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Une ex-bureaucrate syndicale à la tête de l'exécutif du Parti québécoispar Guy Charron Utilisez cette version pour imprimer Monique Richard, la présidente de Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQ libre), deviendra officiellement présidente du Parti québécois (PQ) lors du congrès du PQ qui a lieu cette fin de semaine (En politique canadienne, le poste de président est un poste exécutif. C'est le chef du parti qui devient premier ministre et qui est le principal porte-parole du parti.). Son élection est assurée puisque les mises en candidature se terminaient le 4 mai et qu'il n'y a pas eu d'autres candidats au poste de président. L'élection de l'ancienne dirigeante de la Centrale des syndicats québécois à la tête de l'exécutif du PQ est une manifestation de la collaboration devenant plus étroite entre la bureaucratie syndicale et l'appareil du PQ. Le PQ, qui forme aujourd'hui l'opposition officielle à l'Assemblée nationale, est un parti indépendantiste qui, avant de perdre le pouvoir en 2003, a formé le gouvernement provincial pendant neuf années. Exhibant ses rapports privilégiés avec la bureaucratie syndicale comme preuve, le PQ aime à se décrire comme un parti progressiste et sensible aux intérêts des travailleurs. Mais il a formé un des gouvernements les plus à droite au Canada, mettant en oeuvre les mêmes politiques socio-économiques que le gouvernement conservateur ontarien de Mike Harris et que le gouvernement libéral de Jean Chrétien. Le gouvernement péquiste, sous la houlette de Lucien Bouchard et de son ministre des Finances de l'époque, Bernard Landry, a imposé un programme de compressions de dépenses sociales, fermant des hôpitaux, jetant des psychiatrisés à la rue, imposant des diminutions de salaires et des abolitions de postes dans le secteur public et diminuant les prestations d'aide sociale. La fondation de SPQ libre en 2004 et l'accession de Monique Richard au plus haut échelon de l'appareil du PQ signale un changement important dans les rapports entre la bureaucratie syndicale et le PQ, un des deux principaux partis de la bourgeoisie québécoise. Depuis trente-cinq ans, la bureaucratie syndicale a toujours collaboré étroitement avec le PQ et a tout fait pour lui lier les travailleurs. Les dirigeants syndicaux se sont tournés vers le PQ dans le contexte d'une vague de lutte syndicale militante et d'une profonde radicalisation de la classe ouvrière. En subordonnant la classe ouvrière au PQ et à son programme indépendantiste, la bureaucratie syndicale a divisé la classe ouvrière québécoise de la classe ouvrière au Canada et du mouvement de radicalisation de la classe ouvrière internationale dans ces années. Pour ce faire, ils ont avancé un programme réformiste national.
Toutefois, tout au long de cette période, les dirigeants syndicaux ont toujours jalousement défendu la prétention que les syndicats étaient indépendants du PQ puisqu'ils ne lui donnaient qu'un appui ponctuel. Ils pontifiaient que les syndicats ne devaient pas s'impliquer en politique. Les dirigeants syndicaux voulaient ainsi garder une plus grande marge de manoeuvre pour négocier avec l'autre parti du patronat, le Parti libéral du Québec (PLQ) et se défendre contre une opposition au sein du mouvement ouvrier qui critiquait les bureaucrates syndicaux pour leur collaboration de classe. Le PQ a toujours été très accueillant pour les bureaucrates syndicaux qui voulaient y entreprendre une deuxième carrière. Aujourd'hui, cela se voit moins au PQ lui-même et c'est le Bloc québécois, l'aile fédérale du PQ qui a pris la relève dans les plans de carrière des dirigeants syndicaux. Toutefois, avec SPQ libre, une section importante de la bureaucratie s'identifie aujourd'hui ouvertement avec le PQ en s'organisant comme un groupe de pression intégré dans le PQ. Une autre section, représentée par Henri Massé, le président de l'importante Fédération des travailleurs du Québec, trouve que l'implication de SPQ libre avec le PQ va trop loin. Au même temps, l'élection sans opposition de Richard au poste de président montre aussi que le PQ veut s'appuyer plus ouvertement sur les bureaucrates syndicaux qui ont constitué au fil des ans les plus fidèles alliés du parti indépendantiste. Le PQ cherche ainsi à ralentir l'érosion de son appui populaire qui est le plus prononcé parmi les travailleurs. En 2003, le PQ perdait presque un tiers de voix par rapport à l'élection précédente et faisait, en terme de pourcentage du vote exprimé, son pire score depuis 1973, à l'époque où il n'avait jamais encore été au pouvoir. Après l'élection, les chroniqueurs politiques discutaient de savoir si l'on assistait à la mort du mouvement souverainiste. Bien que les quotidiens soient demeurés muets sur cette question, il ne fait aucun doute que l'accession de Monique Richard au poste de présidente a fait l'objet d'une entente entre les dirigeants du PQ et le SPQ libre. L'entente conclue entre les bureaucrates syndicaux et Bernard Landry est d'autant plus significatif que ce dernier est identifié avec l'aile droite du parti ouvertement néolibérale. Depuis près de deux ans, le PQ est miné par une lutte intestine pour la position du chef du parti. Au cours des derniers mois, Bernard Landry, le chef actuel du PQ a réussi à s'imposer et il semble qu'il réussira à avoir un appui suffisant lors du congrès pour continuer à diriger le parti, ce qui était loin d'être certain il y a quelques mois encore. Monique Richard, qui avait refusé d'appuyer Bernard Landry lors de sa mise en candidature en février, c'est prononcé en sa faveur au début mai. Le SPQ libre n'a pas perdu de temps pour faire la démonstration qu'il faisait partie des tendances les plus chauvines au sein du PQ. Il a appuyé la proposition des «purs et durs», le nom donné à la tendance indépendantiste la plus radicale au sein du PQ, pour interdire l'accession aux cégeps anglophones ( le premier niveau de l'éducation post-secondaire au Québec) à la majorité de la population. L'élection de Richard vient confirmer le tournant que la bureaucratie syndicale avait amorcé avec la formation de SPQ libre. L'organisation est née au début 2004 en réponse à un grand mouvement d'opposition des travailleurs au gouvernement provincial libéral. Elle fut créée sous l'impulsion de dirigeants d'importants syndicats québécois, d'ex-dirigeants de centrales syndicales et de personnalités des milieux sociaux et communautaires proche de la bureaucratie syndicale. L'appareil du PQ a accueilli SPQ libre à bras ouverts et, à la demande de SPQ libre, a modifié ses statuts pour permettre l'existence de «clubs politiques». SPQ libre voulait se définir comme un «club politique», une forme politique empruntée au Parti socialiste français, qui permet à une organisation d'exister de façon indépendante et en tant que tendance organisée au sein d'un parti, une formule qui offre le maximum de souplesse aux dirigeants syndicaux, leur permettant de désapprouver les politiques du PQ «sans déchirer leur carte de membre». En créant SPQ libre, les bureaucrates syndicaux réagissaient à la désaffection envers le PQ, essayant de ressusciter l'illusion qu'il serait un parti plus proche des travailleurs. Commentant son élection à la présidence du PQ, Richard aurait déclaré qu'elle souhaitait que sa «présence va donner un signal que les personnes plus à gauche peuvent se retrouver dans le Parti québécois. J'espère que les sceptiques seront confondus». Avec SPQ libre, la bureaucratie syndicale tente consciemment de sauvegarder le principal mécanisme politique utilisé depuis les années 70 pour empêcher que se développe un mouvement indépendant de la classe ouvrière. C'est grâce à l'appui des centrales syndicales que le PQ a pu devenir le parti qui alterne avec le Parti libéral du Québec au pouvoir depuis 35 ans. En 1996, pour mettre en oeuvre son programme du «déficit zéro», le PQ a obtenu l'appui actif des dirigeants syndicats qui sont allés beaucoup plus loin qu'un appui inconditionnel. Ce sont les dirigeants syndicaux qui ont insisté pour le gouvernement utilise les surplus de la caisse de retraite pour éliminer des dizaines de milliers d'emplois dans le secteur public, ce qui a entraîné une importante diminution des services publics. L'état actuel du système de santé est une conséquence directe de la politique mise de l'avant par les dirigeants syndicaux. D'un côté, les dirigeants syndicaux cherchent à protéger leur position sociale de plus en plus menacée par le glissement à droite de toute la politique officielle. Le système de collaboration entre le gouvernement, le patronat et les syndicats en place au Québec depuis le milieu des années 70 est de plus en plus remis en question par la grande entreprise qui considère que les désagréments engendrés par l'opposition organisée des travailleurs sont de moins en moins importants, en grande partie grâce aux efforts des dirigeants syndicaux eux-mêmes. D'un autre côté, et c'est le plus important des deux, la bureaucratie syndicale craint que l'opposition des travailleurs aux politiques néolibérales du gouvernement libéral actuel ne mène à une situation politique incontrôlable, surtout dans le cas où le PQ est si discrédité aux yeux de la classe ouvrière. Les dirigeants syndicaux sont très conscients de l'immense opposition que suscitent les politiques du gouvernement libéral de Jean Charest et de son prédécesseur au gouvernement, le PQ. Six mois après son élection, le gouvernement Charest affrontait une importante montée du militantisme ouvrier contre ses politiques de «réingénierie de l'État» et ses lois anti-syndicales. Les bureaucrates syndicaux ont dû soulever la menace d'une grève générale d'un jour pour mieux étouffer une mobilisation de crainte qu'elle échappe à leur contrôle. Ce printemps, une grève des étudiants contre les coupures dans le régime des prêts et bourses a provoqué une crise politique importante et les dirigeants syndicaux ont volé au secours du gouvernement. Depuis la fin de 2003, le taux d'insatisfaction envers le gouvernement oscille autour de 70 pour cent. La bureaucratie syndicale, tentant de sauver le PQ en l'intégrant,
révèle peut-être un peu plus qu'elle aimerait
les véritables rapports entre les appareils syndicaux
et le monde des affaires : ils constituent une partie intégrale
de l'establishment. Aujourd'hui, ils ont de moins en moins le
luxe de se présenter comme une force indépendante.
Et il devient de plus en plus clair que la construction d'une
organisation ouvrière indépendante de la classe
ouvrière signifiera une mobilisation de la classe ouvrière
contre ses anciens appareils.
Voir aussi:
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