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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Sarkozy prépare une loi pour briser la grève dans les transports publics

Par Alex Lantier
14 juillet 2007

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Le gouvernement nouvellement élu du président Nicolas Sarkozy examine en ce moment une loi pour instaurer un « service minimum » garanti dans les transports publics. Cette mesure que les milieux dirigeants avaient planifiée depuis des années, a à présent été transmise aux organisations patronales et aux syndicats pour consultation. Approuvé en conseil des ministres le 4 juillet, elle sera remise au Sénat pour y être débattue le 12 juillet.

Durant ces discussions, les dispositions de la loi sont gardées secrètes par les ministres concernés, les branches industrielles et les dirigeants syndicaux. Toutefois, certains passages ont été publiés dans les journaux de grandes entreprises. D’ores et déjà il est clair que la loi représente une attaque majeure contre le droit de grève, visant à réprimer les travailleurs des différents modes de transport qui furent historiquement l’une des sections les plus militantes de la classe ouvrière française, en lançant d’importantes actions de grève à la fin des années 1980 et en 1995 ainsi qu’en participant aux grèves de 2003 qui avaient rassemblé un million de personnes contre la réforme des retraites et aux manifestations de 2006 contre le « Contrat de première embauche » (CPE).

La première partie de la loi prescrit une période minimale de négociation avant de pouvoir déclencher une grève, un projet qui aurait été façonné d’après le dispositif de « l’alarme sociale » mis en vigueur par la RATP (Régie Autonome des Transports Parisiens) dans les transports parisiens. Il s’appliquerait à la RATP, au réseau ferroviaire national de la SNCF (Société nationale des Chemins de Fer français) et à tous les réseaux de bus, de métros, de trains et de tramways.

La deuxième partie oblige les entreprises de transport à prévoir un « plan de service minimum » en cas de grève ou de « perturbation prévisible ». La loi n’aurait pas défini un « service minimum » ou une « perturbation prévisible » et laisse à chaque autorité organisatrice de transports le soin de décider du niveau de service à maintenir. Cependant, elle permet de réquisitionner des travailleurs non grévistes durant de telles « perturbations » afin d’atteindre les objectifs prévus par les entreprises locales de transport.

La loi contraint les travailleurs à « déclarer individuellement » deux jours avant le début de la grève s’ils entendent y participer et stipule que les employeurs usant de leur pouvoir discrétionnaire peuvent organiser un scrutin à bulletin secret au bout de huit jours de grève. L’amende prévue pour les grévistes individuels qui poursuivent la grève après un vote négatif ou qui manquent d’aviser leurs employeurs de la grève n’a pas encore été rendue publique.

Une troisième et dernière partie menace les autorités organisatrices de transports de sanctions financières, l’obligation de rembourser les passagers au cas où le niveau de service garanti durant une grève n’aurait pas été atteint. Les avantages pour les passagers ne sont pas clairs vu que les organisations de transports auront elles-mêmes fixé le niveau des objectifs à atteindre, mais ceci sera certainement employé comme excuse pour forcer les grévistes à retourner au travail.

Les affirmations des porte-parole disant que de tels projets ne violent pas le droit de grève qui est un droit constitutionnel des travailleurs sont archi fausses. L’instauration d’un service minimum garanti signifie s’engager à ce qu’à un certain moment donné un minimum de travailleurs ne fassent pas grève. Les dispositions individuelles de la loi restreignent également la possibilité pour les travailleurs de déclencher des grèves efficaces et violent leurs droits fondamentaux.

L’obligation de négocier durant la période de préavis de grève, présentée dans la presse comme un geste contribuant à créer une harmonie sociale, est en fait une démarche, comme le prouve l’expérience historique, qui vise à réduire et à supprimer les mouvements de grève. L’expérience du « dispositif d’alarme sociale » de la RATP, mis en place peu de temps après la grève de 1995, donne une idée du traitement qui sera réservé aux travailleurs du transport si la loi est votée. Il existe un délai minimum de onze jours entre le premier avis à la direction d’un éventuel conflit et le début de la grève autorisée ; la direction refuse de reconnaître les grèves non autorisées même si une majorité de travailleurs l’ont soutenue et punit les grévistes en retenant des semaines ou des mois sur leur salaire, en leur refusant les certifications d’examen et de promotion et en annulant les vacances. Il est fait état que les grévistes participant aux grèves sauvages seraient menacés de renvoi.

Le quotidien conservateur, Le Figaro remarquait que « cette procédure [de la RATP] a entraîné une baisse sensible du nombre de conflits : 90 pour cent des litiges sont résolus par le dialogue. »

La loi s’associe ouvertement et de façon provocante au patronat contre la classe ouvrière de par ses dispositions antidémocratiques à l’encontre de grèves qui ont cours. Les travailleurs seront obligés d’opter eux-mêmes de figurer sur la liste noire en disant à leurs employeurs qu’ils sont disposés à faire grève, mais les employeurs ne sont nullement obligés de faire part aux salariés de réduction de salaire, de décisions de reporter des investissements dans un nouvel équipement ou de toute autre décision qu’ils pourraient prendre. La décision de procéder à un scrutin à bulletin secret au lieu d’un vote à main levée pour poursuivre la grève vise à briser la solidarité des grévistes et à permettre la fraude au scrutin.

La loi stipule que les jours de grève ne seront pas payés, en dépit du fait qu’il est d’ores et déjà d’usage de ne pas payer les grévistes. Cette partie de la loi ne peut avoir d’autre but que de faire croire que les travailleurs du transport sont payés les jours de grève, en instiguant des éléments politiquement confus contre les travailleurs.

La réponse des syndicats prouve qu’ils n’ont aucunement l’intention d’organiser une lutte politique sérieuse contre cette loi. Jusque-là, aucun d’entre eux, même pas le syndicat du personnel des transports, appelle à débrayer contre la loi.

La Confédération générale du Travail (CGT, le syndicat dominé par les staliniens) a publié un communiqué critiquant les termes de la loi en disant, « Ce que nous voulons, c’est éviter les conflits, négocier sur les causes, reconquérir un véritable service public solidaire. » Ceci ne correspond pas à la situation où l’Etat attaque et détruit le droit de grève des travailleurs, tout en sous finançant, comme le fait remarquer le communiqué de la CGT, les réseaux de transport, entraînant ainsi des pannes et des blocages.

D’autres syndicats adoptent une attitude identique. François Chérèque, le secrétaire général de la Confédération française démocratique du Travail (CFDT) a accordé plusieurs interviews de presse pour critiquer les dispositions les plus provocatrices de la loi. Cependant, comme le signale son site web, la CFDT avait à l’origine proposé le plan « d’alarme sociale » de la RATP de 1996, et sur lequel est basée en grande partie la présente loi.

L’élection de Sarkozy a donné un nouvel espoir à l’élite française de régler ses comptes avec la classe ouvrière. Dans son éditorial relatif à a victoire de ce dernier, le quotidien de centre gauche, Le Monde écrivait, «  La rupture. Le mot a été édulcoré puis abandonné durant la campagne électorale pour cacher ce qu’il implique de brutalité, pour rassurer. Mais il s’agit pourtant bien de cela : la France s’apprête à rompre avec vingt ans d’immobilisme et d’erreur qui l’ont conduite dans la spirale d’un déclin relatif. » Nicolas Baverez, un commentateur partisan du libre marché proche de Sarkozy, le disait on ne peut plus clairement dans un article paru dans la Revue des Deux Mondes : « L’élection de 2007 est la dernière occasion, la dernière chance, de moderniser notre pays sans guerre civile. »

En raison de la crise croissante du capitalisme mondial, la bourgeoisie française se sent inexorablement poussée sur la voie du militarisme à l’extérieur et des coupes sociales à l’intérieur du pays. Ce fait fut clairement exprimé dans le discours de politique générale que François Fillon a prononcé devant l’Assemblée nationale : « Pendant des siècles, la France, avec quelques rares autres nations, a ‘dominé’ politiquement et économiquement le monde. Cette puissance sans égale nous a permis de bâtir une civilisation riche et prospère. Désormais, le monde se réveille et prend sa revanche sur l’histoire. Des continents entiers sont en quête de progrès […] Cette nouvelle donne historique, à la fois angoissante et passionnante, exigeait et exige plus que jamais de la France un sursaut qui n’a que trop tardé. »

Confrontée à une concurrence intense et féroce de la part d’une multitude de rivaux, en Asie, aux Etats-Unis et sur le continent européen aussi, l’élite française ne voit d’autre solution que celle d’un assaut impitoyable contre le niveau de vie et les droits démocratiques des travailleurs.

La perception que l’objectif principal de Sarkozy est énormément impopulaire sous-tend un mélange toxique d’enthousiasme et d’avidité de sang qui règne au sein de la bourgeoisie française à savoir d’effectuer en France les changements qui eurent lieu aux Etats-Unis sous Reagan et Thatcher dans les années 1980. Ce que la bourgeoisie considère être les « vingt années d’immobilisme » a été pour la classe ouvrière, deux décennies de luttes pour le maintien de sa position sociale. Les gouvernements d’avant Sarkozy, ceux de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin, ont tous deux chuté dans les sondages lorsque le vrai caractère de leur programme social fut compris.

Tandis que Sarkozy agit avec plus de détermination que ces prédécesseurs, sa base sociale n’en ai pas plus large. Ceci fut mis en évidence dernièrement lorsque ses projets régressifs d’augmenter la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) une fois connus se manifestèrent au second tour des élections législatives de 2007 au travers d’un résultat bien plus faible pour le parti de Sarkozy. C’est précisément pour dissimuler son programme social et pour tromper les gens que Sarkozy a inclus des ministres de « gauche » dans son gouvernement, tel le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, autrefois au Parti socialiste, et qui s’applique à présent à négocier une loi avec les dirigeants syndicaux pour briser les grèves.

(Article original anglais paru le 7 juillet 2007)


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