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Europe Par Ulrich Rippert Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur La direction de la Deutsche Bundesbahn (Compagnie de Chemin de Fer allemand, DB) a pris de nouvelles mesures pour accentuer la pression sur les cheminots au moment où 12 000 conducteurs et agents de train vont se prononcer sur une action de grève. En entreprenant cette offensive, le président de la DB, Harmut Mehdorn, compte sur l’étroite collaboration des deux syndicats représentants les cheminots, Transnet et la fédération des fonctionnaires des chemins de fer GDBA (Gewekschaft Deutscher Bundesbahnbeamten, Arbeiter und Anwärter). Les deux organisations se sont employées à des manœuvres de briseurs de grève d’une manière éhontée et encore jamais vue en Allemagne depuis l’après-guerre. Dès le tout début, elles se sont catégoriquement opposées à la revendication des conducteurs de train pour une hausse des salaires alors qu’elles sont parfaitement conscientes du salaire de misère qu’ils reçoivent et des conditions de travail aux horaires astreignants et comportant un niveau élevé de responsabilité. Le rôle provocateur de briseur de grève joué par Transnet et la GDBA est également pleinement soutenu par la Fédération des syndicats allemands (DGB), En juillet, la compagnie des chemins de fer allemands a accepté une augmentation de salaire de 4,5 pour cent et un paiement unique de 600 euros pour les autres cheminots. Le contrat a été rapidement accepté dans le but d’isoler les conducteurs de train qui avaient revendiqué une augmentation séparée de salaire. Le contrat accepté par les deux syndicats de cheminots, Transnet et GDBA, renfermait une clause stipulant que la DB ne fasse pas de concession aux conducteurs de train organisés dans leur propre syndicat, le GDL (Gewekschaft Deutscher Lokomotivführer). La clause stipulait expressément qu’au cas où la DB concluait un accord séparé avec le GDL, le contrat déjà signé avec Transnet et la GDBA serait automatiquement invalidé. La clause n’était rien moins qu’une forme de chantage de la part de Transnet pour pousser les conducteurs de train à la capitulation. Sur la base d’une recommandation du président de Transnet, Norbert Hansen, la direction de la DB envoya une lettre à ses 136 000 salariés pour leur demander de dire s’ils étaient ou non membres d’un syndicat et si oui, duquel. Cette lettre était destinée à empêcher que les membres du GDL ne bénéficient de l’augmentation de salaire et du versement unique de 600 euros accordés aux autres cheminots. Il est à noter que Hansen est parfaitement bien placé pour conseiller la DB sur la meilleure manière de briser la grève des conducteurs de train. En tant que dirigeant du syndicat Transnet et défenseur de la politique entrepreneuriale allemande, Hansen siège au conseil d’administration de DB en tant que vice-président, et touche pour cela un salaire juteux. A présent, la DB, en coopération avec des experts juridiques de Transnet, a submergé le syndicat des conducteurs de train d’une série de plaintes. Dans pas moins de huit procédures judiciaires distinctes, la compagnie cherche à empêcher le syndicat à appeler à la grève. Dans une autre procédure judiciaire, la compagnie cherche même à empêcher le syndicat d’organiser un vote concernant le mouvement de grève et ce en dépit du fait que la législation allemande du travail le prévoit. Selon le Süddeutsche Zeitung de la semaine passée, une telle démarche est « scandaleuse parce que ce vote fait partie de la démocratie. » Bien que le terme « scandaleux » soit justifié, il s’applique non seulement au président Mehdorn de la DB mais également à Transnet et au DGB. Ces syndicats soutiennent et participent activement à la criminalisation du conflit social. Ceci représente une nouvelle dimension du virage droitier entrepris par les syndicats. Si les tribunaux déclaraient les préparatifs de grève du GDL illégaux et si la police confisquait les résultats des urnes au cours des prochains jours, ceci se ferait avec le soutien explicite du DGB. Les conducteurs ou les agents de train qui s’y opposeraient et qui défendraient leurs droits démocratiques de faire grève seront traînés devant la justice et poursuivis, conformément à ce que souhaitent Transnet et le DGB. Le virage à droite du DGB et de ses syndicats membres a des implications politiques de portée considérable et qui ne se limitent pas à l’actuelle grève des conducteurs de train. Les revendications d’augmentation de salaires des conducteurs de train sont tout à fait justifiées compte tenu de l’augmentation des prix et de la pénibilité de leurs conditions de travail. Jusque-là, ils ont refusé de se soumettre, et ce en dépit du fait qu’ils ont à faire face à un front uni formé par le gouvernement, les principales entreprises concernées et les syndicats qui de concert ont imposé des coupes sociales de plus en plus draconiennes au bénéfice du patronat. Il ne fait pas de doute qu’à l’avenir d’autres couches de la classe ouvrière en feront autant. La politique du gouvernement de grande coalition allemand (Union chrétienne-démocrate, Union chrétienne-sociale, Parti social-démocrate) est largement détestée et rencontre une opposition grandissante. Dans des conditions où l’ensemble des partis dirigeants collaborent au sein d’une coalition qui applique une politique défendant exclusivement les intérêts de l’élite dirigeante allemande, toute résistance efficace doit nécessairement prendre la forme d’une opposition extraparlementaire et se développer en dehors de la voie traditionnelle du partenariat social datant de l’après-guerre, à savoir de la collaboration étroite entre la direction des entreprises et les syndicats. Le DGB a à présent fait savoir clairement qu’il est déterminé à empêcher à tout prix un tel développement. Il offre ses services pour imposer la loi et étouffer dans l’œuf, ou quand cela s’avère nécessaire, et en collaboration directe avec l’Etat, réprimer toute résistance indépendante de la classe ouvrière. Voici la vraie signification du soutien que les syndicats confèrent à présent aux mesures judiciaires prises à l’encontre de la grève des conducteurs de train. Dans le même temps, les conducteurs de train ne sont eux-mêmes pas clairs quant à la dimension politique que revêt leur grève. Ceci ressort directement de l’attitude adoptée par leur propre syndicat GDL qui a déclaré qu’il considère le conflit avec la direction de la DB comme étant une « grève normale » tout en cherchant à se servir du rôle stratégique que jouent les conducteurs de train pour arriver à un accord meilleur que celui de Transnet. La direction de GDL et son secrétaire général, Manfred Schell, essaient aussi de tirer profit des divergences qui règnent au sein des partis politiques allemands au sujet de la privatisation à venir des chemins de fer allemands tout en refusant d’adopter une position de principe contre une telle privatisation. Au lieu de cela, ils espèrent pouvoir conclure un accord qui, non seulement représente une amélioration pour les conducteurs de train, mais protège avant tout l’existence des syndicats et des appareils bureaucratiques. Toutefois, le flot de plaintes et de menaces d’interdiction, ainsi que le chantage émanant du DGB, montrent clairement que la grève a une dimension politique bien plus vaste. Les adversaires de la grève voient dans la grève des conducteurs de train le prélude à des conflits sociaux bien plus vastes et cherchent à intimider et à étouffer toute résistance à l’encontre du gouvernement de grande coalition. En conséquence, les conducteurs de train ne pourront faire avancer leur grève que s’ils sont pleinement conscients des enjeux politiques et transforment leur présente campagne en point de départ d’un vaste mouvement politique dirigé contre le gouvernement. Pour cela il est indispensable de placer au cœur de la lutte le rôle de briseur de grève que jouent Transnet et le DGB. Les conducteurs de train doivent prendre contact avec les membres des autres syndicats de cheminots afin de les mobiliser contre les activités de briseurs de grève de la direction de Transnet. Une intensification de la grève des conducteurs de train doit également intégrer d’autres sections de cheminots à la lutte contre les projets de privatisation des chemins de fer de la direction de la DB et du gouvernement, sous la direction du ministre des Transports, Wolfgang Tiefensee, (SPD). Les premiers pas vers la privatisation ont déjà eu des conséquences massives et entraîné la perte de dizaines de milliers d’emplois. Mais avant tout, il est nécessaire de rompre avec la politique opportuniste de partenariat social et d’adopter une perspective socialiste qui place les besoins de la population avant les profits des grands groupes et des banques. (Article original paru le 3 août 2007)
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