, est devenu un des symboles de l’industrialisation
de la rétention. » Dans un rapport publié en avril dernier, la Cimade, la
seule organisation autorisée à pénétrer dans les 27 CRA a fait état de « peu
d’espace de promenade, exiguïté des locaux, contacts humains réduits à
l’extrême, multitude de caméras, rouleaux de barbelés. »
Ces conditions de vie provoquent régulièrement des tentatives
de suicide, des automutilations et des bagarres. Il y a eu plusieurs grèves de
la faim en 2006 pour s’opposer aux arrestations d’immigrés de l’année
précédente lors de l’état d’urgence instauré par le gouvernement en
réaction aux émeutes des jeunes dans les cités à la fin de l’année 2005.
En 2007, 35 000 immigrés étaient passés par les CRA, dont 5 000 par
celui de Vincennes, qui abrite aussi l’Ecole nationale de police.
Quinze jours avant l’incendie, la Commission nationale
de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones
d'attente (CRAZA) avait fait un rapport au ministre de l’Immigration
Brice Hortefeux décrivant « le climat de tension et de violence qui règne
de façon permanente dans tous les CRA et spécialement à Vincennes, où un rien
suffit à mettre le feu aux poudres.»
Hortefeux a pour priorité de déporter 26 000 immigrés en
2008. Ceci correspond à la nouvelle politique d’immigration stricte du
gouvernement du président Nicolas Sarkozy visant à limiter l’entrée sur
le territoire français sur la base d’une sélection par emplois
spécifiques. Cela signifie que des familles ont été séparées et ne peuvent plus
être réunies. Un bon nombre de ces travailleurs immigrés, dont 242 enfants
l’année dernière, ont été pris par la police lors de contrôles faits au
hasard ou de rafles dans les établissements scolaires, chez eux, dans les cafés
et dans la rue.
Deux jours avant la mort de Belkacem Souli, Hortefeux
s’était vanté d’une augmentation de 80 pour cent des déportations
par rapport à la même période en 2007.
Le parti au pouvoir UMP (Union pour un mouvement populaire) de
Sarkozy a clairement fait comprendre sur qui il faisait peser la responsabilité
de l’incendie de Vincennes. Son porte-parole Frédéric Lefèbvre a dit que
l’émeute avait été encouragée par des personnes soutenant les
sans-papiers, dans l’association RESF (Réseau éducation sans frontière)
dont 30 de ses membres manifestaient alors devant le centre de rétention.
« Il n’est pas tolérable que des ‘collectifs’, type
RESF, viennent faire des provocations aux abords de ces centres, au risque de
mettre en danger des étrangers retenus.»
Lefèbvre a exigé « la plus grande fermeté contre les
collectifs qui se livrent à ce type d’actions à proximité de lieux où ils
n’ont absolument rien à faire… toutes les conséquences [doivent
être] tirées y compris au plan judiciaire si la responsabilité de membres de
collectifs comme RESF était avérée. »
Ainsi le droit de manifester est criminalisé et ceux qui
soutiennent les victimes deviennent les coupables.
Dans une interview à France Soir (24 Juin) Frédéric Lefèbvre
a fait une comparaison entre l’attitude plus « raisonnable »
d’organisations antiracistes telles SOS-Racisme et la LICRA (Ligue
internationale contre le racisme et l’antisémitisme), toutes deux proches
du Parti socialiste. « Le CRA de Vincennes avait été visité il y a
quelques semaines par la LICRA et SOS-Racisme et ils avaient considéré
globalement que le centre était aux normes.....L’avis de la Cimade était
différent de celui de la LICRA et de SOS-Racisme, voilà tout.»
RESF a répliqué que « le discours serait d'un comique
vulgaire s'il ne visait à masquer une réalité dramatique: le sort réservé aux
sans-papiers par la politique du gouvernement.» Pour la Cimade, « c’est
une façon grossière de ne pas assumer les responsabilités des pouvoirs publics. »
Un dirigeant du Parti socialiste, le député Jean-Louis Bianco
a résumé, en réaction à l’incident de Vincennes, le soutiende son
parti envers la politique d’immigration de Sarkozy: « Je suis
d’accord avec le fait qu’on ne peut pas accueillir toute la misère
du monde, que, lorsque des gens sont en situation irrégulière, qu’on doit
les reconduire dans leur pays d’origine, mais on doit les traiter
humainement, et manifestement ce n’est pas ce qui se passe dans ces
centres de rétention.» Un communiqué de presse du Parti socialiste a appelé à
« une politique qui soit respectueuse des droits des étrangers...en même
temps efficace dans la gestion des flux.»
Pendant ce temps, 800 immigrés sans-papiers poursuivent leur
occupation depuis le 2 mai des locaux du syndicat CGT à Paris pour exiger la
régularisation immédiate de tous. Ceci va à l’encontre de la position de
la CGT qui cherche à faire pression sur le gouvernement pour que ce dernier
régularise ses membres qui travaillent. Des centaines d’immigrés organisés
par la CGT font des grèves et des occupations de leur lieu de travail depuis
deux mois dans le secteur de la restauration et du nettoyage, exigeant
d’être régularisés. Nombreux sont ceux parmi eux, qui travaillent et
paient leurs impôts en France. A ce jour, quelques centaines d’entre eux seulement
ont reçu des permis de séjour provisoires alors que des milliers veulent
rejoindre le mouvement que la CGT cherche à contenir lui préférant des négociations
au cas par cas avec la préfecture.
La Coordination Sans-papiers 75 (CSP75, représentant les
sans-papiers) à Paris qui a initié l’occupation des locaux de la CGT, a
appelé à un mouvement de masse le 30 mai pour amplifier la lutte. « Pourquoi ?
Le 30 avril 2008, la CSP75 a essayé de déposer un millier de dossiers à la
préfecture de Paris et s’est vue opposer un refus au prétexte que ces
dossiers n’étaient pas présentés par un syndicat.»
« Donc : le mouvement doit être élargi à toutes les
forces vives, à tous les syndicats, à toutes les associations, aux étudiants et
à tous les collectifs de sans papiers….pour faire plier gouvernement et
patronat. »
Les plus de 400 000 sans-papiers de France et soi-disant résidents
clandestins sont toujours en attente d’une réponse de la « gauche
officielle » et du mouvement syndical à leur espoir d’une
mobilisation pour la défense de leur droit de vivre en France.