Le 26 avril dernier, la Cour européenne des droits de
l’Homme a condamné la France pour absence de droit à un recours effectif pour
les sans-papiers demandeurs d’asile. Malgré cela, le gouvernement
nouvellement formé du président Nicolas Sarkozy a confirmé qu’il a
l’intention de prendre des mesures sévères en matière d’immigration
et de procéder à des expulsions massives d’immigrés sans-papiers.
Sarkozy entend bientôt présenter la première législation de
son quinquennat. L’immigration sera une priorité lors de la session de
mi-juillet de la nouvelle Assemblée nationale issue du second tour des
élections législatives du 17 juin. Le premier ministre de Sarkozy, François
Fillon a annoncé qu’une nouvelle loi sur l’immigration sera
présentée lors de la première session parlementaire après les élections. Il est
clair que cette annonce est une tentative pour gagner à l’UMP davantage
d’électeurs du Front national, parti de l’extrême-droite.
Les mesures présentées dans ses grandes lignes par Fillon
rendront plus difficile le regroupement familial. La personne résidant
légalement en France devra avoir un logement estimé adéquat pour recevoir le ou
les membres de sa famille et avoir des revenus de son travail, et non d’allocations
sociales est-il clairement spécifié, lui permettant de subvenir aux besoins de
ce ou ces membres de sa famille. Les candidats à l’immigration doivent quant
à eux prouver qu’ils sont capables de parler français avant même d’obtenir
l’autorisation de s’installer en France.
Sarkozy a placé son ami proche, Brice Hortefeux, à la tête du ministère
de l’Immigration et de l’Identité nationale. Hortefeux a déclaré à
Europe 1, « Nous avons rejeté les régularisations massives. Cela ne marche
pas et cela pénalise même les immigrés. » Il a ajouté que cette politique
serait conduite avec « fermeté et humanité » et « beaucoup de
pragmatisme ».
Hortefeux a déclaré qu’il y avait entre 200 000 et 400 000
sans-papiers en France et a promis d’appliquer à la lettre la politique d’expulsions.
Il compte sur l’expulsion de 25 000 sans-papiers cette année.
La Cour européenne des droits de l’Homme a déclaré le 26 avril 2007, dans l’affaire Gebremedhin c. France, qu’il y avait eu violation par les autorités françaises de l’Article 13 (droit à un recours effectif) et 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) de la Convention européenne des droits de l’Homme. La Cour a donc accordé au requérant 8 300 euros et 60 centimes pour frais et dépens.
Asebeha Gebremedhin, 28 ans, reporter-photographe érythréen
arriva à l’aéroport Charles de Gaulle à Paris le 29 juin 2005 et fit une
demande d’asile. Il fut placé « en zone d’attente ». Sa demande
de statut de réfugié auprès de l’OFPRA (Office français de protection des
réfugiés et apatrides) fut rejetée au motif qu’« il existait des
incohérences dans les propos du requérant ». Le ministre de
l’Intérieur rejeta sa demande et donna l’ordre de l’expulser
« en Erythrée ou le cas échéant vers tout pays où il sera légalement
admissible ». Un recours intenté contre ce jugement fut rejeté.
En conséquence, avec le soutien de l’ANAFE (Association
nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers), il fit appel à
la Cour européenne des droits de l’Homme. Du fait de cette intervention,
les autorités françaises lui délivrèrent un permis de séjour temporaire le 20
juillet 2005.
Le juge de la Cour européenne des droits de l’Homme a ainsi formulé son verdict, « Compte tenu de l'importance que la Cour attache à l'article 3 de la Convention et de la nature irréversible du dommage susceptible d'être causé en cas de réalisation du risque de torture ou de mauvais traitements, l'article 13 exige que l'intéressé ait accès à un recours de plein droit suspensif. N'ayant pas eu accès en "zone d'attente" à un recours de plein droit suspensif, le requérant n'a pas disposé d'un "recours effectif" pour faire valoir son grief tiré de l'article 3. »
Le gouvernement de l’ancien président Jacques Chirac
avait modifié la procédure du droit d’asile de l’OFPRA dans le but
de réduire le délai du traitement de chaque affaire. Cette durée moyenne était
passée de 256 jours en 2003 à 108 jours en 2005.
Amnesty international France s’était plaint de ce que le
délai de procédure était trop court et qu’il ne donnait pas assez de
temps aux demandeurs d’asile pour produire la preuve de
l’authenticité de leur déclaration. Les autorités examinent à présent les
dossiers en l’espace de 15 jours et non plus de près de trois mois comme
c’était le cas avant. Les demandeurs d’asile n’auront aucun
droit à des aides financières ni à des soins médicaux si leur cas était rejeté.
De telles procédures draconiennes permettent au gouvernement UMP
(Union pour un mouvement populaire) de hâter l’expulsion des sans-papiers
et d’atteindre son objectif de 25 000 expulsions. Nombreux sont ceux
qui sont renvoyés dans leur pays alors même que leur vie est sérieusement
menacée. De nombreux demandeurs d’asile ont été emprisonnés dès leur
retour au pays et plusieurs ont perdu la vie.
L’un d’entre eux était Elanchelval Rajendram. Il
était venu en France en 2002, fuyant les persécutions au Sri Lanka.
L’OFPRA avait rejeté sa demande de statut de réfugié au début de 2003. Il
vivait en France sans papiers jusqu’à ce que la police l’arrête en
2005 et le renvoie au Sri Lanka. Il fut assassiné par l’armée sri lankaise
à son domicile le 28 février 2007.
La procédure pour obtenir le droit d’asile dépend du
ministère de l’Intérieur, qui prend la décision finale pour admettre ou
rejeter quelqu’un. Au moment de la reconduite de Rajendram, Sarkozy était
ministre de l’Intérieur. Il porte donc une part de responsabilité dans la
mort de ce dernier.
Le rapport annuel de 2007 d’Amnesty international fait
remarquer, « Les pratiques condamnables de nombreux Etats membres de
l'Union européenne dans le domaine de la lutte contre l'immigration irrégulière
continuent également à constituer un motif de préoccupation. On constate, là
aussi, une tendance à la dénégation, et la réponse aux critiques a été
décevante. »
Le rapport ajoute, « En l'absence de solutions durables
et pérennes, alors que le discours de la peur tient une place prépondérante
dans les programmes politiques, l'Europe a été le théâtre de manifestations
troublantes de racisme et de discrimination. Le climat actuel encourage le
rejet des étrangers ainsi que les soupçons envers les musulmans et les membres
d'autres confessions. »
Lors de la rencontre au sommet qui s’était tenue en juin
2002, les dirigeants des 15 pays de l’Union européenne avaient décidé de
prendre des mesures draconiennes pour limiter davantage encore le flux
d’immigrés entrant en Europe.
L’UMP de Sarkozy est bien partie pour gagner les
élections législatives, du fait de l’effondrement de la gauche officielle
et de sa propre démagogie populiste qui lui fait promettre tout à tout le
monde. Sarkozy cherche à attiser les préjugés anti-immigrés afin de détourner
l’attention de la crise sociale et du bilan du gouvernement, ainsi que de
sa proposition d’une politique libérale, anti-Etat providence et
répressive. Le Parti socialiste n’a pas de différences fondamentales avec
Sarkozy sur ces questions, bien qu’il ait des désaccords quant à la
manière d’appliquer ces mesures. La masse de la population française
s’est régulièrement opposée aux attaques sur ses droits et acquis
sociaux, mais elle a été politiquement privée de son droit de représentation.
Les mesures brutales dirigées aujourd’hui contre les
réfugiés, les demandeurs d’asile et les communautés immigrées sont une
indication des attaques à venir sur les droits démocratiques et sociaux prévues
par le gouvernement et que Sarkozy, Fillon et l’UMP sont déterminés à
mettre en application aussi rapidement que possible.