Après sept semaines de grève et d’occupation de l’usine, les
travailleurs de Volkswagen ont repris le travail à l’usine de Forest à
Bruxelles. Le référendum qui s’est tenu le 5 janvier n’ayant pas remporté la
majorité des deux tiers requise pour une poursuite de la grève.
Un total de 54,6 pour cent des ouvriers et 78,65 pour cent des
employés de l’usine ont voté pour la fin de la grève et pour la reprise du
travail. Ceux d’entre les salariés qui avaient déjà accepté de prendre les
primes de licenciement furent exclus du référendum.
Le résultat n’est pas une surprise. La grève et l’occupation
de l’usine de Forest qui avaient débuté le 17 novembre 2006, et qui avaient
bénéficié d’un vaste soutien de la population, avaient systématiquement été
isolées par les syndicats et le conseil d’entreprise tant en Allemagne qu’en
Belgique.
Le 7 décembre, une réunion du comité d’entreprise européen,
sous la présidence de Bernd Osterloh, s’était expressément exprimée contre une
extension de la grève en Belgique à d’autres usines Volkswagen en Europe. Tout
au long de la grève, les syndicats allemands, sous la direction du syndicat
allemand IG Metall, ont refusé d’organiser la moindre mesure de solidarité
efficace et substantielle dans les six sites VW en Allemagne en vue de soutenir
les travailleurs belges.
Vendredi matin, juste avant que le vote ait lieu le 5 janvier,
les conseils d’entreprise belges ont demandé à ce que les trois syndicats
représentant les salariés de l’usine de Forest soutiennent l’accord élaboré
entre la direction du groupe et la direction syndicale et qui visait à mettre
fin à la grève. Une réunion du conseil d’entreprise ayant eu lieu la veille
avant le vote des travailleurs avait été presque exclusivement consacrée à des
détails techniques et organisationnels au sujet de la reprise du travail, dans
le but de minimiser les problèmes liés au redémarrage de la production.
Le fait que le vote s’était tenu le vendredi 5 janvier et que
les résultats n’étaient nullement déterminés d’avance n’a pas empêché la
direction de l’usine d’envoyer une lettre à chaque salarié pour leur demander
de se présenter ponctuellement à leur travail lundi matin. Le conseil
d’entreprise s’est bien gardé d’émettre la moindre protestation contre cet acte
d’intimidation de la part de la direction.
Le vote en soi établissait un lien entre la fin de la grève et
l’accord conclu sur les primes de départ et le montant des préretraites destiné
aux collègues qui ont déjà manifesté leur intention de quitter l’usine. Dans
ces conditions, le fait que 46 pour cent du personnel se soit opposé à l’accord
témoigne de l’existence d’une vaste opposition et d’un manque de confiance dans
le conseil d’entreprise de l’usine et dans les syndicats.
La veille du vote, il y a eu des troubles à l’entrée de
l’usine où une centaine de travailleurs assuraient encore le piquet de grève.
Lorsqu’un groupe de journalistes et de représentants des médias sont arrivés
pour faire leur reportage et filmer la fin de l’occupation, certains
travailleurs, furieux contre la trahison des syndicats, les ont chassé en
déclarant ne pas vouloir de la présence de « voyeurs ».
Des policiers, déployés en permanence dans les parages, sont
arrivés rapidement sur les lieux avant que la situation ne s’intensifie.
Un climat de mécontentement règne à présent à l’usine. Seules
deux équipes d’ouvriers assurent la production du modèle Golf au lieu de quatre
auparavant. L’équipe de nuit et celle des week-ends ont été abandonnées,
résultant en une perte de primes et une baisse de salaire pour les ouvriers
restants.
L’accord conclu à Forest signifie la destruction d’au moins
3.200 emplois. Le personnel de l’usine VW à Bruxelles sera réduit et passera de
5.400 à 2.200 salariés.
La direction de Volkswagen a obtenu gain de cause quant à sa
principale exigence, le transfert dans les prochains mois du modèle de la Golf
de l’usine de Bruxelles vers ses principales usines à Wolfsburg et à Mosel en
Saxe (Est de l’Allemagne).
Le précédent niveau de production de 200.000 véhicules sera
réduit à 12.500 voitures du modèle de la Golf et 46.000 de la Polo au cours des
deux prochaines années. Bien que les dirigeants syndicaux aient laissé entendre
que la production d’une voiture supplémentaire, l’Audi A3, pourrait démarrer à
l’usine, le journal Le Soir rapporte qu’aucune mesure allant dans ce
sens n’avait été prise à l’usine.
Les pertes massives d’emplois à l’usine Volkswagen de
Bruxelles ont des répercussions chez de nombreux sous-traitants et fournisseurs
de la région qui vont également licencier des milliers de travailleurs. Parmi
les entreprises belges qui prévoient des licenciements suite à l’accord conclu
à Forest se trouvent, Johnson Controls, Arvin Meritor, Faurecia, Decoma, Alcoa,
ISS et Schedle.
La région de Bruxelles a déjà subi d’importantes pertes
d’emplois dans l’industrie automobile au cours de ces quelques dernières années
avec la fermeture de l’usine Renault à Vilvoorde et les licenciements chez General
Motors à Anvers et chez Ford à l’usine de Gand.
L’augmentation prévue de la production du modèle de la Polo à
Bruxelles de 10.000 à 45.000 unités menace directement d’autres sites de
Volkswagen qui produisent la Polo. Des emplois sont, en premier lieu, menacés
aux usines de Pampelune et de Martorell en Espagne et/ou à l’usine VW de
Bratislava (Slovaquie). L’accord conclu en Belgique représente une nouvelle
étape dans la course à la productivité et les usines sont systématiquement
montées les unes contre les autres.
Contrairement aux affirmations faites par le conseil
d’entreprise et les syndicats, l’existence du site belge de Volkswagen n’est
nullement garantie. Le contraire serait plutôt le cas.
La promesse de commencer la production du nouveau modèle de
l’Audi A1 à Bruxelles est tributaire d’une augmentation des heures de travail
sans majoration salariale. Durant cette période, d’autres usines VW seront
confrontées à la fermeture, si ce n’est pas Forest à Bruxelles, ce sera
Pampelune ou bien une autre. Les attaques menées contre le personnel de VW à
Bruxelles ne sont que le prélude à d’autres mesures de rationalisation et de
réduction des activités chez Volkswagen à travers l’Europe.
Le conseil d’entreprise belge a acclamé les montants élevés
des indemnités et des primes de départ. Les travailleurs qui ont accepté de
partir volontairement avaient reçu la promesse que des sommes leur seraient
versés en fonction de leur ancienneté, sommes allant de 25.000 à 144.000 euros.
De plus, quelque 900 travailleurs de plus de 50 ans auront le droit de partir
en préretraite.
L’empressement du groupe d’accepter le versement de telles
sommes montre clairement sa détermination à terminer la grève et l’occupation
de l’usine à Bruxelles de manière à minimiser les pertes de production,
objectif que le groupe poursuit en étroite collaboration avec les
syndicats.
Le président de Volkswagen, Ferdinand Piëch, est un
milliardaire autrichien et le petit-fils de Ferdinand Porsche qui construisit
pour le compte d’Adolf Hitler le modèle Volkswagen qui devint la coccinelle.
En tant que directeur d’un grand groupe, Piëch bénéficie d’une
vaste expérience dans le dialogue avec les syndicats. Peu de temps avant
d’entreprendre un remaniement considérable de l’ensemble du groupe, Piëch a
libéré quelques millions d’euros dans le but de s’assurer le soutien des
conseils d’entreprise allemands pour étouffer toute résistance de la part des
travailleurs à ses projets.
La veille du vote concernant l’accord conclu entre la
direction et les syndicats, le comité de rédaction du World Socialist Web
Site avait publié un appel à l’adresse des travailleurs belges de
Volkswagen leur demandant de voter « non » en déclarant :
« Le rejet de l’entente qui a été négociée doit devenir le point de départ
d’une lutte contre le chantage systématique des travailleurs de Volkswagen par
les conseils d’entreprise et les représentants syndicaux et pour une défense de
principe de tous emplois en tous lieux. »
La déclaration poursuivait en disant : « Cela exige
une rupture politique avec les conceptions de “partenariat social” et de
“cogestion”. Il est nécessaire plutôt de développer une toute nouvelle
perspective qui découle du caractère international de la production moderne et
de l’intérêt commun des travailleurs à travers le monde. Une telle perspective
exige une transformation socialiste de la société, qui place les intérêts
sociaux au-dessus des priorités et profits de la grande entreprise et des
banques. »