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Europe Espagne : L’Eglise catholique envisage la construction d’un monument commémorant les membres du clergé tués durant la Guerre civile
Par Paul Stuart Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur La mairie de Valence, contrôlée par le Parti populaire (PP), a accordé à l’Eglise catholique le permis de construire une nouvelle église de 3 000 mètres carrés, surmontée d’un clocher de 28 mètres de haut, dans l’ancien quartier d’entrepôt de docks d’El Grau. Cette nouvelle église sera un mémorial aux "martyrs de 1936," à ces membres du clergé tués durant la Guerre civile. L’Eglise catholique avait soutenu avec enthousiasme le dictateur fasciste Francisco Franco. En mars 2004, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) était venu au pouvoir, profitant sans le mériter d’une vague de lutte populaire massive qui avait évincé le gouvernement droitier du Parti populaire (PP) de José Maria Aznar. Depuis lors, l’Eglise catholique intervient en force dans la vie politique espagnole, comme jamais encore depuis les années 1930. Aux côtés des militaires et du PP, l’Eglise mobilise les forces de droite afin de déstabiliser et renverser le gouvernement du PSOE. La population fait déjà des comparaisons entre la « Vallée des morts » construite par travaux forcés sur les collines à proximité de Madrid et commémorant les nationalistes tués pendant la sanglante accession au pouvoir de Franco. C’est là que se trouve le tombeau de Franco. L’archevêque Agustin Garcia-Gasco est l’instigateur de ce projet d’une nouvelle église. Il y a deux ans, il avait lancé une campagne pour que 250 membres du clergé supplémentaires, tués entre 1936 et 1939 soient béatifiés, étape précédant la canonisation, permettant ainsi qu’ils soient publiquement vénérés. Garcia-Gasco a déclaré qu’il s’agissait de « martyrs » de la Guerre civile, et que la nouvelle église allait honorer la mémoire de tous ceux qui étaient morts « victimes de la même persécution religieuse et qui avaient été antérieurement béatifiés. » D’après un article de El Pais, l’Eglise catholique exclut de sa liste de "martyrs" les prêtres qui avaient résisté à Franco et avaient été tués par les troupes fascistes (soit autour de 7 000, bien que ce chiffre ne cesse de changer, mais chiffre nettement en dessous des 20 000 revendiqués par Franco et l’Eglise à cette époque.) D’après l’historien Anthony Beevor, auteur de The Spanish Civil War (Orbis Publishing, London, 1982) l’Eglise espagnole n’a jamais émis aucune protestation, que ce soit à l’époque ou bien aujourd’hui, concernant l’exécution par Franco de 16 membres du clergé basque, parmi lesquels l’archiprêtre de Mondragon. Il ajoute que dans le pays basque espagnol, le clergé n’avait quasiment pas été inquiété pendant la Guerre civile. Le maire PP a étroitement collaboré avec l’archevêque sur ce projet tout en bloquant avec force toute demande de ces associations qui font campagne pour que soient examinées les fosses communes de la ville et de ses environs. On estime à 30 000 le nombre d’opposants à Franco qui furent sommairement exécutés et jetés dans des fosses communes anonymes situées à l’extérieur de la plupart des principales villes. En avril dernier, à Malaga, une fosse commune avait été découverte contenant quelque 5 000 corps. En avril dernier des militants du Forum pour la mémoire historique de Valence, avaient découvert un certain nombre de fosses communes dans le cimetière de Valence. Le maire PP Rita Berbera avait fait peu cas de leur découverte et ordonné la venue de bulldozers pour créer sur ce site quelques 1000 autres concessions.La mairie avait rejeté tous les appels jusqu’à ce que les bulldozers déterrent une grande quantité d’ossements humains. Le tribunal avait ordonné alors l’arrêt permanent des travaux et confié le site aux archéologues. L’Eglise catholique cherche à établir une comparaison entre le massacre systématique perpétré par les fascistes et les accès de colère populaire ponctuels à l’encontre d’un clergé soutenant le fascisme. Il est à présent absolument nécessaire de réunir des informations sur ces fosses communes, de savoir qui y est enterré, comment ils ont été tués et par qui, du fait d’une campagne droitière montée pour nier l’échelle génocidaire de la répression de Franco voire même l’existence de ces fosses communes, comme c’est le cas à Valence. Ces nouvelles béatifications ne sont que les dernières en date de toute une série durant la dernière décennie. Le 11 mars 2001, l’ancien pape Jean-Paul II avait béatifié 233 « martyrs », soit le plus grand nombre jamais béatifié en une seule cérémonie. Le Vatican a tout spécialement ciblé l’Espagne – le groupe béatifié le 11 mars représente un cinquième de toutes les béatifications auxquelles a procédé Jean-Paul II durant son règne. Le but de ces béatifications est de fournir au clergé un «point de ralliement », de glorifier ceux qui ont vécu et sont morts en catholiques d’extrême-droite et de durcir la détermination de sa base droitière face à la montée de l’hostilité populaire envers l’Eglise. Quelques catholiques en vue se sont plaints qu’une prise de position politique aussi déclarée contre les masses ne compromette l’Eglise, menaçant jusque sa survie. John L.Allen, Jr qui écrit pour National Catholic Reporter, enjoint l’Eglise à confronter son passé et le rôle qu’elle a joué durant la montée au pouvoir de Franco. Allen a interviewé le 15 mars 2001 l’historien George Richard Esenwein qui enseigne à l’université de Floride et est l’auteur de Spain at War : The Spanish Civil War in Context, 1931-39 (Addison-Wesley, 1995.) (L’Espagne en guerre : La Guerre civile espagnole dans son contexte.) Esenwein va jusqu’à faire un certain nombre d’aveux importants sur les raisons expliquant le nombre de morts parmi le clergé pendant la révolution. Allen explique que « l’Eglise porte une certaine responsabilité pour avoir crée un climat social où de tels actes étaient rendus possible, notamment du fait de son identification à la cause nationaliste. Par exemple, les mouvements ouvriers catholiques dans l’Espagne des années 1930 étaient pour une grande part considérés comme couverture pour l’élite patronale capitaliste, dit Esenwein. On les appelait « syndicats jaunes », pour les distinguer des « syndicats rouges » dirigés par la gauche et qui avaient une position plus agressive de défense des ouvriers. "Le parti politique catholique de l’époque, CEDA, était la voix dominante de la réaction traditionaliste contre le changement progressiste. Sa rhétorique, dit Esenwein, était assez proche des mouvements fascistes italiens, autrichiens et allemands. « Au fil des années, la perception des prêtres comme protecteurs des pauvres changea. Ils furent perçus comme faisant partie d’un régime défensif, assiégé et s’accrochant au pouvoir, » dit Esenwein. « Le clergé fut identifié à la corruption du système politique et à l’état arriéré de la société espagnole. » " ‘Certains prêtres avaient épousé la cause nationaliste avec une telle ferveur qu’ils allèrent jusqu’à autoriser des snipers à utiliser le clocher de leur église pour tirer sur les troupes républicaines. On dispose de nombreux témoignages là-dessus, » dit Esenwein. « Les évêques espagnols publiaient des lettres pastorales de soutien aux nationalistes.’ » El Pais du 5 juillet fait remarquer par exemple, "Enrique Pla Y Daniel, évêque de Salamanque en 1936, donna sa bénédiction, dans plusieurs sermons, au meurtre de ceux qui s’opposaient à Franco. Isidro Gomà, cardinal de Tolède, parla en 1937 « du sens chrétien de la guerre. » Le contenu d’une telle bénédiction est cité dans un reportage du Deutsche-Welle : « C’est ainsi avec une grande joie qu’elle [l’église catholique] regarda Franco prendre le pouvoir en 1939. Le pape Pie XII, nouvellement ordonné, félicita avec enthousiasme le dictateur victorieux Franco. Pie XII dit, « En élevant nos cœurs vers Dieu, ensemble avec votre Excellence, nous rendons grâce pour cette victoire tant désirée de l’Espagne catholique. Nous espérons que ce pays précieux, maintenant que la paix a été atteinte, retournera aux vieilles traditions catholiques qui l’ont rendue si grande. Nous accordons à son Excellence et à tout le noble peuple espagnol notre bénédiction apostolique. » La campagne de béatification de l’Eglise catholique en Espagne commença immédiatement après la victoire de Franco en 1939. Pendant les 36 années suivantes de la dictature, l’Eglise catholique était partie intégrante de l’Etat fasciste et justifiait ses actes comme étant une purification nécessaire de l’Espagne devant les antéchrists rouges. Cette relation devint officielle en 1953 avec la signature de l’accord entre l’église et l’Etat faisant du catholicisme la religion d’Etat et lui accordant d’énormes privilèges. Dans les années précédant la mort de Franco en 1975 et l’effondrement de son régime, l’Eglise chercha à se distancer de l’Etat de Franco. L’Eglise se positionna dans le camp de l’opposition à Franco tandis qu’une crise révolutionnaire éclatait. Elle fit de nombreuses déclarations publiques exprimant son regret d’avoir pris position et d’être devenue partie intégrante de la dictature. L’Eglise obtint un accord avec le Parti communiste et le PSOE selon lequel dans l’éventualité d’un effondrement du régime de Franco, l’Eglise, officiellement séparée de l’Etat, conserverait quasiment tous les pouvoirs dont elle jouissait sous Franco. Sa campagne de béatifications fit les frais de ce recul tactique. Sous le règne du précédent pape, Jean-Paul II et du nouveau pape, Benoît XVI, la demande de béatification s’est accélérée. Les béatifications font partie d’une campagne systématique visant à réhabiliter la dictature de Franco dans une situation où des sections de l’Eglise, de l’armée et du PP sont en train d’abandonner leurs engagements ténus à la constitution de 1978. En réponse au récent projet de Loi sur la mémoire historique rédigé par le PSOE (qui prétend rendre enfin justice aux victimes de Franco, mais refuse de nommer et poursuivre en justice ceux qui s’étaient rendus coupables de massacrer le mouvement ouvrier espagnol), le Synode des évêques a décrit les gouvernements du Parti socialiste-républicain de 1931-1939 comme annonciateurs d’une ère de « persécution religieuse. » Et ceci en dépit du fait que ces gouvernement avaient rejeté une lutte contre les institutions puissantes et réactionnaires de l’Eglise, et en dépit d’un écrasant mandat populaire leur demandant de le faire du fait du soutien actif de l’Eglise au fascisme et au rôle contre-révolutionnaire joué par elle tout au long de l’histoire espagnole. Le PSOE réitère aujourd’hui une trahison suivant le même modèle. En
septembre dernier, le gouvernement a signé un accord promettant de
poursuivre le financement par l’Etat de l’Eglise catholique, en dépit du
fait que la Constitution de 1978 reconnaisse de façon officielle la
séparation de l’Eglise de l’Etat.
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