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Les États-Unis rejettent les concessions d'Assad et multiplient les menaces contre la Syrie

Par Patrick Martin
7 mars 2005

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L'administration Bush a carrément rejeté une offre du président syrien Bashir Assad d'entreprendre un retrait limité des forces syriennes au Liban, intensifiant sa campagne pour isoler le régime syrien et créer les conditions pour une intervention militaire impérialiste dans les deux pays arabes.

Assad a annoncé un retrait par phases, au cours des prochains mois, des troupes syriennes vers des positions situées le long de la frontière libano-syrienne. Il réagissait ainsi à une campagne montante de pressions diplomatiques et économiques déclenchée par les États-Unis et la France, et endossée par l'Allemagne ainsi que les deux principaux protecteurs de Damascus, la Russie et l'Arabie saoudite.

La réponse de Washington a été sévère et négative. Un porte-parole de la Maison blanche a condamné les «demi-mesures» d'Assad, déclarant que ce n'était «pas assez». La Syrie doit retirer toutes ses forces militaires et ses agents de renseignements «complètement et immédiatement», a-t-elle dit.

Dans son message radio de samedi, enregistré vendredi et diffusé deux heures avant que le plan de retrait d'Assad soit dévoilé, Bush a rejeté l'offre par anticipation. Citant la collaboration de la France et des États-Unis, Bush a dit que le monde «parlait d'une seule voix pour être sûr qu'on donne à la démocratie et à la liberté une chance de s'épanouir au Liban».

Employant des formules de mauvais augure rappelant la campagne de propagande lancée avant l'invasion américaine de l'Irak, Bush a cité la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU adoptée l'automne dernier qui stipulait, a-t-il dit, «le retrait de toutes les forces étrangères et la tenue d'élections libres, sans ingérence externe».

Campagne de déstabilisation

L'administration Bush a lancé sa campagne contre la présence syrienne au Liban après l'assassinat de l'ex-premier ministre libanais Rafik Hariri, ancien allié du régime syrien, qui a été tué dans une violente explosion à la bombe à Beyrouth le 14 février. Hariri a rompu ses liens avec Assad l'automne dernier après que ce dernier ait choisi de forcer une prolongation du mandat du président libanais Emil Lahoud.

Bien que l'extrême violence et le haut niveau de sophistication technique de l'attentat à la bombe laissent croire qu'il aurait été perpétré par un service de renseignements, plutôt que par un groupe terroriste clandestin, la nationalité du service de renseignements reste à déterminer. Les États-Unis et Israël sont au moins aussi suspects que la Syrie d'avoir vu la mort de Hariri comme étant favorable à la poursuite de leurs buts politiques. L'administration Bush a certainement sauté sur l'occasion fournie par l'assassinat pour mettre en branle un effort planifié longtemps d'avance visant à déstabiliser et à faire tomber le régime syrien.

La prochaine étape dans la campagne américaine contre la Syrie semble être le sommet de la Ligue arabe qui aura lieu en Algérie les 22 et 23 mars: l'administration Bush attend de ses principaux laquais du Moyen-Orient, l'Égypte et l'Arabie saoudite, qu'elles augmentent la pression pour un retrait du Liban.

Mais une alternative plus musclée pointe à l'horizon: un assaut militaire direct sur Damascus. Le président syrien Assad, répondant à une question sur une possible invasion américaine lors d'une entrevue au journal italien La Repubblica, a déclaré : «Washington a imposé des sanctions contre nous et nous a isolés dans le passé, mais chaque fois le cercle ne s'est pas refermé contre nous. Si vous me demandez toutefois si je m'attends à une attaque militaire, alors tout ce que je puis dire c'est que je la vois venir depuis la fin de la guerre en Irak.»

On peut se faire une bonne idée de l'atmosphère politique qui règne à Washington en écoutant les propos tenus par l'un des collègues politiques de Bush au Texas, le député républicain Sam Johnson, qui a été récemment cité dans le journal de la colline du Capitole, Roll Call. Johnson a dit à un groupe de parlementaires lors d'un déjeuner à l'église qu'il s'était rendu à la Maison blanche pour avoir une discussion avec Bush et que celle-ci a tourné sur le sujet de l'échec dans la recherche des armes de destruction massive en Irak.

Selon le compte-rendu de la conversation tel que relaté par Johnson, un pilote de combat de l'armée de l'air à la retraite, ce dernier aurait dit à Bush: «Le problème c'est la Syrie. C'est en Syrie que se trouvent les armes de destruction massive, à mon avis. Vous savez, je peux piloter un F-15, avec deux engins nucléaires à bord. Je fais une passe: on n'aura plus à se préoccuper de la Syrie».

Hypocrisie de Washington

La caractéristique la plus visible de la campagne américaine contre la Syrie est l'hypocrisie la plus totale et affichée. D'une manière qui appelle une comparaison avec les tactiques du «gros mensonge» de Hitler et de Goebbels, le gouvernement américain accuse d'autres de commettre les crimes dont il est lui-même coupable.

Le porte-parole de la Maison blanche Erin Healy a déclaré samedi: «Le monde va tenir les gouvernements du Liban et de la Syrie directement responsables de toute intimidation, confrontation ou violence dirigée contre le peuple du Liban».

Un tel langage, de la part d'un gouvernement exerçant une violence massive contre le peuple de l'Irak! Jusqu'à 100.000 Irakiens ont été tués depuis l'invasion américaine du pays en mars 2003. Les occupants américains ont recours à des arrestations en masse, à des détentions sans procès et à la torture comme modus operandi pour étouffer la résistance irakienne. Pour ce qui est de «l'intimidation», les représentants de l'administration Bush et les médias américains discutent ouvertement d'actions militaires contre la Syrie depuis que des forces américaines sont arrivées à la frontière irako-syrienne il y a près de deux ans.

Dans son message radio de samedi, Bush a déclaré que «la Syrie est une force d'occupation au Liban depuis près de trois décennies». Il a exigé un retrait immédiat de toutes les forces syriennes au Liban, et un de ses assistants a développé cette demande dans un point de presse avec les médias américains. «Toute mesure moindre - un retrait par phases, un retrait partiel, le maintien des agents de renseignements - constitue une violation» de la résolution du Conseil de sécurité, a dit cet assistant.

Les États-Unis occupent bien entendu l'Irak avec 150.000 soldats, dix fois plus que les effectifs syriens au Liban. De la même manière, Israël occupe la Cisjordanie et la Bande de Gaza avec des milliers de soldats depuis 1967 - une décennie de plus que l'occupation syrienne du Liban. Les troupes israéliennes contrôlent la plupart des villes de Cisjordanie, mais les troupes syriennes ont été retirées de Beyrouth et d'autres villes libanaises, et concentrées dans la vallée de Bekea, voie potentielle d'invasion des forces israéliennes en cas de guerre contre la Syrie.

Dans plusieurs apparations publiques la semaine passée, Bush a haussé le ton contre la Syrie en fixant une date-butoir pour le retrait du Liban. Toutes les troupes syriennes doivent quitter avant les élections parlementaires planifiées en mai. Un assistant en vue de la Maison blanche a déclaré à la presse : «Le Liban peut-il vraiment tenir une élection libre si des troupes sont présentes pour intimider les électeurs, les candidats ou les gens présentement en poste ?»

Si une telle élection au Liban serait un cirque, que dire des élections du 30 janvier en Irak, tenues dans la ligne de mire des fusils-mitrailleurs d'une grosse armée américaine d'occupation, ou des élections palestiniennes, où les électeurs ont dû traverser des checkpoints de l'armée israélienne pour aller déposer leurs bulletins de vote? En Irak, aucun candidat opposé à l'occupation n'a été autorisé à se présenter. Dans le vote palestinien, le candidat le plus populaire, le chef emprisonné du Fatah Marwan Barghouti, a été gardé en taule pour laisser le champ libre au candidat soutenu par les États-Unis et Israël, Mahmoud Abbas.

Histoire oubliée

L'ironie ultime, peut-être, dans la crise actuelle c'est que la Syrie est mise en joue par l'impérialisme américain pour une occupation qui a été cautionnée à l'origine par Washington comme un pas pour garantir la stabilité et étouffer le «terrorisme» au Liban.

Les troupes syriennes sont entrées dans le pays en 1976 à la demande du gouvernement libanais dominé par les chrétiens maronites de droite, organisés au sein du parti phalangiste fasciste. L'élite dirigeante maronite faisait face à un défi venu d'en bas, sous la forme d'une mobilisation populaire qui a réuni la population réfugiée palestienne et les masses chiites appauvries sous l'inspiration de l'OLP et de la milice chiite Amal.

La politique des gouvernements américain et israélien, tous deux des alliés de longue date de la Phalange, a été de se fier à la Syrie pour étouffer le mouvement populaire et préserver le régime de Beyrouth. Ceci a pris sa forme la plus sanglante dans le massacre de 1976 au camp de réfugiés de Tel al-Zaatar près de la capitale libanaise, lorsque des centaines de Palestiniens ont été exterminés par des phalangistes armés, envoyés à l'intérieur du camp sous la protection d'unités militaires syriennes qui l'avaient entouré.

Plus tard, en 1982, Ariel Sharon, alors chef des forces armées israéliennes, est devenu mécontent de la performance syrienne dans la suppression des milices palestiniennes et libanaises, auxquelles s'était joint entre-temps le Hezbollah épaulé par l'Iran. Sharon a envoyé les forces de défense israéliennes au Liban pour faire le boulot à leur place, tandis que les forces syriennes se retiraient pour éviter une confrontation.

Aux camps de réfugiés de Sabra et Shatilla, les troupes israéliennes ont joué le même rôle que les Syriens à Tel al-Zataar: elles ont entouré les camps et permis à des escadrons de la mort phalangistes d'y pénétrer et massacrer à volonté. Sharon, en tant que commandant, a été finalement reconnu coupable de cette atrocité par un comité d'enquête israélien, et forcé de démissioner comme chef de l'armée.

Dans les deux décennies qui se sont depuis écoulées, les troupes syriennes ont continué de jouer le rôle de force de stabilisation au nom des intérêts impérialistes et de la classe dirigeante libanaise - y compris Rafik Hariri, qui passait pour l'homme le plus riche du pays, avec une fortune d'un milliard amassée dans l'industrie de la construction saoudienne.

La conquête de l'Irak a changé les calculs politiques de Washington, qui voit maintenant la Syrie comme la prochaine cible potentielle dans sa politique visant à dominer le Moyen-Orient, et le Liban comme le point faible de la Syrie et la région la plus vulnérable aux machinations américaines et israéliennes. La campagne américaine actuelle contre Damascus n'a rien à voir avec de la sympathie pour le sort du peuple libanais sous occupation syrienne, malgré les larmes de crocodile versées depuis l'assassinat de Hariri.

Les médias américains sont bien sûrs incapables de fournir une sérieuse analyse historique ou prendre une attitude critique envers la politique étrangère impérialiste de Washington. L'une des expressions les plus insupportables de son attitude l'a été dans un éditorial du New York Times en date du 4 mars.

Saluant l'isolement de la Syrie et l'alignement de l'Arabie saoudite, de la Russie, de l'Allemagne et de la France sur les positions de l'administration Bush, le Times a dénoncé la Syrie pour son traitement du Liban en tant que «fief et vache à lait» et la «tactique ignoble» consistant à refuser de supprimer la milice d'Hezbollah. «Le président Assad ne peut plus se permettre d'ignorer l'impatience grandissante du monde», ont semoncé les éditeurs.

Le cynisme et les mensonges qui caractérisent la politique étrangère américaine sont résumés dans la manchette choisie par le Times: «Le Liban aux Libanais». On peut affirmer avec certitude que le but de l'administration Bush et du gouvernement Sharon n'est pas le Liban aux Libanais, mais le Liban aux États-Unis et à Israël, et peut-être un os laissé en pâture à la France.

En fait, comme l'a rapporté le Washington Post le 5 mars, l'administration Bush est déjà en pourparlers avec la France sur le type de force militaire extérieure qui pourrait remplacer la Syrie dans un Liban d'après-retrait, car «les États-Unis craignent que l'armée libanaise ne soit pas assez forte pour exercer et maintenir un contrôle sur tout le territoire, étant donné en particulier qu'Hezbollah, ou Parti de Dieu, contrôle une bonne partie du Sud du Liban».

Le Post a continué ainsi: «Une option envisagée maintenant par les États-Unis, selon des représentants américians et européens, est de voir comment la force de l'ONU déployée le long de la frontière du Liban avec Israël depuis 1978 pourrait être utilisée pour combler le vide dans la région dominée par la Syrie. Par coïncidence, la résolution 1583 de l'ONU a renouvelé le mandat de la force en janvier, dans un langage qui permet à la mission d'être modifiée ou étendue...»

Pure coïncidence, il va de soi! Un nouveau dépeçage impérialiste du Liban est en cours, avant même un retrait des troupes syriennes.


 

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