Le House of Commons International Development
Committee (le Comité international du développement de la Chambres des
Communes) a publié dernièrement un rapport sur des observations faites au terme
de visites effectuées en Israël et en Palestine.
Le rapport dresse un tableau dévastateur de
l’impact des sanctions économiques imposées par les Etats-Unis et
d’autres grandes puissances, dont la Grande-Bretagne, contre le
gouvernement du Hamas de l’Autorité palestinienne (AP). Ce faisant, le
rapport démontre la complicité de l’ensemble de l’Europe et des
Nations unies avec l’occupation de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza ainsi
que de l’assujettissement brutal des Palestiniens par Israël.
La victoire électorale du Hamas, qualifiée
d’organisation terroriste par les Etats-Unis en raison de son opposition
militaire contre Israël, a conduit, suite à l’insistance des Etats-Unis
et d’Israël, au boycott économique et à l’isolement de l’AP.
Israël a retenu illégalement l’argent des
impôts et des droits de douane qu’il collecte au nom de l’AP,
l’équivalent de 60 millions de dollars par mois soit près de 50 pour cent
des revenus mensuels de l’AP, tandis que le Quartet, Etats-Unis, Union européenne,
Russie et ONU, a supprimé toute aide directe à l’AP, la privant ainsi de 25
pour cent supplémentaires de son budget.
La plus grande partie de l’argent de
l’AP sert à payer les salaires de ses employés, le secteur public
palestinien, y compris les médecins, les enseignants et les fonctionnaires. Cet
argent est également l’« aide financière de dernier recours »
pour les services sociaux et les institutions publiques palestiniennes qui ne
sont plus en mesure de payer leurs créanciers étant donné que les banques
internationales ne font plus crédit et ont suspendu toute autre aide parce
qu’elles redoutent un procès de la part des Etats-Unis dans le cadre de
la guerre contre le terrorisme.
Les propres recettes fiscales de l’AP ont
chuté en raison de l’accroissement du chômage et de la pauvreté.
L’effet combiné a été de freiner l’économie palestinienne et de
pousser sa population au bord de la famine.
Les conclusions du rapport, qui est à la fois le
résultat d’une visite en Isarël /Palestine et de données fournies
par diverses organisations d’aide, sont choquantes.
* Le produit intérieur brut a baissé de 9 pour
cent durant la première moitié de 2006 et l’on s’attendait à ce
qu’il chute de 27 pour cent d’ici la fin de 2006, le revenu
personnel baissant de 30 pour cent.
* 160.000 employés du secteur public n’ont
pas été payés depuis mars 2006, ce qui touche 25 pour cent de la population.
* La stratégie de survie de la population comprend :
le report du paiement des factures (83,5 pour cent), vivre de ses économies
(26,3 pour cent), la vente des bijoux (29,6 pour cent) et la réduction de la
consommation de viande fraîche (88,6 pour cent). 68 pour cent dépendent
entièrement d’emprunt informel d’argent pour subsister.
* 70 pour cent des travailleurs de Gaza n’ont
ni emploi ni salaire.
* 51 pour cent des Palestiniens dépendent à
présent de l’aide alimentaire, soit une augmentation de 14 pour cent par
rapport à l’année dernière.
* Les taux de malnutrition étaient en 2004 aussi
mauvais que dans certaines parties de l’Afrique sub-saharienne. C’est
le principal problème de santé publique avec 37,9 pour cent des enfants de
moins de cinq ans et 31,1 pour cent des femmes en âge de procréer étant
anémiques. 22 pour cent des moins de cinq ans présentent un déficit en vitamine
A et 20 pour cent un déficit en iode.
* La mortalité infantile est de 25,2 pour 1.000 naissances
vivantes, alors que la mortalité des moins de cinq ans est de 29,1 pour 1.000
naissances vivantes.
* Les frais d’hospitalisation sont hors de
prix pour la plupart des Palestiniens. L’effet des fermetures imposées
par Israël, le non-paiement des salaires et les grèves du personnel qui
s’ensuivirent ont interrompu la livraison des médicaments et du matériel.
Ceci a considérablement restreint l’accès aux hôpitaux et aux soins de
santé.
* Alors qu’à Hébron la moyenne du nombre
des naissances est d’environ 600, en septembre dernier, tout juste 100
bébés étaient nés dans des hôpitaux publics auxquels s’ajoutèrent 200
naissances supplémentaires ayant eu lieu dans des hôpitaux privés ou
d’ONG. Trois cents naissances n’ont pu être localisées et
l’on assume qu’il s’agit d’accouchements à domicile pour
la plupart sans accès à une sage-femme qualifiée.
* 25 pour cent des habitants de Gaza n’ont
pas un accès suffisant à l’eau.
* Le bombardement de la centrale électrique de la
Bande de Gaza durant l’offensive d’été a réduit davantage encore
l’accès à l’eau en causant des problèmes aux hôpitaux et en
provoquant une augmentation des cas de diarrhée, notamment chez les enfants de
moins de trois ans.
* Les Palestiniens consomment en moyenne 83
mètres cubes d’eau par personne et par an contre une consommation moyenne
annuelle de 333 mètres cubes pour un Israélien et de 1.450 pour un colon. Les
colonies au sommet des collines déversent souvent leur eau de drainage dans la
vallée en aval, contaminant ainsi l’approvisionnement en eau des
Palestiniens.
* 7,3 pour cent seulement des terres sont irrigués
en Cisjordanie contre 50 pour cent des terres comparables en Israël.
* Depuis 2006, 64 pour cent des Palestiniens vivent
sous le seuil de pauvreté, mais ce chiffre passe à 78 pour cent dans la Bande
de Gaza. Il est passé de 20 pour cent en 1998 à 54 pour cent en 2005.
* Au cours de la première moitié de 2006, un
nombre impressionnant de 1.069.200 personnes avaient des niveaux de
consommation inférieurs au seuil de pauvreté extrême, soit une augmentation de
418.400 en tout juste six mois. Leur consommation quotidienne moyenne se
montait à environ 1,66 dollar américain par personne et par jour, ce qui est
inférieur au niveau de consommation prévu de 2,10 dollars pour couvrir les
besoins de base.
* La consommation réelle par habitant a baissé
de 12 pour cent en 2006, dont celle de la nourriture qui a baissé de 8 pour
cent.
Confrontée à cette abominable crise humanitaire,
l’ONU a pris la décision sans précédent de faire passer son appel à l’aide
humanitaire de 215 millions de dollars à 384 millions de dollars. L’appel
de 2007 sera de l’ordre de 450 millions de dollars.
Le rapport montre que des niveaux aussi élevés d’aide
dépassent de loin les niveaux par habitant enregistrés dans de nombreux pays
pauvres d’Afrique subsaharienne et ne peuvent être maintenus sur une
longue durée. Mais, faute d’un règlement du conflit, une telle aide sera
cruciale.
Ces conditions ne sont pas simplement la
conséquence des sanctions économiques imposées suite à l’élection du
Hamas, mais résultent d’une dégradation continue du niveau de vie suite à
l’intifada provoquée par le dirigeant du Likoud de l’époque,
Ariel Sharon, dans le but de saborder toute chance de résolution du conflit
Israël/Palestine en septembre 2000.
L’écrasement brutal par Israël du
soulèvement fut accompagné de l’imposition d’un couvre-feu et de
restrictions de déplacements, comprenant des barrages routiers, des passages à
la frontière, des monticules de terre bloquant l’entrée des chemins, des
tranchées, des contrôles volants et un système de permis différent pour les
Palestiniens pour utiliser des tunnels souterrains et la construction du Mur de
Sécurité. Le rapport qualifie ces conditions de « discriminatoires »
en disant que « les Palestiniens sont traités comme des citoyens de seconde
classe dans leur propre pays. »
Ces conditions ainsi que le réseau de colonies
et de l’infrastructure qui les accompagne ont étouffé le commerce et
empêché aux Palestiniens d’avoir accès aux services.
L’industrie manufacturière a décliné.
L’investissement étranger et local a quasiment cessé en dépit de niveaux
de productivité du travail de 40 pour cent supérieur à ceux d’autres
travailleurs de la région. Israël a été en mesure de profiter, sans avoir à
subir des sanctions de Bruxelles, de ses relations commerciales avec
l’Union européenne tout en privant les Palestiniens de bénéfices
identiques.
L’aide internationale est accordée à
raison de 300 dollars par habitant ou environ 1 milliard de dollars par an
depuis 2000, reflétant le déclin catastrophique de l’économie et des
niveaux de vie des Palestiniens.
Comme le montre le rapport, « Ce sont,
avant tout, elles (les restrictions) qui détruisent l’économie
palestinienne et créent la pauvreté largement répandue. »
Comme on pourrait s’attendre d’un
rapport compilé par des députés britanniques, les réponses apportées à ses
propres conclusions consistent à se demander timidement jusqu’à quel
point ces restrictions, justifiées au nom de la « sécurité », remplissent
leur rôle. Mais, les conclusions du rapport donnent à penser à tout lecteur
objectif que le régime des sanctions et autres restrictions imposées par Israël,
avec le soutien des Etats-Unis et de l’Europe, représente une tentative
délibérée d’assujettir les Palestiniens par la famine, en en tuant le
plus possible et en contraignant bien d’autres encore à
l’exil ; une forme de nettoyage ethnique à l’aide de moyens
économiques.