La grève menée par plus 3600 ouvriers d’American
Axle est révélatrice du gouffre infranchissable qui sépare les ouvriers de
l’industrie automobile de la direction du syndicat des United Auto Workers [UAW,
Travailleurs unis de l’automobile].
Dans une lettre d’opinion qui a été publiée
le 4 avril dans le Detroit News, Ron Gettelfinger, le président
international des UAW n’a laissé aucun doute sur la position de la direction syndicale
envers la grève qui entre maintenant dans sa septième semaine. Après avoir rappelé
les nombreuses concessions que les UAW ont accordées à plusieurs reprises à American
Axle, Gettelfinger écrit : « Cette année, nous avons encore une fois
mis de l’avant des demandes responsables qui répondaient aux inquiétudes
légitimes d’American Axle. Ces demandes, si elles étaient acceptées,
signifieraient de véritables sacrifices pour nos membres et de véritables
économies pour la compagnie. »
Le président des UAW reconnaît qu’il y a
une entente fondamentale entre le syndicat et American Axle sur les demandes de
la compagnie pour une diminution draconienne des coûts de main-d’œuvre.
Tout en condamnant les « mauvaises
pratiques de négociations » de la compagnie qui font qu’il est plus
difficile d’arriver à un accord, y compris l’annonce d’immenses bonus pour ses
principaux dirigeants après le début de la grève, Gettelfinger affirme que
« nos membres comprennent que la réalité de la concurrence dans
l’industrie automobile a changé ».
« Voilà pourquoi, continue-t-il, nous
avons déjà été très conciliants avec American Axle en 2004 et en 2006. »
Gettelfinger souligne que l’accord de 2004 avait réduit les coûts de
main-d’œuvre de la compagnie « d’au moins 200 millions de dollars par
année ».
Loin d’accepter volontairement ces reculs,
les ouvriers d’American Axle s’étaient résolument opposés aux précédentes
concessions. Le syndicat et la direction de l’entreprise ont forcé leur
acceptation au moyen de menaces de fermetures d’usines et de mises à pied
massives, qui ont eu lieu malgré les concessions.
Les UAW ont collaboré avec la direction de
l’entreprise pour « forcer » les ouvriers à accepter l’entente, selon
une plainte maintenant devant le Conseil des relations du travail déposée
contre le local 424 des UAW. Cette plainte a été déposée par les ouvriers de
l’usine aujourd’hui fermée de Buffalo dans l’État de New York.
Les concessions que les UAW ont imposées
aux ouvriers de l’industrie automobile ont permis au PDG d’American Axle,
Richard Dauch, d’empocher plus de 250 millions de dollars depuis qu’il a organisé
un groupe d’investisseurs privés pour acheter des usines de General Motors en
1994.
Si American Axle a de la difficulté à rivaliser avec
d’importants concurrents comme Dana Corporation, c’est parce que l’UAW a mené
une surenchère de concessions afin de gonfler les profits des trois grands
constructeurs de Détroit : General Motors, Ford et Chrysler.
L’éditorial de Gettelfinger a été publié alors qu’UAW
International était en pleine campagne pour étouffer la grève. La semaine
dernière, l’UAW a annoncé que la compagnie avait commencé à fournir des
informations au syndicat concernant ses coûts de main-d’oeuvre. Cela avait été
suivi durant le week-end d’une rencontre entre UAW International et des
représentants syndicaux locaux et d’une rencontre lundi entre Gettelfinger et Dauch.
Dans le but de faire pression sur GM pour qu’il s’entende
avec American Axle et de conserver une certaine crédibilité devant des membres
de plus en plus méfiants et hostiles, l’UAW a donné un avertissement de grève
de dix jours à cinq usines GM au Michigan, en Ohio et au Texas, et a annoncé la
tenu d’un rassemblement le 18 avril à Détroit. Cependant, le président de l’UAW
a déclaré : « Il n’y a rien que nous aimerions plus que d’annuler ce
rassemblement si la grève était réglée par la ratification d’un contrat. »
Il est clair dans la lettre que le syndicat offre
d’importantes concessions sur les salaires et les bénéfices. Des documents
dévoilés par Detroit Free Press ont aussi démontré que le syndicat avait
fait d’importantes concessions juste avant la grève.
Bien conscient de l’opposition militante des travailleurs
ordinaires, l’UAW se demande, non pas comment maintenir les salaires et les
bénéfices, mais comment le mieux frustrer et miner la résistance des
travailleurs au moment d’une entente de concessions.
Au même moment, Gettelfinger et compagnie sont déterminés à
défendre les intérêts de la bureaucratie syndicale dans toute entente avec American
Axle. L’UAW est prête à concéder encore plus d’élimination d’emplois, mais elle
recherche immanquablement des garanties de la part d’American Axle qu’un nombre
minimum d’emplois seront maintenus aux usines syndiquées par l’UAW, ce qui lui
assurerait de continuer à recevoir des cotisations syndicales prélevées
directement à la source.
L’UAW recherche aussi des garanties financières pour maintenir
l’appareil syndical. En échange du sacrifice des gains durement réalisés par
des générations de travailleurs de l’automobile lors des négociations avec les Big
Three l’année dernière, l’UAW s’est vu offrir le contrôle d’un fond de santé
pour les retraités (Association volontaire de bénéfices des employés ou VEBA)
qui vaut plus de 50 milliards et qui est payé dans sa majeure partie par les
actions de Ford et GM. Un VEBA fut aussi mis sur pied chez Dana Corporation et
un accord similaire est possiblement en négociation chez American Axle.
Les travailleurs reconnaissent de plus en plus qu’ils ne
peuvent défendre leurs intérêts au moyen de l’UAW et qu’une nouvelle façon de
lutter doit être mise de l’avant. Comme un gréviste d’American Axle l’a dit à
Detroit au World Socialist Web Site : « L’UAW servait à lutter
contre la grande entreprise. Maintenant, ils sont une grande entreprise. »
Selon un récent classement avec le département du Travail, l’UAW
a vu, l’année dernière, une augmentation de son revenu d’intérêt provenant de
ses investissements, même si son nombre de membres a baissé à son niveau le
plus bas depuis 1941.
De nouvelles organisations de la classe
ouvrière industrielle doivent être construites en opposition aux syndicats
corporatistes. Les travailleurs d’American Axle devraient initier cette lutte
en élisant des comités composés de travailleurs de la base, dirigés par les
militants les plus dévoués, afin de retirer des mains des TUA la conduite de la
lutte et des négociations. Ces comités devraient en appeler directement à tous
les travailleurs de l’automobile afin d’étendre la grève pour résilier les
contrats ayant introduits les compressions salariales acceptées par les TUA
pour l’ensemble de l’industrie automobile.
Une nouvelle stratégie politique est requise
pour unifier la classe ouvrière contre les impacts de la crise financière et
contre les reprises de maison, les mises à pied et contre l’assaut sur le
niveau de vie.
Ceci requiert une rupture avec les
démocrates et les républicains – qui sont tout deux redevables à la grande
entreprise – et la construction d’un nouveau mouvement politique de la classe
ouvrière en lutte contre le système capitaliste pour une alternative
socialiste. Ceci inclut la nationalisation des grandes compagnies automobiles et
son contrôle démocratique par la classe ouvrière.
C’est la perspective pour laquelle lutte le
Parti de l’égalité socialiste.