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Europe A l’approche des élections présidentielles françaises Mobilisation massive des forces de police dans le centre de Paris 02 Avril 2007 Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur Mardi soir à la Gare du Nord, en plein centre de Paris, des centaines de policiers et des unités de CRS se sont livrés à une bataille rangée avec des jeunes et des banlieusards. Les affrontements, au cours desquelles la police fortement armée a fait usage de gaz lacrymogène et de force massive contre les voyageurs dans l’une des gares les plus fréquentées de France, ont immédiatement été repris mercredi par les politiciens influents pour mettre le thème de l’insécurité au coeur du débat de la campagne présidentielle en cours. Les incidents ont débuté mardi à 16 heures 30 quand des agents de la RATP ont contrôlé un homme d’origine africaine supposé voyager sans titre de transport. Selon des témoins, dont certains ont filmé les incidents avec leur téléphone portable, l’homme fut violemment poussé à terre par le personnel de la RATP qui appela immédiatement du renfort. Un témoin a déclaré que ce qui s’était passé et la brutalité employée par les agents du métro et la police, lui rappelait la manière dont Rodney King avait été maltraité et battu par la police à Los Angeles en 1992. En l’espace de quelques minutes, les agents de la RATP et l’interpellé ont été entourés par un groupe de voyageurs réclamant que l’homme soit libéré. Plusieurs voyageurs ont offert de payer le prix du ticket pour qu’il soit relâché. Un peu plus tard, toutefois, un grand nombre d’agents de sécurité de la RATP soutenus par des unités de CRS sont arrivés pour protéger les agents de la RATP de la foule agitée. Choquées par les méthodes musclées des forces de l’ordre, quelques personnes ont lancé des projectiles sur les forces de police et commencé à crier « Police partout ! Justice nulle part ! » et « A bas l’Etat des flics et des patrons ».Dans un élan d’agressivité, les CRS ont riposté en chargeant la foule, la matraque levée et en jetant du gaz lacrymogène. Des voyageurs ordinaires ont été victimes de la police. Cyril Zidou, un électricien de 24 ans, a raconté aux journalistes qu’il rentrait tout simplement du sport quand il s’est « fait gazé ». La police a également utilisé des chiens pour contenir la foule. Treize personnes au total ont été appréhendées et une partie de la gare a été fermée des heures durant pendant que la police menait une bataille rangée avec des centaines de voyageurs et des jeunes. La gare du Nord est un terminal international d’où part l’Eurostar en direction du Royaume Uni, elle abrite le métro et dessert aussi les banlieues plus pauvres de la région parisienne, telle la Seine-Saint-Denis d’où étaient parties en 2005 les émeutes des jeunes contre la police.Ceux qui se sont trouvés coincés mardi dans ces affrontements étaient des touristes européens et des usagers parisiens qui empruntent régulièrement cette gare. Les commentaires des médias ont fait des parallèles entre les émeutes de 2005 et les incidents à la Gare du Nord. En automne 2005, des jeunes avaient brûlé des milliers de voitures et des immeubles dans les banlieues pauvres de la région parisienne et ailleurs en France pour réagir contre les actions de la police qui avaient entraîné la mort de deux adolescents issus de l’immigration. Selon Paul Bacot, analyste à l’Institut d’Etude politiques de l’université de Lyon, « Les incidents de ce genre reflètent le vrai problème de la police en France. Cela rejoint les émeutes plus sérieuses de l’automne 2005 et les manifestations de l’année dernière contre la police dans une école primaire. La police a perdu toute crédibilité et sa réputation. C’est un vrai problème et c’est dangereux pour tout le monde. » (retraduit de l’anglais) Il ne fait pas de doute que les affrontements explosifs à la Gare du Nord reflètent des tensions sociales profondes en France et en particulier la colère et le mécontentement largement répandus de la part de vastes sections de la population à l’encontre de la police française. Dans le même temps, le déploiement massif de forces de l’ordre mardi a immédiatement été récupéré par les politiciens en vue désireux d’exhiber leurs références en matière de sécurité et exiger des pouvoirs autoritaires accrus pour l’Etat français. Juste un jour avant les incidents à la Gare du Nord, Nicola Sarkozy, candidat présidentiel du parti gaulliste UMP (Union pour un mouvement populaire), avait quitté ses fonctions de ministre de l’Intérieur pour se consacrer à sa campagne électorale. En tant que candidat présidentiel, Sarkozy a été un des premiers à réagir aux événements de la Gare du Nord et a défendu les actions de la police. Accompagné par quinze policiers en uniforme, Sarkozy a donné une conférence de presse improvisée sur le quai de la gare sous les cris de « provocateur », « facho », « récup » des témoins. Il a dit on ne peut plus clairement qu’il prônait une politique française de « tolérance zéro » où les petits délinquants se verront appliquer la force de l’Etat dans toute sa rigueur. Selon Sarkozy : « Nous sommes le seul pays où l’on considère qu’arrêter quelqu’un parce qu’il ne paie pas son billet, ce n’est pas normal. ... Pendant des années on a laissé faire n’importe quoi, mais c’est leur (la police) travail de faire cela. » La réaction mardi des usagers, a poursuivi Sarkozy, était le résultat de ce que l’on avait permis aux jeunes des banlieues « de faire ce qu’ils voulaient » et il a continué en louant la police pour avoir imposé un « minimum d’ordre, de respect, d’autorité, de tranquillité. » Il a continué en s’attaquant à la candidate du Parti socialiste, Ségolène Royal, qui, selon les derniers sondages, a réduit l’écart avec son principal rival : « Si Mme Royal veut régulariser tous les sans-papier et si la gauche veut être du côté de ceux qui ne paient pas leur billet dans le train, c’est son choix. Ce n’est pas le mien. » Au cours d’une réunion électorale en région parisienne, Sarkozy a imité l’ancien président américain, Richard Nixon, en invoquant la « majorité silencieuse » : « Devrions-nous accepter les sans-papiers, les entreprises qui font des pertes et les fraudeurs et juste dire ‘merci’ ? » s’est exclamé le candidat de l’UMP. « J’ai besoin que la France silencieuse, immensément majoritaire, dise maintenant : ça suffit. » Le remplaçant de Sarkozy au ministère de l’Intérieur, François Baroin, a lui aussi réagi très rapidement aux événements de la Gare du Nord qui, dit-ils avaient dégénéré et s’étaient ensuite transformés « en guérilla urbaine, en violence inaccepable, intolérable. » Le traitement musclé totalement injustifié qui a été infligé par les agents de sécurité de la RATP et les policiers à la Gare du Nord à un seul passager issu de l’immigration n’est pas un cas isolé. A peine un jour plus tôt, des milliers de parents, d’enseignants et d’étudiants avaient manifesté au nord est de Paris pour protester contre le mauvais traitement que la police avait infligé à un immigrant chinois âgé qui avait été arrêté quelques jours auparavant devant leur école. Le mardi 20 mars, la police avait interpellé un grand-père chinois qui était venu chercher son petit-fils à l’école. N’étant pas en mesure de présenter une pièce d’identité, le vieil homme fut maltraité par la police lors de son arrestation. Le traitement du vieil homme avait incité une foule de témoins, y compris des parents et des enfants d’une école maternelle proche, à intervenir et à empêcher que la police ne l’emmène. Un témoin avait filmé l’incident avec sa caméra au moment où la police lançait des gaz lacrymogènes au milieu de la foule alors qu’elle fuyait la scène. Un jour plus tard, la directrice de l’école maternelle avait été mise en garde à vue pendant sept heures pour « outrage ». Cette provocation d’Etat au nord est de Paris n’est qu’un exemple parmi d’autres de « surveillance » policière des écoles et institutions publiques visant à fomenter un sentiment de peur à l’encontre de la communauté immigrée en France. En début de semaine, une femme chinoise fut également interpellée brièvement alors qu’elle était venue chercher sa nièce à la sortie d’une autre école maternelle avant que les parents d’élèves ne se regroupent pour presser les policiers de la relâcher. En tout, neuf immigrés n’étant pas en possession de pièces d’identité en règle furent interpellés dans la même semaine à la sortie de diverses écoles dans le quartier. La politique sécuritaire de Sarkozy Les mesures de répression policières perpétrées contre les travailleurs et les jeunes immigrés sont en conformité avec la politique appliquée par le ministre de l’Intérieur sortant qui a suscité un tollé avec son projet d’un ministère de l’immigration et d’identité nationale, s’il était élu président. Au début du mois, Sarkozy avait clairement montré que les méthodes répressives qu’il préconise pour combattre l’immigration seraient au centre de sa campagne électorale et de sa future politique. Le 11 mars, il déclarait au Figaro que sa priorité était de « protéger la France et ses valeurs » et que ceci nécessitait l’adoption d’une ligne dure parce que, poursuivit-il avec insistance « la politique d’immigration, c’est l’identité de la France dans 30 ans. » La rapidité et la brutalité de l’intervention policière de mardi soir à la Gare du Nord montre que les unités de la police avaient été placées en situation d’alerte rouge, un aspect d’une stratégie délibérée de Sarkozy de polariser la campagne présidentielle. Selon le quotidien Le Monde, le conseiller politique de Sarkozy, Patrick Devedjian, « n’a pas caché sa satisfaction de voir que ‘cette affaire met l’insécurité au coeur de la campagne.’ » Lors de la précédente élection présidentielle en 2002, des affrontements identiques entre la population et la police, l’incident d’un forcené qui avait ouvert le feu sur des élus lors d’un conseil municipal ainsi que des provocations anti-immigration, avaient été grossis au-delà de toutes proportions par les médias et les politiciens dans le but de créer un climat sécuritaire propice à la chasse aux sorcières. Alors que l’élection de 2002 arrivait à son dernier stade, la question de la sécurité publique fut projetée en première position de l’ordre du jour et devint l’un des principaux éléments qui aida le dirigeant du parti de l’extrême droite, le Front National, Jean-Marie Le Pen, à parvenir au second tour des élections. Le succès de Le Pen au premier tour des élections de 2002 avait représenté un coup dévastateur pour le candidat du Parti socialiste, Lionel Jospin, dont la politique droitière avait été un élément décisif ouvrant la voie au candidat du Front National. A présent, tout semble indiquer que Sarkozy vise à devancer tout ralliement semblable autour de Le Pen lors des élections à venir, en ayant recours délibérément et de manière provocatrice à la police et aux forces de l’Etat, pour faire en sorte de monopoliser la question de la sécurité. Les premières réactions des représentants du Parti socialiste ont été de condamner la violence des affrontements de mardi à la Gare du Nord tout en indiquant les tensions sociales croissantes qui sous-tendent de tels affrontements. Ségolène Royal a cherché à empêcher que la question de la sécurité ne devienne le principal sujet de la campagne électorale. Mais la candidate du Parti socialiste n’a pas tardé à emprunter la voie de Sarkozy. Accusée de ne pas être assez ferme en matière de sécurité, elle a répondu : « J’entends un certain nombre de déclarations des candidats de la droite » qui me rejettent « dans le camp de je ne sais quel laxisme qui défend l’idée qu’on peut prendre un transport en commun sans payer... Vous me connaissez, ce n’est pas mon genre. » En fait, Royal a contribué à créer un climat que ses adversaires de droite et d’extrême-droite dans la compétition présidentielle peuvent exploiter. Au début de la campagne, Royal avait avancé ses propres projets pour la militarisation de la jeunesse française en prônant « un encadrement à dimension militaire » pour les jeunes délinquants. Elle a également exprimé son accord avec les propositions de Sarkozy de rendre obligatoire un service civique pour tous les jeunes, et qui pourrait inclure le service militaire obligatoire. Dans le point 54 de ses 100 propositions constituant son « pacte présidentiel », elle appelle clairement à « créer une nouvelle police de quartier. » Dans ses récentes déclarations elle a cherché à surpasser la version de nationalisme ardent propre à Sarkozy en proclamant son affinité pour l’hymne national français et en encourageant les gens à mettre le drapeau français aux fenêtres. Les travailleurs et les jeunes devraient tirer leurs propres conclusions de ces récents développements. Ces dernières actions et provocations policières à Paris auxquelles s’ajoutent les appels des principaux candidats présidentiels à un Etat fort et à un homme fort pour gouverner une France indisciplinée, sont des indications claires que les normes démocratiques traditionnelles ne sont plus de mise, pour les classes dirigeantes, dans un pays où les antagonisme sociaux et politiques ont atteint leur point de rupture. (Article original anglais paru le 30 mars 2007)
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