Nous invitons nos supporteurs à imprimer la version pdf de cet article
et à le distribuer dans les manifestations et les institutions scolaires.
Les manifestations d’étudiants qui se sont déroulées
dans toute la France le 27 novembre contre la nouvelle loi relative aux libertés
et responsabilités des universités (LRU) reflétaient le déclin de la lutte
entamée il y a plusieurs semaines pour l’abrogation de la loi votée à
l’Assemblée nationale en août dernier.
Bien que 43 universités sur 86 aient été encore touchées par
les blocages et les grèves la semaine dernière, seuls 4000 étudiants et lycéens
ont défilé à Paris. Quelques milliers à Toulouse, Lyon, Lille, Nantes,
Marseille et Tours, ont aussi manifesté leur détermination à ce que cette loi
soit abrogée. Les cours dans quelque 200 lycées sont toujours perturbés et
certains lycées bloqués, dont 20 à Paris.
L’affaiblissement de la lutte des étudiants pour
défendre l’enseignement supérieur public découle directement de la
trahison, par les syndicats et les partis de gauche, de la lutte des cheminots
pour défendre leur retraite. Les cheminots se sont retrouvés sans véritable choix
que celui de reprendre le travail après que tous les syndicats aient entamé des
négociations avec les employeurs pour obtenir des « concessions » en
échange de l’allongement de 37,5 à 40 années de cotisation pour avoir
droit à une retraite à taux plein.
Les syndicats étudiants, l’UNEF (Union nationale des
étudiants de France) en tête, ont joué le même rôle dès le début en minant
l’unité des étudiants et leur détermination à faire abroger la loi LRU.
L’UNEF avait déjà abandonné l’opposition à la loi en juillet
lorsqu’elle avait reçu des « garanties » du président Nicolas
Sarkozy qu’il n’était pas envisagé de mettre en place un processus
de sélection pour les étudiants en master.
Depuis le début de l’année universitaire, l’UNEF
essaie de garder le contrôle sur les étudiants qui se mobilisent indépendamment
en assemblées générales (AG) sur les campus. Tandis que l’UNEF continuait
ses pourparlers avec le gouvernement pour obtenir davantage de moyens pour
l’enseignement supérieur, les AG d’étudiants élisaient des délégués
pour la Coordination nationale étudiante et refusaient toute négociation avec
le gouvernement pour amender la loi.
Après des discussions avec la ministre de l’Enseignement
supérieur Valérie Pécresse, le président de l’UNEF Bruno Julliard,
associé au Parti socialiste, a annoncé le 27 novembre « d’importantes
avancées » et a appelé les AG à « en tenir compte. » Il a dit
qu’il y avait de « des
garanties nouvelles et des garde-fous aux craintes des étudiants mobilisés ». Julliard a l’intention de faire accepter ceci dans les
AG cette semaine dans tout le pays. Deux jours plus tard, Julliard appelait à
« la levée des blocages
et à la suspension de la grève… en raison des avancées obtenues par les
étudiants ».
Ce déclin du mouvement est lié aux promesses faites par
Sarkozy d’investir dans les universités un milliard d’euros
supplémentaire par an pendant cinq ans et de vendre 3 pour cent des avoirs de
l’Etat à EDF pour améliorer le logement des étudiants.
La Coordination nationale étudiante se présente comme
l’opposant le plus combatif de la loi et a refusé aux représentants de
l’UNEF l’entrée dans ses réunions hebdomadaires parce que celle-ci
refusait d’appeler à l’abrogation de la loi.
Mais cette tactique, combinée au blocage des universités, a
servi à diviser les étudiants et à donner l’initiative à l’UNEF qui
se présente comme le défenseur de la démocratie. Les décisions des AG de
bloquer les universités à tout prix reflètent dans bien des cas l’opinion
d’une minorité d’étudiants. Une majorité a donc été forcée de
choisir entre « blocage » ou « non blocage » comme moyen de
combattre la loi LRU. Les présidents d’université soutenus par
l’UNEF ont saisi cette occasion pour organiser des votes à bulletins
« secrets » sur la question. De tels votes à bulletins « secrets »
sont néanmoins une imposture, car les votes électroniques révèlent des
informations personnelles, d’après la Commission nationale de
l’informatique et des libertés (Cnil.)
Les questions politiques essentielles concernant la manière de
mettre en échec le gouvernement et de convaincre et mobiliser contre la LRU les
étudiants indécis, n’ont pas été posées. Ce manque de perspective a
conduit le dirigeant de la FIDL (Fédération indépendante et démocratique
lycéenne) Tristan Rouquier à dénoncer « l’attitude de certains groupuscules
d’extrême gauche, qui après avoir saboté le mouvement étudiant, tentaient
de se rabattre sur une mobilisation lycéenne indépendante. »
Le refus de la Coordination nationale étudiante à engager une
lutte politique contre la capitulation de l’UNEF devant le gouvernement a
atteint un point critique le 25 novembre.
La quatrième réunion de la Coordination à Lille qui a
rassemblé 300 délégués a interdit l’entrée à quelques représentants de
l’UNEF n’ayant pas d’accréditation valable. Quelque 50
membres de l’UNEF ont alors quitté la réunion « en colère et
frustrés. » Une porte-parole a déclaré : « Le point de clivage est sur la
reconnaissance des syndicats étudiants représentatifs et sur le fait que ces
syndicats vont négocier avec le gouvernement pour obtenir de meilleures
conditions de vie étudiantes…
UNEF refuse de cautionner cette
ambiance très tendue et très violente à la fois vis-à-vis des délégations des
étudiants et de la presse. » (Le Monde, 26
novembre)
La résolution de la Coordination qui a été votée à Lille
révèle le manque de perspective politique pour faire avancer la lutte contre la
loi LRU. Les protestations combatives sans contenu politique de la Coordination
sont en grande partie influencées par SUD Etudiant, la LCR (Ligue communiste
révolutionnaire) et des groupes d’anarchistes.
SUD-Etudiant fait partie de la même fédération syndicale que SUD-Rail
qui a participé à la capitulation face à l’intransigeance gouvernementale
sur la question de la « réforme des régimes des retraites », de la
principale fédération syndicale, notamment de la Confédération générale du
Travail (CGT) et qui est dominée par le Parti communiste.
La résolution de la Coordination nationale étudiante ne fait
aucune référence ni aucune analyse de la trahison de la lutte des cheminots.
Mettant la réalité à l’envers, la résolution dit :
« Il est possible de
gagner, de faire reculer le gouvernement sur nos revendications…Sarkozy a
beau à dire qu’il ne reculera pas face à nous, lui et son gouvernement
ont été affaiblis par les grèves….Les cheminots en particulier ont montré
que lutter contre Sarkozy et sa politique était possible. » Une perspective similaire avait été
avancée par Olivier Besancenot de la LCR qui lui aussi prend ses rêves pour la
réalité. Selon l’AFP, « Je pense que le gouvernement fait de la gonflette et il est "tout
à fait envisageable" que le gouvernement fasse machine arrière. »
Toutefois, la reculade a été décidée par les dirigeants
syndicaux, dont ceux de SUD-Rail, isolant et affaiblissant de ce fait les
étudiants.
Avec le soutien de la LCR et des anarchistes, SUD-Etudiant est
en train de conduire la Coordination nationale étudiante dans la même direction.
La résolution poursuit : « Sans blocages votés dans des AG massives les étudiants ne disposent
pas véritablement du droit de se réunir. Face aux tentatives de reprendre les
cours par l’intermédiaire des référendums, nous réaffirmons la seule
légitimité des AG pour décider des suites du mouvement. »
La résolution lance un appel à « un réengagement massif de l’Etat dans le financements de
l’enseignement supérieur », ce même Etat qui est en
train de détruire tous les acquis sociaux.
Des protestations déterminées, qui ne sont pas liées à une perspective
politique socialiste, ont conduit la lutte étudiante dans une impasse. Les
grandes questions de perspective et d’histoire doivent être étudiées en
profondeur. La Coordination nationale étudiante n’a pas voulu ou
n’a pas été capable de lancer une lutte politique déclarée contre le
Parti socialiste et le Parti communiste et de démasquer leurs alliés dans les
syndicats étudiants, tel l’UNEF. Tel est le rôle du centrisme qui salue la
rhétorique radicale, mais qui à chaque tournant critique s’adapte aux
bureaucraties. La France a une longue histoire dans ce domaine.
L’argument selon lequel la politique et les tendances
politiques devraient être écartées du mouvement étudiant est un argument avancé
par la droite qui souhaite que les étudiants restent sous l’emprise de la
politique officielle, c'est-à-dire de la politique bourgeoise. Face à la
confusion et aux querelles des différentes tendances de gauche, il est possible
que des étudiants tout à fait sincères penchent aussi dans ce sens.
En fait, ceci serait un grand pas en arrière. Bien au
contraire, la politique et l’histoire des différentes tendances de gauche
qui sont à l’oeuvre dans le mouvement étudiant doivent être examinées,
étudiées et sérieusement débattues dans la quête d’une perspective et
d’un programme qui unissent les jeunes et toutes les sections de la
classe ouvrière dans le but de mettre en échec l’ensemble du programme de
Sarkozy qui est soutenu par la bourgeoisie française et européenne pour faire
de la France un paradis de spéculateurs.
Certains dirigeants qui ne veulent pas que leur propre
histoire et perspectives soient examinées de trop près, affirment qu’une
telle entreprise porte atteinte à l’unité. Toutefois, une unité fondée
sur le manque de principe et le manque de compréhension n’est nullement
une unité. Elle conduit, en fin de compte, au fractionnement, à
l’isolement et à l’affaiblissement.
Le même argument concernant « l’unité » à tout
prix avait été avancé durant la lutte contre le CPE (Contrat Première Embauche)
en avait eu pour résultat que le parti gouvernemental conservateur UMP s’était
maintenu au pouvoir, ouvrant la voie à Sarkozy. Si lerégime gaulliste
du président Sarkozy se maintient au pouvoir aujourd’hui, c’est entièrement
le fait du soutien des dirigeants syndicaux et de leurs alliés de
« gauche » ou de « l’extrême gauche ».
Il y a une vérité fondamentale et que la Coordination nationale
étudiante, SUD Etudiant et la LCR ne veulent pas admettre, c’est que
l’abrogation de la LRU signifie faire campagne pour le renversement du
gouvernement et la défaite de ses appuis dans les syndicats et la gauche
officielle. Défier et mettre en échec idéologiquement la bureaucratie de
l’UNEF (proche du Parti socialiste) signifie rompre politiquement
avec elle pour créer une alternative basée sur une perspective socialiste
révolutionnaire.
Le militantisme syndical et la rhétorique ainsi que les
actions les plus extrêmes ne peuvent pas remplacer la lutte pour la conscience socialiste
au sein de la classe ouvrière. Le rôle des étudiants ne peut pas se restreindre
à défendre les droits des étudiants : sans une lutte pour la mobilisation
de l’ensemble de la classe ouvrière, ce ne sera qu’une protestation
stérile.
La lutte pour un avenir meilleur sans guerre et sans
régression sociale signifie engager la lutte pour l’internationalisme
socialiste. Nous encourageons fortement les étudiants à adhérer à
l’Internationale étudiante pour l’Egalité sociale, l’aile
jeunesse du mouvement trotskyste mondial, le Comité international de la
Quatrième Internationale, et à participer à la construction de
l’alternative socialiste en France et en Europe.