Une fois encore, un gouvernement
travailliste désespéré et craignant l’effondrement électoral se lance
dans une campagne xénophobe contre les immigrants. Et encore une fois, les
quotidiens le Guardian et l’Observer, prétendus bastions de
l’opinion libérale, se sont fait les porte-parole de la propagande
gouvernementale et les apologistes des pires sentiments de droite.
Le 18 avril, le ministre de
l’Immigration Liam Byrne, a déclaré que l’immigration nuisait aux
pauvres de Grande-Bretagne et avait profondément nui au pays. En rendant
publique sa contribution à une brochure intitulée Repenser
l’immigration et l’intégration, publiée par le groupe
d’experts, Policy Network, il a annoncé que de nouvelles mesures
de contrôle de l’immigration seraient mises en oeuvre en Grande-Bretagne
l’an prochain.
Cette déclaration fut faite alors que le
Parti national britannique (BNP), un parti fasciste, organise une campagne
électorale majeure dans les élections du Parlement écossais et de l’Assemblée
galloise ainsi que dans les élections pour les conseils municipaux en
Angleterre même. Quelques jours avant la déclaration de Byrne, plusieurs
travailleurs avaient été horrifiés par l’exemple de sentiments racistes
répugnants qui sont attisés par l’élite et les médias, lorsqu’une Algérienne
demandant l’asile politique et son fils d’un an ont été assaillis
sexuellement dans une attaque motivée par le racisme. La femme de 33 ans a été
insultée, lapidée et frappée à coups de pieds par un groupe de jeunes hommes
alors qu’elle promenait son fils dans son landau à Glascow. Un des
assaillants s’est exhibé devant la femme et a sexuellement assailli la
femme et l’enfant.
Au cours de la même semaine, la publication
de données officielles établissant l’immigration nette en 2005 à
185 000 personnes, a été l’occasion pour David Conway, du groupe
d’experts de droite, Civitas, d’accuser le gouvernement Blair d’avoir
autorisé une « immigration de masse sans fin ». Selon Conway, le
gouvernement Blair abandonnait son objectif de limiter le nombre de nouveaux
travailleurs en provenance des pays de l’Europe de l’Est nouvellement
membres de l’Union européenne. La Grande-Bretagne perd son identité en
tant que nation et confronte la « désintégration politique », a-t-il
ajouté.
Il n’y pas loin des déclarations de
Byrne aux divagations de Conway, à part que le premier accepte les demandes de
l’industrie pour une immigration accrue, jugée vitale pour
l’économie. À l’exception des immigrants essentiels au marché du travail
britannique, toutefois, Byrne insiste que l’immigration doit être freinée.
Le fait qu’il présente ses arguments comme
le fruit de ses « préoccupations » pour les travailleurs rend les
affirmations de Byrne encore plus grotesques.
« L’immigration doit servir les
intérêts nationaux de la Grande-Bretagne, a-t-il déclaré. Un nouveau système de
pointage à l’australienne serait plus simple, plus clair et plus facile à
imposer », ce qui donnera au gouvernement « la meilleure façon de ne
laisser entrer au pays que les personnes qui ont quelque chose à offrir à la
Grande-Bretagne. »
Dans sa brochure, Byrne ajoute :
« Nous devons accepter que le laisser-faire en immigration augmente le
risque pour les communautés où des éléments de notre stratégie anti-pauvreté ont
de la difficulté à s’installer. »
L’augmentation brusque de
l’immigration dans les quartiers pauvres de la Grande-Bretagne nuit aux
tentatives du gouvernement d’améliorer la vie des gens d’origine
britannique, a-t-il dit, passant sous silence le fait que le gouvernement ait
adopté une politique délibérée consistant à diriger les demandeurs
d’asile vers ces mêmes quartiers pauvres pour diminuer les coûts et se
plier aux préjugés des ses supporteurs mieux nantis.
Un système basé sur le pointage avec cinq
catégories est la solution, a-t-il dit. Les travailleurs hautement qualifiés,
ceux de la première catégorie, seraient admis en Grande-Bretagne même
s’ils n’avaient pas une offre d’emploi ferme. Les
travailleurs spécialisés, comme les infirmières et les enseignants, ne seraient
admis que pour remplir les besoins et les travailleurs non spécialisés ne
seraient autorisés à immigrer que pour remplir des besoins précis et pendant
une durée fixe. De plus, Byrne est en faveur de mesures qui assureraient que
les immigrants assimilent la « culture britannique ».
Le Telegraph, associé de longue date
au Parti conservateur, a été favorablement impressionné par la conversion de
Byrne à ses positions. La chroniqueuse Alice Thomson a contacté Byrne en Chine
après qu’il ait, pour la première fois, présenté publiquement son point
de vue en Australie. Elle a noté « qu’il a ri lorsque j’ai
suggéré qu’il laissait loin derrière William Hague et Michael Howard [qui
furent chefs du Parti conservateur ] sur la question de l’immigration. La
personne qu’il cite le plus souvent maintenant est Sir Andrew Green du
Migrationwatch, le groupe d’experts autrefois honni par son parti. »
Byrne a averti Thomson que
l’immigration non contrôlée « nuira sérieusement à notre
pays ». Il a défendu une « attaque beaucoup plus dure envers
l’immigration illégale, car c’est cela qui fait diminuer les
salaires. Cela signifie arrêter les voyages illégaux en créant un point de
contrôle hors frontières. Cela signifie mettre fin aux emplois illégaux et cela
signifie l’introduction de cartes d’identité. »
Il a appelé à un nouvel examen de « la
façon dont les individus peuvent obtenir la citoyenneté » et affirmé qu’« il
est essentiel qu’ils s’intègrent ». Le Telegraph a noté
favorablement qu’il veut aussi créer un jour national pour célébrer ce
qu’il y a de mieux en Grande-Bretagne. « Tous devraient
s’asseoir une fois l’an et penser à la chance qu’ils ont
d’être Britanniques. »
Pour finir en beauté, Byrne a attaqué les
conservateurs de la droite, se plaignant : « La façon dont les tories
parlaient de l’immigration était grandement irresponsable, ils semaient
la peur. Mais maintenant, ils n’en parlent pratiquement plus. »
[Italiques par l’auteur de l’article]
Byrne n’est pas un franc-tireur. Le chancelier Gordon
Brown, possiblement le prochain chef du Parti travailliste, avait déclaré
qu’on devrait forcer les immigrants à faire des travaux communautaires
lors de leur intégration dans la société britannique. Et dans la même lignée
que Byrne, l’Observer rapporta que l’ancien ministre de
l’Intérieur David Blunkett avait déclaré que des logements sociaux
devaient être réservés pour les Britanniques afin « d’apaiser la
colère grandissante suscitée par la croyance que les immigrants et les mères
monoparentales seraient privilégiés pour l’obtention d’un
logement ».
En plus de rapporter sans la moindre critique les paroles
de Blunkett, l’Observer a vanté le soi-disant courage de Byrne. En
appelant à un « débat ouvert » sur l’immigration, il a insisté
sur le fait que « ceux qui pensent que la question de l’immigration
est importante ne sont pas tous des racistes. »
Ajoutant que « M. Byrne avait raison d’aborder
la question des effets sociaux de l’immigration », il a averti
qu’« il a tort, cependant, de répéter que la solution se trouve dans les
contrôles “rigoureux”... On doit contrer la peur de
l’immigration en visant ceux qui sont contraints d’entrer en
compétition avec les immigrants. Ce qui veut dire davantage de logements
abordables et plus de cours de formation. »
Le désaccord de l’Observer avec le message de
Byrne n’est qu’apparence. En compagnie du Guardian, il a
encouragé et défendu le tournant dans la politique d’immigration du Parti
travailliste. Cela a commencé dès février 2004, lorsque le Guardian a
publié un article de David Goodhart, le rédacteur en chef du magazine Prospect.
Goodhart, un soi-disant libéral, soutenait essentiellement
qu’ il était impossible, à cause de l’immigration, de maintenir un
État-providence car les gens ne sont prêts à partager des ressources
matérielles qu’avec ceux qui partagent une culture et des valeurs
communes. Il se plaignait de la nécessité de partager les services publics,
« des parts de notre revenu de l’État-providence » et même
« les espaces publics dans les villes où nous sommes entassés dans les autobus,
les trains et les métros » avec des « citoyens étrangers ». Il
se demandait alors s’il était encore possible de mettre de l’avant
des politiques sociales progressistes tout en s’opposant aux contrôles
rigoureux sur l’immigration.
Le Guardian a appelé à un débat national sur
l’article de Goodhart. La réaction ne s’est pas faite attendre de
la part d’une tendance à l’intérieur du Parti travailliste qui
s’est spécialisée dans les appels à des mesures plus drastiques pour
restreindre l’immigration, affirmant que là se trouve la clé pour
regagner les partisans ouvriers du Parti travailliste et combattre la montée du
PNB. Son plus fervent représentant est John Cruddas, député de Dagenham et
candidat à la vice-présidence du Parti travailliste. Ce dernier soutient que
l’appui au PNB peut s’expliquer par les plaintes des travailleurs
blancs motivées par l’immigration illégale et les fausses demandes
d’asile, ainsi que par des politiques sociales discriminatoires envers la
« classe ouvrière blanche ».
Ainsi, la menace du PNB est utilisée pour justifier
l’adoption de politiques sociales encore plus à droite par les
travaillistes. Les immigrants et les demandeurs d’asile deviennent les
boucs émissaires de toutes sortes de problèmes sociaux créés par
l’exacerbation des inégalités sociales, la destruction de mesures
sociales telles que le Service de santé national et le manque de logements
sociaux dont le Parti travailliste est responsable.
Le Guardian a demandé à Cruddas et Byrne
qu’ils exposent leurs perspectives sur les « dangers » de
l’immigration. Le 19 avril, sur le site web Comment Is Free du
journal, Cruddas écrivait : « Au cours des dernières années, de
nombreuses communautés ont connu des changements extraordinaires en raison
d’une immigration massive », entraînant des problèmes qui sont
« aggravés par le fait que les plus touchés par les rapides changements
démographiques sont les plus pauvres de notre société qui sont les moins bien
positionnés pour y faire face ».
Trois jours plus tard, Comment Is Free publiait un
article rédigé conjointement par Byrne et Jeroen Dijsselbloem, le porte-parole
du ministère de l’Intérieur du Parti travailliste hollandais. La Hollande
est l’un des pays européens dont les lois sur l’immigration sont
les plus sévères, y compris l’obligation pour les futurs immigrants de
passer un test linguistique de hollandais dans leur pays d’origine,
coûtant plus de 400 $US, et un « test » pour établir s’il
y accord avec la soi-disant culture « libérale » de la Hollande, qui
comprend le visionnement d’un film de deux heures comportant des scènes
d’homosexuels qui s’embrassent et de personnes qui se baignent
nues. Pas besoin d’être un génie pour comprendre qui seront exclus par le
test : les pauvres et les musulmans dévots.
On peut se faire une idée du message véhiculé par Byrne et
Dijsselbloem en considérant le fait qu’ils se sentent obligés de
déclarer : « Ceci n’est pas un programme de droite
enragé. »
« La gauche hollandaise a clairement fait savoir que
si nous souhaitons maintenir notre État-providence, nous allons devoir nous
débarrasser des parasites », insistent les deux auteurs.
La transformation politique du Parti travailliste en un
véhicule pour la grande entreprise — qui a tout d’un parti
néo-conservateur sauf le nom — est imitée par la marche forcée
d’une section de la petite bourgeoisie libérale vers la droite. Le Guardian
et l’Observer incarnent ce tournant vers la xénophobie et la
poursuite de l’enrichissement personnel. C’est un phénomène qui a
été soulevé par Stephen Glover, qui écrit dans Daily Mail, jadis le
bastion de tout ce à quoi l’intelligentsia libérale devait
s’opposer.
Vantant les mérites de Byrne en disant « Enfin,
un ministre qui ose parler honnêtement des effets de l’immigration
massive sur la Grande-Bretagne », Glover poursuit ainsi :
« Chose intéressante, la gauche semble plus motivée que la droite pour
s’attaquer à ces questions difficiles.
« Je ne pense pas seulement à monsieur Byrne. David
Goodhart, l’éditeur gauchisant de la revue, Prospect,
questionnait, il n’y a pas si longtemps, le consensus libéral selon
lequel une immigration illimitée était une bonne affaire, alors que la grand
prêtresse de la rectitude politique, Polly Toynbee, écrivait un commentaire
remarquable dans le journal le Guardian, suggérant que
l’Immigration de masse enrichissait les plus riches et appauvrissait les
plus pauvres. Même la BBC diffuse de plus en plus volontairement sur le
sujet, si on en juge par son traitement du Migrationwatch de Sir Andrew
Green. »
La supposée préoccupation de Byrne, Cruddas et de leurs supporteurs
dans les médias pour les pauvres est entièrement cynique. Les mesures
qu’ils proposent visent à semer la division et sont vouées à l’échec.
Le nivellement des salaires par le bas est réel, autant que la pénurie dans le
logement et la santé. Mais des mesures prises contre l’immigration ne
vont pas combattre cette réalité. Elles ne vont qu’affaiblir la classe
ouvrière dans sa lutte contre la grande entreprise vorace.
Le niveau de salaires est forcé à la baisse par l’inexorable
logique de la concurrence mondiale et ne peut être contrée en fermant les
écoutilles et en adoptant des mesures protectionnistes telles que le contrôle
de l’immigration. Tout dépend plutôt de la lutte unifiée de la classe
ouvrière coupant court aux tentatives de la diviser sur des bases nationales ou
ethniques.
De la même manière, la défense du droit universel et
gratuit aux soins de santé, à un logement décent et à une éducation de qualité
présuppose une opposition à toute tentative d’utiliser les immigrants
comme boucs émissaires – non seulement par le BNP, mais également de la
part des travaillistes qui depuis longtemps s’efforcent de légitimer le
racisme et le chauvinisme.
Le Parti de l’égalité socialiste se présente aux
élections pour le Parlement écossais et l’Assemblée galloise afin de
mettre de l’avant un programme socialiste internationaliste contre les
défenseurs du nationalisme de tout acabit.