Le rapport qui suit a été présenté
par David North, le secrétaire national du PES américain lors d’une
réunion nationale qui a eu lieu les 5 et 6 janvier à Ann Arbor dans
l’Etat du Michigan.
1. L’année 2008 connaîtra un
approfondissement important de la crise politique et économique du système
capitaliste mondial. Les perturbations qui affectent les marchés financiers
mondiaux sont une manifestation de beaucoup plus qu’un ralentissement
conjoncturel, mais plutôt d’un dérèglement profond du système qui est
déjà à l’œuvre pour déstabiliser la politique internationale. Comme
toujours, ce sont les liens les plus faibles de la chaîne de la géopolitique
impérialiste qui se sont rompus en premier. L’assassinat de Benazir
Bhutto au Pakistan, les éruptions de la guerre civile au Congo et au Kenya et
la réapparition des tensions dans les Balkans sur la question du Kosovo sont
tous indicatifs de l’état de plus en plus explosif de la politique mondiale.
2. Seize années
après la dissolution de l’Union soviétique, un événement qui annonçait
prétendument le triomphe définitif et irréversible du capitalisme mondial,
l’économie tremble sur ses bases. L’éclatement de la bulle
immobilière aux Etats-Unis, qui a été nourrie par les investissements
spéculatifs hors contrôle dans l’hypothèque à risque, a signifié des
pertes mondiales se chiffrant dans les centaines de milliards de dollars pour
les banques et les institutions financières internationales. Une série
d’instruments financiers dénommés par des sigles cryptiques — les
SIV (structured investment vehicles ou véhicules d'investissement
structurés), les CDO (collateralized debt obligations, obligation
adossée à des actifs) et le reste — ont été créés pour « rendre plus
sûres » les hypothèques à risque, pour cacher leurs aspects les plus
inquiétants et pour répartir le risque dans un grand nombre
d’institutions. Le résultat est une crise financière internationale qui,
dans les mots d’un analyste, a remis en cause la viabilité et la
légitimité du système du capitalisme anglo-saxon. Le Financial Times a
écrit que « l’avenir de l’innovation financière du
vingt-et-unième siècle s’est depuis évaporé. Les événements de l’an
dernier ont montré avec une lumière crue que l’étalement du risque
n’empêche pas toujours les chocs financiers, mais peut plutôt contribuer
à la propagation de la contagion… »
3. Le caractère
extrêmement sérieux de la situation économique actuelle n’est pas un
objet de débat au sein de la communauté des analystes bourgeois bien informés.
Les plus perspicaces et honnêtes parmi eux reconnaissent que les données sur
l’ampleur des pertes financières et leur impact sur les secteurs plus
larges de l’économie américaine et mondiale sont encore insuffisantes
pour faire des prédictions solides sur les conséquences d’une crise en
plein développement. Le resserrement du crédit qui est apparu au début de
l’été 2007 demeure la principale menace au bon fonctionnement de
l’économie capitaliste mondiale. Se rendant compte que des milliards de
dollars en actifs doivent être considérés comme des pertes irrécupérables, la
confiance mutuelle qu’ont les institutions financières dans la
solvabilité de leurs consoeurs a reçu un dur coup. De plus, il est généralement
admis que le même type de pratiques dans les prêts qui ont résulté en une bulle
immobilière a eu lieu dans d’autres secteurs de l’économie. On
craint de plus en plus qu’une récession américaine mette à nu la témérité
avec laquelle les grandes sociétés ont prêté de l’argent. Mais dans cette
situation tendue, les espoirs initiaux que l’impact de
l’effondrement du prix des maisons sur l’économie américaine dans
son ensemble soit rapidement contenu se sont rapidement dissipés. « Les Etats-Unis
entrent dans l’année 2008, écrit le Financial Times, avec un plus
grand danger de récession qu’à tous moments depuis l’effondrement
de la bulle de l’internet en 2000-01. L’économie la plus importante
au monde lutte pour maintenir sa croissance dans un contexte de resserrement du
crédit, du déclin du prix des maisons et des prix élevés du pétrole. » (2
janvier 2008)
4. Une autre
importante étude économique conclut : « Sur la question du
resserrement du crédit, il semble y avoir un accord général sur le fait que,
tout compte fait, la crise actuelle est déjà plus sérieuse que toutes les
crises précédentes de l’histoire moderne. Les principales banques et
leurs institutions financières révèlent encore, presque tous les jours,
d’immenses pertes, conséquence de prêts imprudents. Le prix des maisons
tombe. Et il y a le sentiment général que la situation continuera à se
dégrader, particulièrement alors que plusieurs de ceux qui ont contracté des
hypothèques à risque [ainsi que ceux qui ont contracté des (malnommés) prêts
« intérêts seulement » ou des prêts avec des taux d’intérêts à
l’entrée « alléchants »] vont subir une pression de plus en
plus importante alors que les taux initiaux qu’ils paient jusqu’à
maintenant vont augmenter au cours de la prochaine année. » [Strategic Analysis,
November 2007, Levy Institute of Bard College, p. 9]
5. Une crise de
l’économie américaine a des implications mondiales directes et
immédiates. Le Fonds monétaire international (FMI) a avisé que « le risque
de la demande intérieure en Europe de l’Ouest et au Japon est maintenant
un indicateur à la baisse » en conséquence de la « contagion »
provenant des Etats-Unis. (World Economic Outlook, October 2007, p. 11)
Aussi, le FMI anticipe que « la perturbation prolongée des marchés
financiers mondiaux pourrait se répercuter sur les flots financiers vers les
marchés émergents et déclencher des problèmes dans les marchés
intérieurs… [L]a croissance [en Asie et en Amérique du Sud] est
vulnérable aux ricochets que provoquerait un ralentissement de la croissance de
la demande totale dans les économies avancées… » [ibid., p. 19]
6. Aux
Etats-Unis, la crise de l’industrie du logement est avant tout un
désastre social pour des millions de familles ouvrières et des classes
moyennes. Il est attendu qu’un million de familles perdent leur maison à
cause des reprises par les prêteurs hypothécaires dans les deux prochaines
années. Des millions d’autres qui ne sont pas immédiatement menacés de
reprise sont sérieusement affectés par la crise. Dans plusieurs parties du pays,
on s’attend à ce que le prix des maisons perde 25 pour cent ou plus. Un
déclin de cette ampleur ne peut qu’avoir un impact dévastateur sur les
finances personnelles des familles de la classe ouvrière. Il est bien connu que
les prêts garantis par la valeur de la maison ont joué un rôle crucial en tant
que source supplémentaire d’argent aux salaires des familles ouvrières et
des classes moyennes. Ces prêts ont été contractés pour financer
l’éducation des enfants, payer les frais médicaux ou pour rencontrer
d’autres besoins pressants. Cette source de revenus additionnels ne sera
plus disponible pour des millions de gens.
7. Ainsi,
l’effondrement du prix des maisons prive les larges masses
d’Américains qui travaillent d’un des principaux moyens par lequel
ils avaient tenté de contrecarrer les contraintes financières de trente-cinq
années de stagnation des salaires. Le revenu du travailleur mâle dans la
trentaine est aujourd’hui 12 pour cent inférieur à celui du travailleur
qui avait le même âge en 1978. Comme l’ancien secrétaire au Travail,
Robert Reich, l’avait souligné, les « mécanismes de survie »
qui ont été utilisés pour faire face à la déflation des salaires a été
l’entrée massive des femmes sur le marché du travail (de 38 pour cent en
1970 à 70 pour cent aujourd’hui) et l’addition de deux semaines de
travail par année. Les Américains travaillent 350 heures de plus chaque année
que l’Européen moyen. Au début du 21e siècle, alors que les travailleurs
ont atteint la limite physique d’augmenter leur salaire en travaillant
plus, ils ont commencé à dépendre de plus en plus sur le crédit, utilisant leur
maison comme garantie. Alors que disparaît le moyen de combler l’écart
toujours grandissant entre le revenu et les besoins, des millions de personnes
sont confrontées au spectre de tomber dans un abîme financier. Déjà, durant la
première moitié de 2007, les faillites personnelles aux Etats-Unis ont augmenté
de 48 pour cent. On peut mesurer combien précaire est la situation financière
des travailleurs par le fait que 27 millions d’entre eux devront
emprunter simplement pour payer les frais de chauffage cet hiver. Mais les
cartes de crédits deviennent tout aussi problématiques que les prêts garantis
par la maison. Alors que tous les moyens individuels et traditionnels de faire
face aux réalités économiques prévalentes disparaissent, la classe ouvrière est
forcée de se tourner vers le seul moyen qu’elle a pour se défendre,
c’est-à-dire la lutte politique et sociale collective et consciente
contre le système capitaliste.
8. Le
caractère et les conséquences révolutionnaires de la lutte de la classe
ouvrière sont déterminés avant tout par la nature objective de la crise du
système capitaliste mondial. Comme dit plus avant, l’expansion de la
crise a un caractère structurel. Pour la troisième fois en dix ans,
l’économie mondiale a été ébranlée par l’effondrement d’une
bulle qui a été créée par une spéculation financière massive. La crise
financière de l’Asie de l’Est, qui a commencé lors de l’été
de 1997, a engouffré les économies de la Thaïlande, de la Malaisie, de
l’Indonésie, de la Corée du Sud, des Philippines et de Singapour et a
failli provoquer un effondrement financier international. Il n’a pu être
empêché que par d’importantes contre-mesures du FMI, qui a financé des
sauvetages nationaux au coût de milliards de dollars pour empêcher une série de
défauts de paiement nationaux aux conséquences cataclysmiques. La vulnérabilité
des marchés américains des capitaux à la crise asiatique a été montrée par les
grandes pertes sur Wall Street. En un seul jour, le 27 octobre 1997, le Dow
Jones a perdu 554 points ou 7,2 pour cent en réponse à la tourmente sur les
marchés de change en Asie. Les efforts subséquents pour stabiliser Wall Street,
particulièrement les faibles taux d’intérêt, ont créé les conditions pour
le développement de la bulle de l’investissement qui a commencé à se
développer au milieu des années 1990. En 2000, le caractère insoutenable de la
folie des « .com », caractérisé par « l’exubérance
irrationnelle » des marchés est devenu évident pour tous. La bulle a
éclaté et le crash qui a suivi a entraîné la première récession en dix ans. Encore
une fois, la réponse de la Réserve fédérale, la banque centrale américaine, a
été de diminuer les taux d’intérêts à leur plus bas niveau depuis des
décennies et d’inonder les marchés de liquidités. Le caractère hautement
spéculatif du marché immobilier était largement reconnu, mais ceux qui font la
politique financière ont cru que sa croissance continuelle, peu importe combien
douteuse elle était, était nécessaire pour empêcher la résurgence de la
récession. Comme l’a signalé l’Institut économique Levy, « La
croissance des dépenses personnelles, sur laquelle l’économie
américaine a principalement dépendu depuis 2001, a été causée directement et
indirectement par le boum hystérique du marché immobilier. » [Strategic
Analysis, November 2007, p. 7]
9. La tendance
persistante à la création de bulles spéculatives émerge de profondes
contradictions dans le développement du système capitaliste mondial,
contradictions qui sont particulièrement liées au déclin historique de la
position mondiale du capitalisme américain. La baisse à long terme de la
rentabilité de l’industrie aux Etats-Unis pousse les institutions
financières américaines à rechercher d'autres sources de hauts retours sur
l’investissement. Le mode d’existence de l’élite dirigeante
américaine a été caractérisé au cours des 30 dernières années par la séparation
toujours plus grande entre le processus d’accumulation de la richesse et
les processus de production industrielle. Ces derniers n’intéressent
l’élite dirigeante que dans la mesure où la disponibilité de
main-d’oeuvre bon marché permet un taux de profit assez important pour
satisfaire sa demande extrêmement élevée d’enrichissement personnel.
10. Le caractère parasitaire
de l’élite dirigeante américaine est inextricablement lié à
l’extrême intensification du militarisme. En dernière analyse, les
guerres en Irak et en Afghanistan — tout en exploitant comme prétexte les
événements du 11-Septembre — sont nées de la poussée de la classe
dirigeante américaine pour maintenir la position hégémonique mondiale des
Etats-Unis. La doctrine de la guerre préventive, dévoilée par
l’administration Bush en 2002, demeure en place. Afin de surmonter les
défis géopolitiques et économiques posés par des rivaux actuels ou en
émergence, l’utilisation de la puissance militaire est privilégiée. Les
défaites subies en Irak, loin de calmer les pulsions agressives de
l’impérialisme américain, ont créé de nouveaux impératifs pour le
déploiement de la puissance américaine. Les menaces contre l’Iran se sont
intensifiées en réaction à la fragilité de la position des Etats-Unis en Irak.
11. Pour ce qui est de la
guerre en Irak, la légère diminution de violence ne signifie pas que l'escalade
militaire de Bush a réussi, et encore moins que la fin de la guerre approche.
Dans une certaine mesure, le déclin temporaire des violences reflète
jusqu’à quel point le « nettoyage ethnique » des quartiers —
le produit de l’invasion américaine — a été mené. Il y a aussi les
conséquences de l’immense massacre qui a lieu en Irak. Mais surtout
l’invasion américaine a eu pour résultat d’intensifier énormément
les contradictions sociales et politiques dans le pays et la région.
L’intensification du conflit entre la Turquie et les Kurdes irakiens
menace à tout moment de se transformer en guerre totale. Il n’existe de
toute façon — à moins d’un puissant mouvement anti-guerre de la
classe ouvrière américaine et internationale — aucune possibilité de
retrait des troupes américaines dans un avenir proche. Comme l’a fait
remarquer l’écrivain Nir Rosen dans un article paru dans le journal Current
History : « L’escalade militaire n’est pas
qu’une façon de refiler le problème de l’Irak à la prochaine
administration, car en réalité les soldats américains ne quitteront jamais
l’Irak. Les importantes bases de la province d’Anbar, telles que al-Assad
Et Taqadum, ont été construites pour " durer longtemps "
selon ce que m’a dit un officier de la marine. Situées au milieu du désert,
pratiquement imprenables et seulement à l’occasion les cibles d’attaques
au mortier, ces bases vont demeurer pour des décennies. » [décembre 2007,
p.413]
12. Au cours des cinq années
qui ont suivi l’invasion de l’Irak, la position stratégique des
Etats-Unis s’est détériorée. Surtout en Asie centrale, dont la domination
est considérée comme essentielle par Washington pour l’hégémonie
mondiale, les Etats-Unis font face à un environnement plus difficile. Le retour
de l’influence de la Russie dans la région et le développement économique
continu de la Chine et de l’Inde sont perçus comme des obstacles
potentiels pour les ambitions impériales des Etats-Unis.
13. Pour les stratèges de
l’impérialisme américain, la question de la Chine se fait encore plus
menaçante. La croissance constante de la puissance économique chinoise —
qui prendra nécessairement une forme de plus en plus militaire — est
perçue largement comme étant incompatible avec les intérêts mondiaux des Etats-Unis.
La récente création du Centre de commandement militaire américain pour
l’Afrique, AFRICOM, est une réaction directe à la croissance constante de
l’influence de la Chine sur ce continent. Mais le conflit entre la Chine
et les Etats-Unis pour l’influence en Asie orientale est marqué par des
tensions plus grandes et plus immédiates encore. Comme l’a affirmé
Christopher Layne, expert en politique étrangère : « Si les
Etats-Unis tentent de maintenir leur domination actuelle en Asie orientale, un
conflit sino-américain est pratiquement inévitable, car dans la grande
stratégie américaine se trouve la logique de la violence préventive comme
instrument pour maintenir la suprématie des Etats-Unis. Pour une puissance
hégémonique en déclin, " étrangler le bébé dans le berceau ",
en attaquant de façon préventive un nouvel adversaire — c’est-à-dire
lorsque la puissance hégémonique a encore l’avantage militaire — a
toujours constitué une option stratégique attrayante. » [Current History,
janvier 2008, pp. 16-17]
14. La poussée militariste émerge inexorablement des
intérêts et ambitions géopolitiques mondiaux de la bourgeoisie américaine.
C’est aussi un produit de l’état de plus en plus nocif des
relations sociales aux Etats-Unis. La croissance ahurissante des inégalités économiques
au cours des trois dernières décennies a entraîné l’accumulation
d’extrêmes tensions sociales sous la surface de la politique officielle
et à l’extérieur du discours public cautionné par les médias. Le
militarisme impérialiste est l’un des plus importants instruments
politiques employés par les élites dirigeantes pour empêcher les tensions
sociales de prendre la forme conflit de classe au pays.
15. De récentes études faites
par Edward N. Wolff du Levy Economics Institute de Bard College documentent les
niveaux extrêmes d’inégalité sociale aux Etats-Unis. Les statistiques
ayant trait à la répartition de la richesse et des revenus révèlent le degré
extraordinaire de stratification sociale. Le 1,0 pour cent supérieur de la
population détient 34,3 pour cent de la valeur nette des ménages aux
Etats-Unis. Les 4,0 pour cent suivants possèdent 24,6 pour cent et les 5,0 pour
cent suivants, 12,3 pour cent. En tout, les 10,0 pour cent les plus riches de
la population détiennent environ 71 pour cent de la richesse nationale des
ménages. Les 10 pour cent suivants n’ont que 13,4 pour cent de la
richesse. Les 80 pour cent inférieurs des ménages américains ne possèdent que
15,3 pour cent de la richesse. Ceux qui font partie du troisième quintile ne
détiennent que 3,8 pour cent de la richesse. Les derniers 40 pour cent des
ménages ne possèdent que 0,2 pour cent de la richesse!
16. Si l’on considère
la richesse en excluant la propriété d’une maison, la stratification est
encore plus marquée. Le 1,0 pour cent supérieur des ménages détient 42,2 pour
cent de la richesse non résidentielle. Les 10 pour cent supérieurs possèdent un
peu moins de 80 pour cent de la richesse non résidentielle. Les 80 pour cent
inférieurs possèdent 7,5 pour cent de la richesse non résidentielle. Les 40
pour cent les plus pauvres rapportent une richesse non résidentielle négative
de -1,1 pour cent.
17. En considérant le revenu,
le 1,0 pour cent supérieur reçoit 20 pour cent du total. Les 10 pour cent
supérieurs obtiennent 45 pour cent du revenu total. Les 80 pour cent inférieurs
reçoivent 41,4 pour cent. Les 40 pour cent les plus pauvres n’obtiennent
que 10,1 pour cent du revenu.
18. Une autre série de
statistiques extrêmement intéressante concerne les conditions financières des
ménages situés dans les trois quintiles du milieu (80-60, 60-40, 40-20). Leurs
maisons comptent pour 66.1 pour cent de leur richesse personnelle. Leurs
liquidités comptent pour seulement 8,5 pour cent de leur richesse. Les outils
d’investissements (actions, placements, fiducies, etc.) comptent pour
seulement 4,2 pour cent. Ces chiffres montrent très clairement jusqu’à
quel point la position financière des trois quintiles du milieu dépend de la
valeur de la maison et de la condition générale du marché immobilier.
19. Ce fait rend encore plus
significatif la hausse marquée de l’endettement de ces sections de la
classe ouvrière et de la classe moyenne. En 1983, le ratio entre la dette et
les capitaux propres et la capitalisation boursière était de 37,4 pour cent. En
2004, il a grimpé à 61,6 pour cent. En 1983, le ratio entre la dette et les
revenus était de 66,9 pour cent. En 2004, il a grimpé à 141,2 pour cent !
En 1983, la dette hypothécaire sur les maisons de ces trois quintiles comptait
pour 28,8 pour cent de la valeur immobilière. En 2004, la dette comptait pour
47,6 pour cent.
20. Une dernière série de
statistiques : En 2004, selon Wolff, « les ménages faisant partie du
1 pour cent les plus riches détiennent la moitié de toutes les actions en
circulation, des titres de placement et des capitaux d’entreprises. Les
10 pour cent des familles les plus riches, prises comme un groupe, comptent
pour environ 80 à 85 pour cent des actions, des obligations, des fiducies, des
capitaux d’entreprises et de l’immobilier non résidentiel. De plus,
malgré le fait que 49 pour cent des ménages détiennent des actions soit
directement ou indirectement par des fonds mutuels, des fiducies ou différents
fonds de pension, les 10 pour cent des ménages les plus riches comptent pour 79
pour cent de la valeur totale de ces actions, seulement un peu moins que les 85
pour cent qu’ils détiennent directement par des actions et des fonds
mutuels. » [« Tendance émergente dans la richesse des ménages aux
États-Unis : l’endettement en hausse et la compression de la classe
moyenne, » Juin 2007, p.25]
21. Quelles sont les
implications politiques de ces statistiques ? La stratification extrême de
la société américaine dans les trois dernières décennies approche rapidement le
point de conflit de classe ouvert et violent. Le sclérotique système politique
américain, administré par deux partis politiques qui servent
d’instruments pour la défense des intérêts de la ploutocratie dirigeante,
est organiquement incapable de répondre de manière crédible, sans parler d’une
manière progressiste, aux demandes des masses pour du changement social
significatif. En dernière analyse, les demandes pour le changement social, même
si elles prennent une forme réformiste, entrent en conflit avec la
détermination inébranlable de l’élite dirigeante pour la défense de ses
richesses et de ses privilèges sociaux.
22. Les élections volées de 2000
— comme le PES et le World Socialist Web Site l’avaient
souligné à ce moment — représentaient une étape historique dans la
dégénérescence de la démocratie américaine. La décision du Parti démocrate
d’accepter le vol des élections démontre qu’aucune section
significative de la classe capitaliste américaine ne ressent la moindre
obligation de défendre les institutions traditionnelles de la démocratie
bourgeoise. Tout ce qui est arrivé depuis l’élection a validé ce
jugement. Les violations systématiques des principes constitutionnels et
démocratiques réalisés sous le couvert de la « guerre au terrorisme »
de l’après 11 septembre — dans laquelle les démocrates et les
républicains sont complices — donnent un aperçu des préparatifs encore
plus éhontés de formes dictatoriales de gouvernement de classe. Ces violations
ne sont pas des aberrations. Elles émergent d’une polarisation sociale
qui s’accentue et qui est ultimement incompatible avec le maintien de
formes traditionnelles de la démocratie américaine. Le fait que la procédure
désignée par l'expression « enhanced interrogation »
(« interrogatoire étendu ») — c.-à-d. la torture — est
une traduction anglaise de la procédure que la Gestapo d’Hitler appelait
« verschärfte Verhemung » doit être vu comme un avertissement.
23. Peu importe qui sera ultimement choisi par les partis
bourgeois et élu président, la logique des développements sociaux et politiques
mène inéluctablement vers une intensification des conflits de classes. De plus,
la détérioration prolongée de la position sociale et du niveau de vie de la
classe ouvrière, sa part toujours en diminution de la richesse de la société et
l’intensification sans relâche de son exploitation par ceux qui
contrôlent les moyens de production ont jeté les bases pour un changement
profond dans l’orientation politique et les allégeances de la classe
ouvrière. Ceux qui ne sont pas capables de voir ou qui refusent de voir que les
profonds changements dans la vie économique pendant les trente dernières années
ont laissé des marques profondes dans la conscience sociale de la classe
ouvrière américaine montrent non seulement leur scepticisme démoralisé, mais
aussi leur ignorance de l’histoire. En fait, l’absence de conflit
social et de conflit de classe ouvert pendant le dernier quart de siècle est en
contradiction avec la tendance générale de l’histoire américaine. Mais,
cette période prolongée de passivité sociale, ancrée dans une interaction
complexe et exceptionnelle de processus économiques et politiques nationaux et,
d’abord et avant tout, internationaux, est en train de prendre
fin. La tâche centrale du Parti de l’égalité socialiste en 2008 est de
préparer tous les aspects de son travail — théorique, politique et
organisationnel — dans le but de faire face aux défis posés par
l’éruption de conflit de classe.
24. Un élément critique de cette préparation passe par
l’étude des leçons des périodes antérieures de bouleversements révolutionnaires.
Cette année marque le quarantième anniversaire de l’année 1968, une année
qui fut caractérisée par des luttes explosives internationalement et aux
Etats-Unis. Les évènements de cette année-là déclenchèrent une longue période
de lutte révolutionnaire internationale et de conflit de classe intense aux
Etats-Unis. De manière significative, les éruptions politiques de 1968
anticipaient et se sont ensuite développées parallèlement à une économie
mondiale en proie à des tensions grandissantes. La dévaluation de la livre
britannique en novembre 1967, suivie en mars 1968 par l’instabilité dans
le marché européen de l’or, laissait envisager l’écroulement du
système de Bretton Woods de 1971 sur lequel étaient basés la reconstruction du
capitalisme international après la Deuxième Guerre mondiale et le rôle dominant
des Etats-Unis.
25. Revoyons brièvement les
évènements principaux de cette année-là : à la fin janvier, le
gouvernement du Vietnam Nord lança l’historique « offensive du
Têt », qui discrédita complètement les affirmations de
l’administration Johnson et du Pentagone selon lesquelles les Etats-Unis
étaient en train de gagner la guerre. Le Secrétaire à la Défense Robert McNamara
démissionna et une féroce lutte interne émergea dans l’administration sur
la politique concernant le Vietnam. Aussi en janvier, le stalinien notoire
Antonin Novotny fut remplacé en tant que premier ministre de la Tchécoslovaquie
par Alexander Dubcek, déclenchant ce qui allait devenir le « Printemps de
Prague. » En février, Lyndon Johnson remporta tout juste une victoire sur
le sénateur Eugene McCarthy lors des primaires du New Hampshire, un résultat
qui allait être interprété comme une défaite politique majeure pour le
président sortant. Deux semaines plus tard, le Sénateur Robert Kennedy annonça
qu’il se présentera contre Johnson pour la nomination. Deux semaines plus
tard, Johnson annonça sa volonté d’entrer dans des pourparlers de paix
avec le Vietnam-Nord et sa décision de ne pas chercher à obtenir de nouveau la
nomination. Le 4 avril, Martin Luther King était assassiné à Memphis et des
émeutes éclatèrent partout aux Etats-Unis. En mai, la répression violente de
manifestations étudiantes à l’Université de la Sorbonne à Paris mena à
une grève générale de la classe ouvrière française qui paralysa le gouvernement
de De Gaulle et amena le pays au bord de la révolution sociale. Le 5 juin, le
Sénateur Robert Kennedy était assassiné à Los Angeles. En août, la convention
démocrate à Chicago fut assiégée par des manifestations anti-guerre, que le
maire Richard Daley tenta de réprimer violemment à l’aide de la police.
Pendant la même semaine, les tanks soviétiques entrèrent en Tchécoslovaquie et
ramenèrent le contrôle stalinien. En novembre, Richard Nixon fut élu président.
26. Les événements de 1968
n’ont fait que marquer le commencement d’un soulèvement massif de
la lutte de classe à l’échelle du globe qui persista près d’une
décennie. Sur chaque continent la lutte de masse était la règle et non l’exception.
L’aspect le plus significatif de cette période était le développement
parallèle de mouvements révolutionnaires dans les pays capitalistes moins
développés et les pays capitalistes développés. Des conditions
prérévolutionnaires et révolutionnaires apparurent en Bolivie, au Chili, en
Argentine, en Italie, en France, en Grande-Bretagne, au Portugal, en Grèce et
en Espagne. Aux États-Unis, la force dominante de la lutte sociale durant cette
période n’était pas le mouvement étudiant, mais la classe ouvrière. Avec
l’exception des années 1973 et 1976, le nombre de travailleurs impliqué
dans des grèves majeures, n’est jamais descendu en bas du million entre
1967 et 1979. En 1970 et 1971, le nombre de travailleurs impliqués dans les
grèves était de 2,4 millions et 2,5 millions respectivement. En
Grande-Bretagne, la grève des mineurs du charbon de 1973-74 força la chute du
gouvernement conservateur d’Edward Heath
27. A qui doit-on attribuer la
survie du système capitaliste durant cette période de luttes sociales
tumultueuses ? Sur le front politique, la principale raison de la survie
du capitalisme se trouve dans la politique contre-révolutionnaire du
stalinisme, des gouvernements et partis sociaux-démocrates, et des
bureaucraties syndicales, qui ont fait tout en leur pouvoir pour saboter la
lutte révolutionnaire de la classe ouvrière. De plus, les partis et les
organisations pablistes, qui avaient dans les années 50 et début 60 rompu avec
la Quatrième Internationale, jouèrent un rôle destructif en couvrant le rôle
politique traître des staliniens et des sociaux-démocrates et en canalisant la
lutte des masses dans une politique impuissante de protestation. Dans ce
projet, les pablistes travaillèrent main dans la main avec les organisations de
la dite Nouvelle Gauche, dont les traits caractéristiques sont un dédain pour
la classe ouvrière, l'indifférence à l’égard des leçons de
l’histoire, l'hostilité envers le marxisme et une haine viscérale du trotskysme.
28. La trahison politique de ces
forces avait été incitée par des facteurs objectifs substantiels, desquels le
plus significatif était la position mondiale encore dominante du capitalisme
américain. Le dollar fonctionnait comme valeur de référence dans
l’économie capitaliste mondiale, convertible en or au taux de 35 $ l’once.
Mais politiquement et économiquement, le monde en 2008 est radicalement
différent de celui existant il y a 40 ans. Le principal créancier du monde est
devenu la nation la plus endettée. Le dollar américain, dont la valeur sur les
marchés internationaux ne représente plus qu’une fraction de sa valeur
correspondant à la période de Bretton Woods, a quasiment perdu toute
crédibilité en tant que monnaie de réserve mondiale. Son remplacement par
l’euro ou par un « panier » de monnaies internationales, un
développement inévitable, ne ferra que confirmer ce qui est déjà apparent
– que l’ère de la domination globale du capitalisme américain est
arrivée à terme. De plus, les changements technologiques extraordinaires
derrière les processus connus sous le terme de « mondialisation »
sont profondément révolutionnaires dans leurs implications. Les trois dernières
décennies ont été témoins d’une immense expansion mondiale dans les
forces de la classe ouvrière internationale. Sa puissance sociale et sa
capacité potentielle à réorganiser l’économie mondiale sur des bases
socialistes – c.-à-d. de la réorienter consciemment dans le but de mettre
fin à la pauvreté et l’exploitation et de servir les intérêts et les
besoins de l’humanité – est plus grande que dans toutes les
périodes historiques précédentes.
29. Le Parti de l’égalité
socialiste, en solidarité politique avec le Comité international de la
Quatrième Internationale, anticipe avec confiance la réémergence des luttes de
la classe ouvrière. Nous sommes convaincus que la crise objective du système
capitaliste va provoquer un soulèvement de la classe ouvrière américaine et
internationale. Mais les soulèvements à venir ne vont pas automatiquement
résoudre les problèmes du développement de la conscience socialiste.
30. Comme il a été démontré par
les luttes initiales des travailleurs dans les derniers mois, il demeure un
gouffre énorme entre les implications révolutionnaires objectives de la crise
et le niveau actuel de conscience politique. Les conditions objectives vont
propulser les travailleurs dans la lutte et créer les conditions pour un
immense bond de la conscience. Mais ce serait une erreur de sous-estimer le
degré de lutte qui doit être menée par le parti pour élever la conscience
politique de la classe ouvrière et surmonter l’influence réactionnaire
des bureaucraties, qui, bien qu’affaiblies, sont encore des défenseurs
dangereux et cruciaux de l’ordre bourgeois. Nous ne pouvons pas non plus
ignorer le rôle joué par la myriade de tendances petites bourgeoises
« radicales » qui cherchent inlassablement à désorienter la classe
ouvrière et à maintenir sa subordination aux sections
« progressistes » de la bourgeoisie. L’influence de toutes ces
différentes agences de l’élite dirigeante ne peut être surmontée que par
l’assimilation des expériences stratégiques des luttes révolutionnaires
précédentes et par la compréhension de leurs implications dans la crise en
développement du capitalisme mondial.
31. Durant l’année 2008,
le Parti de l’égalité socialiste va entreprendre une campagne politique
ambitieuse pour étendre son influence au sein de la classe ouvrière et parmi
les jeunes. Cette campagne va inclure :
(a) La participation du PES dans
les élections de 2008 avec ses propres candidats dans le plus grand nombre
d’États possible. Le but de cette campagne va être de développer la
conscience politique de la classe ouvrière et sa compréhension du programme du
socialisme international, de précipiter sa rupture politique avec les partis de
la classe capitaliste, de lutter contre la pauvreté, l’exploitation et
toutes les formes d’inégalité sociale, de construire une opposition au
militarisme et à l’impérialisme américain et de recruter de nouvelles
forces au sein du Parti de l’égalité socialiste.
(b) Le développement, en accord
avec nos co-penseurs politiques dans le Comité international, du World Socialist
Web Site. Ceci comprend le développement d’une nouvelle version du
site Web afin d’en améliorer l’accessibilité pour la lecture et
d'utiliser le plus efficacement possible la technologie moderne du Web. Le WSWS
va également introduire des changements éditoriaux qui vont renforcer son
contenu politique, culturel et théorique. Le but de tous ces changements est
d’étendre le lectorat et l’influence politique du site Web en tant
qu'instrument de la pensée et de l’action socialistes.
(c) L’internationale étudiante pour l’égalité
sociale (IEES), le mouvement de la jeunesse étudiante affilié au PES, va
étendre son travail sur les campus des universités à travers les États-Unis. En
étroite collaboration nos co-penseurs du Comité international, nous allons
développer l’IEES en un véritable mouvement international luttant pour
l’unité et la solidarité politique des jeunes et des travailleurs à
travers le monde.
32. Nous appelons tous les
membres du PES à lutter sur la base de la perspective élaborée dans ce rapport
pour étendre le travail du parti en 2008. Au même moment, le PES appelle tous
les lecteurs et supporteurs du World Socialist Web Site à reconnaître
l’urgence de la crise politique et économique du capitalisme américain et
mondial et à se joindre à nous dans la lutte pour le socialisme.