Les syndicats de cheminots sont en train de manoeuvrer avec
acharnement pour trouver un accord avec le président Nicolas Sarkozy afin
d’éviter une nouvelle grève semblable à celle qui avait paralysé le pays
pendant 10 jours en novembre dernier.
Les syndicats sont, depuis trois semaines, engagés dans des
négociations tripartites avec la direction et le gouvernement. Leur décision du
21 novembre de mettre fin à la grève et d’entamer des négociations
branche par branche signifiait qu’ils abandonnaient la défense des
régimes spéciaux de retraite des cheminots et d’autres travailleurs du
secteur public et qu’ils « se contentaient de négocier le prix de
leur capitulation » comme l’avait alors fait remarquer le WSWS.
Cependant, comme la limite d’un mois fixée par le
gouvernement pour ces négociations est en train de toucher à sa fin, les
syndicats n’ont pas réussi à obtenir le prix qu’ils requièrent pour
parachever leur trahison. Il s’avère en effet que le gouvernement
n’a rien cédé.
Comme le faisait remarquer SUD-rail (Solidarité, unité,
démocratie) dans son bulletin d’information du 7 décembre sur les
négociations, « Rien, strictement rien, ne change par rapport à ce qui
était prévu [par le gouvernement] avant la grève. »
Après près de trois semaines de table ronde, les syndicats
n’ont été en mesure de rendre compte d’aucune concession de la part
du gouvernement. Une déclaration de la CGT (Confédération générale du travail)
sur les négociations tripartites à la SNCF (Société nationale de chemins de
fer) publiée le 8 décembre et indiquant les questions à régler, ne faisait même
pas mention de la revendication clé des agents des transports, à savoir le
retrait total de la réforme. On peut lire, « Pour autant, le gouvernement
doit encore avancer sur la mise en oeuvre d'un système de péréquation, la prise
en compte des années d'études dans la durée d'assurance, le financement des
dispositions issues des négociations . »
La CGT reconnaît que malgré quelques avancées financières pour
certaines catégories de travailleurs, « le compte n’y est pas…
sur le maintien et l’amélioration de notre régime spécial et ses droits ».
C’est dans ces conditions que la CGT avait décidé à
contrecoeur d’appeler à une journée de protestation. La nature
symbolique de cette mesure est soulignée par le fait qu’elle se
limitait strictement à une grève de 24 heures et que les agents de la RATP et
les cheminots feraient grève séparément, respectivement les 12 et 13 décembre.
De telles protestations ne changeront pas l’attitude du
gouvernement. Comme l’a dit clairement le premier ministre François
Fillon, « Ce n'est pas une grève de plus en décembre qui nous fera changer de
position : les décrets d'application posant les principes de la réforme
seront publiés au tout début de 2008. »
Le gouvernement a réagi à l’annonce de grèves d’un
jour en rallongeant la période de négociation du 12 au 18 décembre pour la RATP
(métro parisien) et du 18 décembre au mois de février pour la SNCF (cheminots.)
Et cela a suffi à la CGT pour qu’elle annule les grèves.
Ils ne veulent à aucun prix négocier sous la pression d’un mouvement de
grève en cours. Bien que, comme l’a fait remarquer le bulletin
d’information de SUD-rail, « Sans la pression directe des dizaines
de milliers de cheminot-e-s en grève, le gouvernement confirme la mise en
œuvre de sa contre-réforme. » Les bureaucrates craignent que les
grèves échappent à leur contrôle et se développent en un mouvement de masse
contre le gouvernement.
L’expérience des deux derniers mois a démontré que les
syndicats constituent l’obstacle majeur au développement et à
l’élargissement d’un mouvement de masse contre le régime de
Sarkozy. Et les organisations dites d’« extrême-gauche »LO
(Lutte ouvrière) et la LCR (Ligue communiste révolutionnaire), protègent ces bureaucraties
de la colère des travailleurs.
La première grève massive pour la défense des régimes spéciaux
de retraite a eu lieu le 18 octobre. Avec un taux de participation de 75 pour
cent à la SNCF, de plus de 60 pour cent à la RATP et de 40 pour cent à EDF et
GDF, électriciens et gaziers, ce fut une des plus grandes mobilisations de
l’histoire récente de la France.
Le jour suivant, des milliers de travailleurs des transports ont
reconduit la grève à l’appel de SUD-rail et FO (Force ouvrière). Des
assemblées générales ont voté la reconduction du mouvement de grève. La CGT a
fait tout son possible pour isoler les grévistes, appelant ses adhérents à
boycotter les assemblées générales et à briser la grève. A la RATP et à la SNCF
il y a eu des révoltes de membres de la CGT contre leur direction syndicale. La
grève n’a été stoppée que par la décision prise dans une intersyndicale
de cheminots de préparer une action de grande envergure pendant tout le mois de
novembre.
Ce qui est remarquable, c’est que Lutte ouvrière défend encore
le rôle qu’a joué la CGT à ce moment. Un article de son mensuel Lutte
de classe commente, « Bien que la position de Sud et de FO ait pu
passer pour plus radicale que celle de la CGT aux yeux des cheminots les plus
combatifs – c’était le but recherché –, la CGT
argumentait qu’il ne fallait pas que les cheminots restent isolés du reste
du monde ouvrier. L’argument n’était pas sans valeur. Continuer une
grève restant limitée aux seuls cheminots […] n’était pas la
meilleure stratégie de mobilisation. »
Le 31 octobre, les fédérations de cheminots se sont
rencontrées et secouées par l’ampleur de la révolte ont appelé à une
grève reconductible à partir du 13 novembre. Mais avant même le début de la
grève, le dirigeant de la CGT, Bernard Thibault, a proposé au gouvernement des
négociations branche par branche. Il abandonnait ainsi la revendication du
retrait des trois points essentiels de la réforme des retraites, à savoir
l’allongement de 37,5 à 40 années de travail pour avoir droit à une
retraite à taux plein, la décote en cas de retraite anticipée et
l’indexation des retraites non plus sur les salaires, mais sur les prix,
et, dans les faits, il sabotait la grève.
Les tactiques dilatoires des bureaucraties syndicales ont fait
que la grève a commencé avec un taux de participation moins important, 62 pour
cent pour progressivement diminuer à 27 pour cent. La grève a été lentement
mais sûrement épuisée jusqu’à ce que les syndicats parviennent à
l’arrêter et retournent à la table des négociations.
Les manoeuvres actuelles des syndicats sont tout à fait dans
la ligne du rôle traître qu’ils jouent en général. Il est impossible de
défendre le niveau de vie et les droits démocratiques et sociaux des
travailleurs si on ne rompt pas avec les bureaucraties syndicales.