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La «Grande coalition» : un gouvernement illégitime et non démocratique

Une déclaration du Parti de l'égalité socialiste (Allemagne)
(Article original paru le 29 septembre 2005)

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La «grande coalition» que préparent actuellement le SPD et la CDU/CSU à Berlin est un gouvernement non démocratique et illégitime. Un tel gouvernement fera une politique dans l'intérêt du patronat et des riches, une politique qui fut fermement condamnée par la grande majorité des électeurs allemands le 18 septembre.

Norbert Röttgen de la CDU l'a exprimé sans détours. «Une grande coalition peut aborder les questions délicates que la politique n'a pas trouvé le courage de résoudre dans les quinze dernières années», dit il au quotidien Berliner Zeitung. Il est significatif que dans son commentaire Röttgen reproche non seulement au gouvernement Schröder mais aussi à son prédecesseur, le gouvernement d'Helmut Kohl (CDU), un manque de courage à s'occuper des «questions délicates». Une grande coalition sera franchement à droite de ces deux gouvernements là.

Personne ne devrait avoir l'illusion qu'il sera «plus difficile à une grande coalition de poursuivre la politique de démantèlement social» et qu'elle sera «de loin un moindre mal comparé à une coalition `noire et jaune´ (chrétiens-démocrates et libéraux)» comme l'avait affirmé Oskar Lafontaine du Parti de la gauche avant l'élection du 18 septembre.

Tandis que la question de savoir qui sera chancelier et de comment sera composée cette grande coalition est encore vivement débattue, les grandes lignes de la politique de cette coalition sont déjà fixées. Cette politique sera caractérisée par de virulentes attaques dirigées contre la population travailleuse. Tous les commentaires de presse et toutes les déclarations des politiciens du SPD et de la CDU/CSU sont d'accord sur ce point.

En premier lieu il faut résorber le déficit budgétaire, c'est-à-dire entreprendre une nouvelle série de restrictions dans le domaine social.

En second lieu on prévoit une transformation fondamentale de l'assurance retraite, de l'assurance maladie, et de l'assurance vieillesse. Le SPD et la CDU/CSU ont bien sur ce plan des conceptions différentes, mais ils sont d'accord sur le fait que les entreprises seront déchargées des dépenses sociales (le soi-disant coût du travail) que les prestations dues aux assurés seront réduites au maximum et que les caisses d'assurance seront dans une grande mesure privatisées et ouvertes au marché des capitaux. De nombreux commentateurs voient dans la démolition du système d'assurance sociale vieux de plus de cent ans, une véritable «chance historique» à saisir par une grande coalition.

Pour finir, les impôts du patronat et des riches doivent être encore baissés et la soi-disante réforme du fédéralisme menée à son terme. Même si le professeur Kirchhof (le défenseur d'un taux d'imposition unique qui rejoignit l'équipe d'Angela Merkel pendant la campagne électorale) ne siége pas au conseil des ministres d'une grande coalition, il incarnera bien la direction prise par le nouveau gouvernement.

S'ajoute à cela un nouveau renforcement de l'appareil d'Etat et la poursuite de la destruction des droits démocratiques. On en parle à peine, puisque de ce point de vue il existe depuis longtemps un accord entre le SPD et les chrétiens-démocrates. Puisque la politique d'une grande coalition se heurtera inévitablement à une résistance massive de la population, le gouvernement aura recours à des mesures répressives afin de faire taire les critiques et de casser la résistance.

Selon les indications de la Confédération allemande des journalistes on a déjà fouillé entre 1987 et 2000 plus de 150 rédactions de journaux, radios et appartements privés de journalistes et confisqué le résultat de leurs recherches. Le but recherché était l'intimidation. Dans aucun des cas les journalistes visés ne furent condamnés. La tendance à intimider ceux qui font entendre une voix critique se renforcera encore sous une grande coalition.

En associant le SPD et avant tout les syndicats à une grande coalition on espère neutraliser, en partie du moins, la résistance à la destruction de l'Etat social allemand.

Comme le rapporte le journal Hannoversche Allgemeine Zeitung, le président de la Confédération allemande des syndicats (DGB) Michael Sommer et les ministre-président de Hesse, Roland Koch, se sont déjà rencontrés vendredi dernier pour une discussion confidentielle à Berlin. Koch qui est membre du directoire de la CDU est une figure clé du jeu de poker qui accompagne la formation du gouvernement. Koch donna à Sommer l'assurance qu'il n'insisterait plus sur la revendication centrale de la CDU d'un affaiblissement du droit salarial et du droit du travail au cas ou le DGB soutiendrait une grande coalition.

Une telle attitude des syndicats ne changerait rien à la situation des salariés confrontés à des salaires en baisse et à l'aggravation des conditions de travail, sans même parler de celle des chômeurs. Mais cela renforcerait la position des appreils bureaucratiques syndicaux et de leurs fonctionnaires.

Le journal taz, qui soutient une grande coalition, a bien montré quel sens cela avait. Sous le titre «Le Marrakech et la grande coalition» il loue la décision du trust Volkswagen de produire tout de même son nouveau modèle, le «Marrakech», à Wolfsburg et non pas comme il l'avait laissé entendre, au Portugal, un pays à bas salaire, et elle fait le rapport avec la grande coalition: «La révolution thatchérienne n'a pas lieu du fait de l'absence de victoire électorale, la CSU a redécouvert son penchant pour le social», écrit ce journal, et tire la conclusion que : «Le capitalisme rhénan, c'est-à-dire la chambre chaude du partenariat social et non pas le froid marteau de la maximisation du profit, essaie encore une fois de se remettre sur pied et de prendre son élan».

Le taz omet de dire qu'avec l'accord conclu à Wolfsburg, on est en plein dans la «révolution thatchérienne». Le comité d'entreprise et le syndicat de la métallurgie ont signé, en contrepartie de l'assurance que la production se ferait en Allemagne, un contrat qui prévoit des baisses drastiques de salaire pour les nouveaux emplois et l'engagement à effectuer du travail supplémentaire sans compensation en cas de defauts de qualité; un contrat qui ignore le droit tarifaire et la législation du travail existants.

Une grande coalition fonctionnera de manière semblable. Les conservateurs dicteront un cours politique dur et le SPD et les syndicats seront chargés de «le faire passer». La grande coalition ne sera une «chambre chaude du partenariat social» que pour les fonctionniares du SPD et des syndicats, pour la masse des salariés et des chômeurs elle sera le «marteau froid de la maximisation du profit».

Des élections illégitimes ont entraîné un gouvernement illégitime

L'organisation d'élections anticipées servit depuis le départ à permettre un gouvernement qui soit en mesure d'imposer à la majorité de la population des mesures impopulaires. Le chancelier Schröder se decida à cette mesure inhabituelle lorsque son «Agenda 2010» se heurta à une résistance croissante y compris dans son propre parti.

Après la chute du dernier gouvernement SPD-Verts en Rhénanie-Westphalie au mois de mai, les cercles influents de l'économie et de la politique ne voulurent plus attendre 18 mois jusqu'au prochain changement de gouvernement dans la capitale. La décision de Schröder de dissoudre le parlement prématurément revenait presque à passer volontairement le pouvoir à Merkel et aux conservateurs.

Schröder ne laissa aucun doute sur le fait qu'il ne renoncerait en aucun cas à son Agenda 2010. Il plaça les électeurs devant cet ultimatum : soit vous m'élisez et vous acceptez l'Agenda 2010 ou bien Merkel, Stoiber et Westerwelle (les dirigeants de la CDU, de la CSU et du FDP) vous serviront leur propre programme qui sera lui, plus pimenté encore. Le président de la République Fédérale et la Cour constitutionnelle donnèrent leur bénédiction à ce chantage.

Mais les comptes de Schröder et de l'élite dominante se virent contrecarrés par deux facteurs.

Le premier fut la croissance rapide du Parti de la gauche. Ce parti, conduit par l'ancien président du SPD, Oskar Lafontaine et par Gregor Gysi du PDS, a un programme réformiste tout à fait bourgeois et défend l'ordre existant. Cependant, sa croissance rapide dans les sondages où par moment il atteignit les 15 pour cent, fut une cause d'inquiétude pour l'élite dominante car il exprimait une radicalisation grandissante de la population.

Le succès du Parti de la gauche força le SPD à modifier sa propagande électorale. Si jusque là il s'était présenté comme le parti des réformes tenant fermement à l'Agenda 2010, il se présentait dorénavant comme le défenseur de l'Etat social. Schröder pris dans le collimateur l'expert financier de Merkel, Kirchhof, qui exprimait sans l'enjoliver le contenu néo-libéral du programme de la CDU/CSU. La propagande électorale des Verts, elle aussi, effectua un virage à gauche.

L'adoption d'un discours plus à gauche par le SPD était moins dirigé contre Merkel et Kirchhof, avec lesquels le SPD était en grande partie d'accord, que contre le Parti de la gauche dont il devait stopper la lancée. Comme le remarqua le journal conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung après les élections, le Parti de la gauche ne disparaîtra que «quand le SPD redonnera à la couche de gauche des travailleurs et des petits fonctionnaires syndicaux une perspective de sécurité du point de vue social».

Le second choc pour l'élite dominante se produisit le soir des résultats. La CDU/CSU et le FDP, qui firent longtemps figure de vainqueurs n'obtinrent ensemble que 45 pour cent des voix. Une nette majorité avait voté contre le programme de Merkel et Westerwelle.

Le résultat n'indiquait pas une approbation du programme du SPD qui obtenait un des plus mauvais scores de son histoire, mais un clair refus du programme néo-libéral des conservateurs et des libéraux et par là de façon indirecte un refus de l'Agenda 2010 de Schröder. C'était d'autant plus net que le SPD avait pris ses distances vis-à-vis de ce programme dans la campagne électorale. Le Parti de la gauche obtint dès sa première candidature presque 9 pour cent, plus que les Verts n'ont jamais obtenu depuis qu'ils existent. Il est le quatrième parti en importance au Bundestag et devance les Verts et la CSU. Un quart des électeurs ont voté pour lui dans les nouveaux Lands (L'ex-Allemagne de l'Est) ainsi qu'un quart des chômeurs.

Il est rare qu'un scrutin soit aussi clair. Le SPD, les Verts et le Parti de la gauche disposent dans le nouveau parlement de 40 sièges de plus que la CDU/CSU et le FDP.

Les milieux officiels de la capitale réagirent pendant une semaine au résultat des élections par le chaos et la confusion. Schröder annonça le soir même de l'élection qu'il restait chancelier. Il se réferrait en cela et non sans raison à la défaite catastrophique des conservateurs, mais se refusa strictement à collaborer de quelque manière que ce soit avec le Parti de la gauche. Les Verts rejetèrent l'exigence de Schröder à rester chancelier et contribuèrent aux spécultaions qui coururent sur un gouvernement de coalition CDU, FDP et Verts.

Dans les medias on fit une campagne permanente pour propager l'idée qu'il fallait maintenant un «gouvernement stable» afin d'imposer les «réformes nécessaires» contre des électeurs peu clairvoyants. Une semaine après l'élection au plus tard, tous les partis s'étaient resouvenu de l'objectif initial des élections anticipées.

Schröder souligne sans cesse depuis dimanche qu'il fera tout pour aider une grande coalition a voir le jour. «Je suis tout à fait certain qu'il y aura un gouvernement qui prendra la forme d'une grande coalition» dit-il mardi dans un discours politique sur l'Europe prononcé à Strasbourg.

Par le fait que le SPD contribue à mettre en place une grande coalition, il réalise ce que Schröder avait voulu réussir avec les élections anticipées et ce que les électeurs ont si clairement refusé : il aide Merkel à devenir chancelier sans tenir compte de la décision des électeurs. Et si ce n'est pas Merkel ce sera Stoiber, Koch ou Wulff ou un autre politicien conservateur qui suivra le même cours. Il est dès à présent presque sûr que Schröder se retirera au plus tard la semaine prochaine et qu'il abandonnera son exigence à rester à la chancellerie.

Le gouvernement qui est en train de se constituer est profondément antidémocratique et illégitime. L'élite dominante impose ainsi sa volonté indépendemment de ce que les électeurs ont décidé et voté. Il y a au Bundestag une claire majorité à gauche du centre. Merkel et la CDU/CSU n'auraient aucune chance de constituer un gouvernement et de réaliser leur politique sans le soutien du SPD et des Verts
Les conservateurs vont dominer pratiquement tous les organes consitutionnels : outre le Bundesrat et la présidence, ils auront la chancellerie et domineront indirectement le Bundestag. L'opposition parlementaire sera largement neutralisée par une grande coalition. Malgré le fait qu'elle ait obtenu le deuxième plus mauvais score de son histoire, la CDU dispose, grâce au SPD, d'un pouvoir tel qu'elle n'en a jamais eu dans l'histoire.

La passivité du Parti de la gauche

Le Parti de la gauche ne s'oppose pas à cette évolution. Il se conduit de façon tout à fait passive. Il ne met même pas la population en garde contre ce qui l'attend sous la forme d'une grande coalition. Il fait des spéculations à propos de nouveaux succès électoraux et de quelques sièges supplémentaires de députés dans les parlements des Lands et aussi à propos d'une éventuelle scission dans le SPD, si celui-ci soutient la politique des conservateurs. Le Parti de la gauche considère la population, tout comme le font les autres partis, comme du matériel à voter qui les aidera à obtenir postes et influence.

L'assertion complaisante de Lafontaine selon laquelle une grande coalition était du point de vue de son parti la bienvenue, rappelle la déclaration notoire du dirigeant du Parti communiste allemand, Ernst Thälmann, dans les années 1930 : «Après Hitler, ce sera nous au pouvoir». Tandis que le parti de la gauche se réjouit de son succès inespéré, une grande coalition créera une situation bien réelle. Elle démolira les droits démocratiques et les droits sociaux et elle détruira les bases de la société. Un regard jeté vers les Etats-Unis, l'Angleterre ou l'Europe de l'Est montre quels dangereux processus de putréfaction une telle politique de destruction sociale entraîne dans la société.

Le Parti de la gauche se comporte de façon aussi lâche et passive parce qu'à l'Est il participe lui-même au gouvernement au niveau local et régional et qu'il impose une politique qui ne se distingue que par des nuances de celle des conservateurs et du SPD. Il ne peut pas mettre la population en garde et la réveiller parce que s'il le faisait il perdrait lui-même son contrôle.

Qui veut s'opposer sérieusement à une grande coalition doit reconnaître qu'on ne peut se passer de la construction d'un parti ouvrier indépendant et socialiste. C'est pour créer les bases d'une telle organisation que le Parti de l'égalité socialiste a participé aux élections législatives. Nous avons averti depuis le début que des élections anticipées s'accompagnaient de la préparation d'attaques nouvelles et plus virulentes encore contre la population travailleuse.

La résistance aux attaques du gouvernement illégitime mis en place actuellement à Berlin doit aller de pair avec la construction du Parti de l'égalite socialiste et avec la lutte pour une perspective internationale et socialiste.

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