Bush a opposé son veto pour une troisième fois durant sa
présidence pour bloquer une loi qui élargissait le financement par le
gouvernement fédéral d’une partie de la recherche sur les cellules
souches. Encore une fois, Bush cherche à imposer les conceptions religieuses de
la droite en s’opposant à une recherche scientifique qui pourrait aider
des millions de personnes et qui a le soutien de la vaste majorité de la
population américaine.
En rejetant la loi, Bush a répété ses inquiétudes
« éthiques » par rapport à la recherche sur les cellules souches.
Dans une déclaration de la Maison-Blanche, Bush a
déclaré : « Les Etats-Unis sont aussi une nation fondée sur le
principe que toute vie humaine est sacrée. Et notre conscience nous appelle à
explorer les possibilités de la science d’une façon qui respecte la
dignité humaine et en accord avec nos valeurs morales. »
Il a insisté que les cellules souches obtenues à partir de
l’embryon sont « créées en détruisant la vie humaine » et que
« la destruction de la vie humaine dans l’espoir de sauver la vie
humaine n’est pas éthique ».
Les déclarations de l’administration non seulement
font la démonstration d’une mépris complet des droits démocratiques
— soutenant que le président a le droit de déterminer ce que « notre
nation » soutiendra sur la base de ses conceptions religieuses médiévales
— ils impliquent aussi la promotion délibérée de l’ignorance et des
préjugés.
La recherche sur les cellules souches provenant de
l’embryon, un champ relativement nouveau de la science, implique
qu’il faut extraire des cellules souches d’un ovule fertilisé au
tout début du processus de développement de l’embryon. A ce stade,
l’embryon — ou plus précisément, le pré-embryon ou blastocyte
— ne consiste qu’en une poignée de cellules indifférenciées. La
recherche est critique parce que les cellules ont la capacité de se développer
en tout autre type de cellule (elle sont pluripotentes). Les scientifiques
espèrent développer des technologies qui pourront, par exemple, régénérer le
tissu cérébral de patients souffrant de la maladie d’Alzheimer.
D’un point de vue rationnel ou scientifique, les
embryons en question dans cette recherche ne peuvent être considérés comme
« des vies humaines ». Un blastocyte ne peut être considéré comme une
vie humaine qu’en vertu de la notion religieuse qu’une âme humaine
est donnée par un dieu au moment de la conception.
Bush a émis un ordre exécutif restreignant la recherche sur
les cellules souches en août 2001, interdisant au gouvernement fédéral de
financer cette recherche sauf pour les lignées de cellules souches qui existaient
déjà. Cette décision a eu un impact immédiat sur la recherche scientifique,
parce que le gouvernement fédéral est la plus importante source de financement
de la recherche et que les lignées de cellules souches existantes
n’étaient pas adéquates.
Le projet de loi auquel Bush a opposé son veto mercredi
renverserait une ordonnance de 2001, permettant le financement de la recherche
sur les cellules souches provenant d’embryons qui seraient autrement
rejetés par les cliniques de fertilité. Le projet de loi n’a pas réussi à
obtenir les deux tiers d’appuis nécessaires au Congrès pour supplanter un
veto. Il fut accepté à la Chambre des représentants à 247 contre 176 en juin et
à 63 contre 45 au Sénat en avril.
Deux des trois vetos de Bush concernent la recherche sur
les cellules souches. Le premier s’opposa à une précédente tentative, en
2006, visant à adopter une loi similaire pour l’accroissement du
financement fédéral. Son seul autre veto fut le rejet d’une loi sur le
financement de la guerre qui comportait un échéancier non contraignant pour le
retrait d’un certain nombre de soldats d’Irak. Même si cette loi
n’aurait pas mis un terme à la guerre, les vetos de Bush aident à
souligner le caractère complètement hypocrite du souci de
l’administration pour la « vie humaine ». Bien que
l’administration n’accorde pas de financement fédéral
supplémentaire à la recherche sur les cellules souches, il soutient totalement
la destruction de véritables vies humaines — dont environ 750.000
Irakiens et plus de 3.500 soldats américains — pour accroître la
domination des Etats-Unis sur les champs de pétrole du Moyen-Orient.
Et au même moment où il opposait son veto à la loi sur les
cellules souches, Bush décréta une loi pour favoriser les « autres méthodes »
de développement de cellules souches pluripotentes. L’administration
considère que ces méthodes sont « éthiquement responsables » car
elles n’impliquent pas l’utilisation d’embryons. Le
décret-loi renomme aussi le « registre des cellules souches humaines embryonnaires »
par le « registre des cellules souches humaines pluripotentes », afin
d’y inclure toute cellule souche pluripotente développée à l’aide
d’autres méthodes.
Aucune de ces méthodes, bien que prometteuses, ne peut remplacer
la recherche sur les cellules souches embryonnaires, et la plupart sont encore
très loin de la possibilité d’être utilisées sur des cellules humaines.
Elles sont défendues par la Maison-Blanche dans le but de calmer l’appui
écrasant de la population pour la recherche sur les cellules souches et à la
fois pour satisfaire la droite chrétienne.
L’une de ces méthodes comprend l’utilisation de
cellules souches qui ne proviennent pas d’un embryon mais qui sont
extraites du sang du cordon ombilical, de la moelle osseuse ou d’autres tissus.
Toutefois, ces types de cellules sont difficiles à isoler et ne sont pas aussi
flexibles que les cellules souches embryonnaires. Une autre méthode implique la
transformation potentielle de cellules ordinaires de la peau en cellules
pluripotentes. Des recherches publiées ce mois-ci documentaient le succès de
cette méthode sur des cellules de souris mais on est encore loin de l’emploi
de cette méthode sur les cellules humaines.
Dans un article du 20 juin, le New York Times
rapporta que deux éminents chercheurs dans le domaine des cellules souches
qu’il avait interviewés ont déclaré que les méthodes « ne pouvaient
remplacer la recherche sur les cellules souches embryonnaires ». Le
journal cita Douglas Melton, un scientifique étudiant les cellules souches à
l’Université Harvard, qui affirma que les nouvelles méthodes
« devaient être explorées tout aussi activement que la recherche sur les
cellules souches humaines embryonnaires… Tout ce que nous demandons est
que la recherche sur les cellules souches embryonnaires obtienne sa part du
financement public comme toute autre recherche », a-t-il déclaré.
Toute cette campagne pour en arriver à une recherche sur
les cellules souches « éthiquement acceptable » est une imposture et
une attaque contre la science. En fait, aucun conflit n’est justifié sur
la question du financement fédéral pour la recherche sur les cellules souches
embryonnaires. Il n’y a conflit que si l’on accepte la notion
inconstitutionnelle que des concepts religieux devraient être à la base de la
politique gouvernementale et devraient déterminer ce qui constitue une forme de
recherche scientifique valable.
Les médias ainsi que le Parti démocrate ont aidé à donner
de la légitimité au débat sur les cellules souches, reprenant les expressions
de l’administration Bush. Pour ne citer que quelques exemples, le Washington
Post fait référence dans son article du 20 juin au développement de
« cellules souches éthiquement acceptables », et le New York Times
a plusieurs fois fait référence à la possibilité que de nouvelles méthodes
pourraient « rendre caduque la controverse éthique sur les expériences
avec les cellules souches provenant de l’embryon ».
La loi à laquelle Bush a opposé son veto faisait référence
à des « exigences éthiques », y compris la nécessité que les cellules
souches soient extraites d’embryons donnés aux cliniques de fertilisation
et qui auraient été de toute façon éliminés. Dans une tentative d’apaiser
la droite chrétienne, la loi réclamait aussi le développement d’autres
méthodes pour le développement de cellules pluripotentes.
Dans une déclaration faite plus tôt ce mois demandant à
Bush de ne pas opposer son veto à la loi, le leader de la majorité démocrate au
Sénat, Harry Reid, a insisté que la loi « reconnaît les importantes
questions éthiques en jeu et met en place des directives plus contraignantes
pour la recherche que celles de l’actuelle politique du président ».
En ce qui concerne l’adaptation à
l’irrationalité religieuse, toutefois, c’est la leader de la
majorité démocrate à la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, qui a battu
tous les records en déclarant : « La science est un don de Dieu pour
nous tous et la science nous a amené à un endroit biblique quant à son pouvoir
de guérir. Et cela, c’est la recherche sur les cellules souches provenant
de l’embryon. »
La détermination de Bush à opposer son veto à la loi sur
les cellules souches malgré l’immense soutien dont elle jouit dans la
population (les sondages indiquent un soutien compris entre 60 et 70 pour cent)
doit être vue dans son contexte politique. Le niveau d’approbation de
Bush continue à plonger à cause de l’opposition grandissante à guerre en
Irak et de l’augmentation des inégalités sociales aux Etats-Unis mêmes.
L’administration espère obtenir un certain soutien pour sa politique de
droite sur la base de questions religieuses, y compris l’avortement, le
mariage entre homosexuels et la recherche sur les cellules souches.
Les démocrates et des sections du Parti républicain
appuient l’élargissement de la recherche sur les cellules souches,
particulièrement parce que les Etats-Unis pourraient prendre du retard sur les
autres pays qui n’ont pas de restrictions comparables. Malgré ces
inquiétudes, toutefois, les démocrates ont constamment cherché à s’adapter
aux mêmes conceptions religieuses que celles prônées par l’administration
Bush.
En ce sens, la question de la recherche sur les cellules
souches n’est pas unique. Les démocrates ont confirmé les juges de la
Cour suprême Samuel Alito et John Roberts dans leur poste, tout en sachant
qu’ils chercheraient à renverser les décisions établissant le droit à
l’avortement — un processus qui a déjà commencé avec la décision de
la Cour suprême plus tôt cette année confirmant l’embargo fédéral sur le
soi-disant avortement par naissance partielle. Ils se sont aussi adaptés aux
républicains lors de leur intervention écœurante dans le cas Terri
Schiavo.
Une campagne sérieuse contre l’administration exigerait
des démocrates qu’ils expliquent les objectifs visés par la défense du
fondamentalisme religieux. Toutefois, les démocrates soutiennent
essentiellement la politique même que l’administration Bush cherche à
sauver en embrassant le fondamentalisme religieux, y compris la guerre en Irak
et les attaques incessantes contre les droits démocratiques aux Etats-Unis.
Mener une campagne contre le fondamentalisme religieux demande un appel aux
véritables intérêts de la masse du peuple, un appel que les démocrates sont
déterminés à éviter. Plutôt que chercher à contrer les tendances théocratiques
au sein de l’administration, les démocrates cherchent plutôt à s’y
adapter.