Au cours d’une réunion au petit déjeuner dimanche passé
avec les soldats de la 10e division des montagnes de l’armée américaine, la
sénatrice démocrate de l’Etat de New York, Hillary Clinton, a déclaré à ceux-ci
que malgré les différences aiguës dans le débat sur la politique de guerre de l’administration
Bush, les démocrates et les républicains partageaient les mêmes buts.
« J’espère que vous comprenez du débat à Washington que
peu importe nos différences sur les moyens, nous sommes tous en accord sur la
fin », a-t-elle dit aux soldats de la base militaire de Kaboul.
Il serait difficile de caractériser plus exactement la
nature des différences entre la nouvelle direction démocrate au Congrès et la Maison-Blanche
de Bush. Tout en critiquant les plans de Bush pour l’intensification de nombre
des soldats en Irak, la sénatrice new-yorkaise a déclaré qu’elle était en
accord pour une « poussée » en Afghanistan.
« J’espère que nous discuterons de soldats
additionnels en Afghanistan, a-t-elle dit. Nous avons de plus en plus souvent des
rapports troublants provenant de l’Afghanistan. »
Clinton, considérée comme étant en avance dans la course
pour la candidature présidentielle des démocrates dans les élections de 2008, a
donné cette remarque durant une tournée de quatre jours dans trois pays où les
Américains sont au front. La sénatrice de New York a eu des exposés privés de
commandants militaires américains, a participé dans des séances de phots avec
les soldats et a été reçue par les hauts responsables des régimes marionnettes américains
en Irak et en Afghanistan — Nouri al-Maliki et Hamid Karzaï — ainsi que par le
dirigeant militaire du Pakistan, le général Pervez Musharraf.
Clinton était accompagnée du sénateur démocrate de l’Indiana,
Evan Bayh, qui, tout comme elle, a voté pour la guerre en Irak et continue à la
soutenir, ainsi que par le congressiste John McHugh, un républicain de New
York.
Que signifie la déclaration de Clinton qu’elle et ses
collègues démocrates sont en désaccord avec l’administration Bush seulement sur
les « moyens » qu’il emploie pour mener ses guerres et qu’ils sont en
accord complet avec la « fin ? »
La première question est la suivante : quelles sont
les fins recherchées par ces guerres ? L’Autorisation pour l’utilisation
d’une force militaire contre l’Irak, appuyée par Clinton et Bayh en octobre
2002, affirmait que l’Irak « possédait un armement chimique et biologique
au potentiel significatif », « tentait activement d’obtenir des armes
nucléaires » et « supportait et hébergeait des organisations
terroristes ». D’après ces « faits », la résolution soutenait
qu’une guerre américaine « préventive » pour défendre la
« sécurité nationale » était justifiée.
Pendant les cinq années qui ont suivi le vote et
l’implémentation de cette résolution, toutes les affirmations de celle-ci se
sont avérées être des mensonges. Toutefois, Clinton continue de nier que
l’administration Bush a sciemment créé de toutes pièces de faux
« renseignements » pour justifier une guerre non provoquée. Dans une
entrevue avec Jeffrey Goldberg publiée dans le magazine New Yorker du 15
janvier, on lui a demandé si elle pensait qu’on lui avait menti. Sa
réponse : « Je dois vous dire, je pense qu’ils croyaient, tout comme
je croyais, qu’il restait au moins encore des armes de destruction
massive... »
Cette assertion absurde vise à masquer le complot criminel
auquel elle a participé afin de terroriser le peuple américain et justifier une
guerre d’agression.
Les mensonges à propos de la nécessité de renverser Saddam
Hussein afin d’empêcher des attaques nucléaires, biologiques ou chimiques imminentes
sur des villes américaines ne constituaient pas la « fin » recherchée
par la guerre, mais un « moyen » de la faire accepter au peuple
américain et de lui masquer les véritables fins sur lesquelles Clinton et Bush
s’accordaient.
Clinton a laissé poindre les véritables objectifs de la
guerre lors d’une déclaration faite durant son voyage. « Nous devons nous
engager dans une nouvelle voie et mettre fin à l’échec de la politique
actuelle », a-t-elle déclaré. « J’insiste toujours sur une stratégie
visant à faire pression sur le gouvernement irakien pour résoudre la crise
politique en procédant au redéploiement graduel de troupes américaines, en
établissant un trust pétrolier irakien pour sortir de l’impasse à propos du
pétrole, et en menant une stratégie diplomatique agressive... »
En réalité, ses paroles abordant la question de
« l’impasse à propos du pétrole » pointent vers la véritable
« fin » de la guerre en Irak, dans laquelle des centaines de milliers
de personnes ont été massacrées et une société entière complètement détruite.
L’adoption de la guerre d’agression en tant que politique
du gouvernement et l’utilisation de la puissance militaire des Etats-Unis pour
s’emparer de ressources pétrolières et protéger son hégémonie mondiale est le
consensus politique de l’élite dirigeante américaine, défendue par ses deux
principaux partis.
Cette politique a été implantée en Afghanistan, avec l’objectif d’imposer la
domination américaine dans la région de l’Asie centrale riche en énergie, aussi
bien qu’en Irak, qui possède la deuxième plus importante réserve connue de
pétrole au monde.
Les moyens utilisés découlent nécessairement des objectifs coloniaux de
cette politique. Comment une puissance impérialiste peut-elle subjuguer une nation
et s’emparer de ses ressources naturelles ? Les moyens impliquent
inévitablement la violence, la terreur et l’instigation de conflit sectaire
dans une stratégie de division pour mieux régner et diriger le pays visé, aussi
bien que la suppression de l’opposition intérieure à une guerre de pillage par
l’adoption de mesure propre à un Etat policier.
Donc le « débat » entre démocrates comme Clinton et la Maison-Blanche
de Bush porte sur des questions telles que « la poussée » doit elle
se faire en Irak ou en Afghanistan. Cela tourne autour des questions à savoir
si plus de troupes américaines devraient être envoyées à Bagdad pour terroriser
et occuper ses banlieues ou être « redéployées » dans des bases
stratégiques pour être utilisées comme « force de déploiement rapide »,
supprimer la résistance à l’occupation américaine avec des bombardements
intensifs et des frappes éclairs en appui à des forces militaires fantoches.
Tous les discours, des démocrates et des républicains, selon lesquels « la
défaite n’est pas une option » en Irak signifient que ces crimes vont se
poursuivre. Les critiques soulevées par les démocrates contre l’escalade de
Bush face à l’opposition populaire massive à la guerre est inévitablement sans
conséquence, étant donné, comme la sénatrice Clinton l’a reconnu, qu’ils sont
tous « en accord sur la fin » de cette aventure militaire. Bush,
Cheney et compagnie répondent simplement : « Si vous acceptez les
fins recherchées, quels moyens proposez-vous pour l’atteindre ? »
Un objectif criminel – la conquête coloniale et la saisie des ressources
stratégiques – ne peut être atteint qu’avec des moyens criminels. Cette
caractéristique essentielle de la guerre impérialiste a été prouvée par les
atrocités comme celles d’Abou Ghraib et Haditha, dans la boucherie d’un nombre
estimé de 650 000 êtres humains depuis le début de la guerre et la
continuation de cette spirale de la mort et de la destruction.
Une opposition sincère à la guerre en Irak et en Afghanistan peut être
construite uniquement en rejetant les « fins » partagées par Clinton
et Bush et la reconnaissance que l’échec de ce projet impérialiste est la seule
option qui peut mener à la fin de ce bain de sang et avancer les intérêts de la
classe ouvrière en Irak, en Afghanistan et aux Etats-Unis mêmes. La seule
demande qui exprime les intérêts du peuple afghan et irakien et ceux de la
classe ouvrière internationale est la demande pour un retrait immédiat et
inconditionnel de toutes les troupes américaines et alliées et la mise en
accusation pour crime de guerre de tous ceux qui ont conspiré pour lancer la
guerre.
(Article original anglais paru le 16 janvier 2007)