Alors que les premières assemblées générales
étudiantes se réunissent en ce début de session pour discuter des mesures à
prendre contre l'assaut frontal sur l'éducation lancé par la classe dirigeante,
la question centrale posée aux étudiants est celle de la perspective politique
qui doit guider leur lutte.
La grève partielle de l'automne 2007 à l'UQAM
(Université du Québec à Montréal) a révélé l'existence parmi une large couche
d'étudiants d'un fort sentiment d'opposition aux tentatives de l'élite
dirigeante de restreindre l'accès aux études supérieures. Ce sentiment doit
être nourri d'une compréhension des enjeux politiques de la lutte pour le droit
à une éducation postsecondaire.
Le dégel des frais de scolarité annoncé l'an
dernier par le gouvernement libéral de Jean Charest fait partie d'un assaut
plus large sur tous les programmes sociaux. Partout dans le monde, les élites
dirigeantes, confrontées à une profonde crise du système de profit, cherchent à
reprendre ce qui reste des concessions historiquement faites aux travailleurs.
Sur la scène internationale, cette crise se traduit par un tournant vers le
militarisme où les États-Unis et les autres puissances occidentales, y compris
le Canada, cherchent à s'emparer des ressources vitales de la planète telles
que le pétrole.
Au Canada, ce processus s’est accéléré
avec l’élection en 2006 du gouvernement conservateur de Stephen Harper.
Le gouvernement libéral de Chrétien/Martin qui l’avait précédé, avait lui-même
été très à droite en coupant notamment dans les transferts aux provinces
destinés aux dépenses sociales et en baissant massivement les impôts pour les
riches. Jean Chrétien avait aussi commencé à refaçonner la politique étrangère
canadienne en la rendant plus agressive. Son gouvernement a envoyé des troupes
au Kosovo dans le cadre d’une mission de l’OTAN, puis s'est joint
aux États-Unis dans l'invasion de l'Afghanistan.
Depuis son entrée en fonction, le gouvernement
Harper a cherché à mettre au rancart l’image de « gardien de la
paix » que le Canada s’était donné après la Deuxième Guerre
mondiale. Il a augmenté de façon considérable les dépenses militaires et il a
poursuivi l’occupation de l’Afghanistan entamée sous Chrétien en
faisant des Forces armées canadiennes un des principaux contingents de
l’OTAN. L'objectif avoué de cette politique est d'affirmer la présence
militaire canadienne dans le contexte d'une rivalité accrue entre les grandes
puissances pour un nouveau partage du monde. Dans cette entreprise, Harper a eu
l’aide des leaders du mouvement souverainiste québécois. Le chef du Bloc
québécois, Gilles Duceppe, est allé jusqu'à saluer l’occupation de
l’Afghanistan comme étant une « noble cause ».
Au Québec, la classe dirigeante a aussi pris un
tournant marqué vers la droite. Après le référendum sur la souveraineté du
Québec en 1995, le Parti québécois de Lucien Bouchard, avec l’appui des
syndicats et au nom du « déficit zéro », avait entamé de sauvages
coupes de plusieurs milliards de dollars dans de nombreux programmes sociaux,
notamment en éducation et en santé, contribuant ainsi à la pénurie de
main-d’œuvre à laquelle fait face aujourd’hui le système de
santé québécois. En 2003, le Parti libéral nouvellement élu de Jean Charest
lança son programme de « réingénierie » de l’État, qui
consistait en partenariats public-privé, baisses d’impôts et coupes
majeures dans les programmes sociaux.
La hausse des frais de scolarité présentement en cours
s’inscrit dans ce contexte. Le gouvernement
libéral de Jean Charest va augmenter les frais de scolarité universitaires de
100 dollars par année pour chacune des cinq prochaines années, soit une hausse
totale de 30 à 40 pour cent. De plus, avec le dégel des frais de scolarité, la
voie est grande ouverte pour une augmentation encore plus drastique dans les
années subséquentes, condamnant les étudiants à une situation de plus en plus
précaire.
De plus, les universités du Québec souffrent de sous-financement
chronique et leurs administrations cherchent à tout prix de nouvelles sources
de financement. C'est ce qui a poussé l’UQAM dans des aventures
financières qui l'ont plongée dans une dette de plusieurs centaines de millions
de dollars. Pour le gouvernement, c'est aux étudiants et aux employés de
l’UQAM de faire les frais de ce déficit financier. Le nouveau recteur de
l’UQAM, Claude Corbo, a écrit dans son « plan d’action pour
l’UQAM » qu’ « il faut procéder, par les mécanismes
appropriés, aux révisions et aux changements nécessaires, des activités tant
académiques qu’administratives ».
En opposition à toutes ces
mesures de droite, une majorité d'étudiants de l’UQAM est entrée en grève
à l’automne 2007. À de nombreuses reprises, ces étudiants en grève ont
été rudement bousculés par les policiers, les administrateurs de l’UQAM
(et du Cégep du Vieux-Montréal) n’hésitant pas à faire appel à la police
antiémeute au moindre geste de protestation étudiante.
La hausse des frais de scolarité
est une mesure qui est depuis longtemps désirée par l'élite québécoise et qui
fait partie notamment du « manifeste pour un Québec lucide », un
document préconisant une politique draconienne de droite. Sentant le moment
venu pour implanter une telle politique, la classe dirigeante veut tuer dans
l’œuf tout mouvement d’opposition. Dans les mots du rédacteur
en chef de La Presse, André Pratte, lui-même co-signataire du
manifeste : « Devant
un gouvernement qui... se tient debout, les étudiants n’ont pas le gros
bout du bâton. »
Pour faire avancer le mouvement d’opposition qui se
prépare contre l'assaut sur l'éducation, les étudiants doivent tirer les leçons
de la grève du printemps 2005. Une des plus longues dans l’histoire du
mouvement étudiant au Québec, cette grève faisait partie de la forte opposition
aux mesures de droite du gouvernement Charest qui avait mûri parmi de larges
couches de la population laborieuse à travers le Québec.
Après son élection au printemps 2003, le gouvernement libéral
de Jean Charest a tenté d’imposer rapidement son programme de « réingénierie »
de l’État. Les travailleurs s’opposèrent aussitôt à ce programme,
organisant en décembre 2003 de nombreuses manifestations de masse. Les chefs
syndicaux, craignant de perdre contrôle du mouvement, imposèrent une
« trêve » durant les fêtes de fin d'année. C'est ainsi que fut
sabotée la première vague de soulèvements populaires contre le gouvernement
Charest. La deuxième vague est venue avec la grève étudiante du printemps
2005. Dans cette grève, la bureaucratie syndicale a aussi joué un rôle clé pour
désamorcer le mouvement. Henri Massé, le chef de la Fédération des travailleurs
du Québec (FTQ), la plus grosse centrale syndicale du Québec, a appelé les
étudiants à faire des « compromis », c'est-à-dire à accepter les
coupes de 103 millions de dollars dans le système des prêts et bourses qui
avaient déclenché le mouvement de grève.
La seule stratégie qui aurait pu assurer le succès de la grève
était un large appel politique à l'ensemble de la population laborieuse pour
une lutte commune contre la politique de démolition sociale menée par le
gouvernement Charest et toute l'élite dirigeante. Un tel tournant des étudiants
vers les travailleurs, la seule force sociale capable de réorganiser la société
sur une base progressiste, aurait demandé de démasquer la politique pro-capitaliste
de la bureaucratie syndicale et sa subordination politique des travailleurs au
parti de la grande entreprise qu'est le Parti québécois. Mais cette voie a été
rejetée par la CASSÉÉ, l'association étudiante qui dirigeait la grève et qui
s'est limitée à une politique de pression axée autour des coupes de 103
millions $ sans remettre en question l'ordre social existant.
Partout dans le monde aujourd'hui, les luttes des travailleurs
contre leurs élites respectives s’intensifient. Aux Etats-Unis, les
scénaristes sont en grève depuis plus de trois mois contre le monopole exercé
par quelques grandes compagnies de télévision. En Allemagne, une partie des
conducteurs de train mènent une grève courageuse depuis plusieurs mois pour
obtenir de meilleures conditions de travail. En France, peu après qu’il
ait révélé son caractère profondément anti-ouvrier, le gouvernement de Nicolas
Sarkozy a fait face à un mouvement de masse contre ses attaques sur ce qui
reste de l’Etat-providence.
Les véritables alliés des étudiants au Québec
ne sont pas les bureaucrates syndicaux, défenseurs endurcis de l'ordre établi
qui leur assure leurs nombreux privilèges, mais la classe ouvrière
internationale. Pour faire avancer la lutte pour la défense de l'éducation, les
étudiants doivent rompre avec la politique de pression et ne pas se laisser
berner par les soi-disant partis de gauche comme Québec solidaire, qui est
orienté vers le Parti québécois et opposé à tout mouvement indépendant de la
classe ouvrière. Les étudiants doivent plutôt élargir leurs demandes et étendre
leur mouvement de résistance à l'ensemble de la population travailleuse dans
une lutte commune pour l'égalité sociale. En opposition aux tentatives de
monter les travailleurs et les jeunes du Québec contre ceux du Canada anglais
et d'ailleurs au moyen du nationalisme québécois, nous appelons à l'unité
internationale des travailleurs contre l'ennemi commun représenté par le
système de profit.
Adhérez à l’Internationale étudiante
pour l’égalité sociale ! Joignez-vous à la lutte pour le
socialisme ! Établissez l’IEES dans votre cégep
ou dans votre université !
L’IEES tiendra prochainement une
réunion publique à Montréal :
Le mercredi 23 janvier, de 19h à 21h
à l’Université du Québec à
Montréal (UQAM)
Pavillon Judith-Jasmin
405, rue Ste-Catherine Est
Local J-1120