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Editorial du magazine gleichheit (juillet-août 2005)

L'Europe en crise

Par Peter Schwarz
(Article original paru le 1er juillet 2005)

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L'édition de juillet-août du magazine gleichheit paraît ces jours-ci. Elle contient d'importants articles du World Socialist Web Site. Nous publions ici l'éditorial de la nouvelle édition.

Soixante ans après la deuxième guerre mondiale, l'Union européenne se trouve dans une crise politique profonde. L'échec du sommet européen de Bruxelles de juin, consacré aux questions financières, et les injures échangées par les chefs de divers gouvernements à sa suite, étaient plus qu'une dispute semblable à tant d'autres dans l'histoire de l'Union européenne et de ses prédécesseurs. L'ensemble du projet d'unification européenne sur une base capitaliste se trouve dans une impasse hors de laquelle il n'y a pas d'issue.

Trois facteurs jouent un rôle dans cette crise.

La globalisation a miné à long terme la possibilité de corriger jusqu'à un certain point les disparités régionales et sociales. Se trouvant dans une concurrence avec les pays à bas salaires et à impôts réduits sur le plan mondial, le capital européen ne peut tout simplement plus se permettre les dépenses représentées par les subventions agricoles, les fonds régionaux et autres subventions, sans même parler d'un système social répartitif financé par l'impôt. Le fait que le chef du gouvernement britannique ait qualifié les subventions agricoles, qui représentent plus de 40 pour cent de l'Union europénne, de simple « absurdité » en est une éloquente manifestation.

Mais ces dépenses ne se laissent pas éliminer sans abattre le système social et politique à l'équilibre délicat qui s'est développé dans les pays européens après la deuxième guerre mondiale. Il s'ensuit non seulement des crises politiques intérieures, mais aussi une défense de plus en plus agressive d'intérêts proprement nationaux. Les gaullistes français, les berlusconiens italiens les travaillistes britanniques tout comme les sociaux-démocrates et les chrétiens-démocrates allemands défendent d'abord, malgré tous leurs aveux d'européanisme, les intérêts nationaux dès que ceux-ci sont menacés.

Le second facteur est la pression croissante exercée par les Etats-Unis. Depuis la guerre d'Irak, Washington se sert délibérément de son influence en Europe afin de saboter l'arrivée sur la scène mondiale d'un concurrent qui devienne son égal. Les Etats-Unis sont en cela soutenus par la Grande-Bretagne qui considère que la meilleure façon d'assurer sa propre position vis-à-vis de l'Allemagne et de la France est de s'ériger en partenaire des Etats-Unis et par les nouveaux membres à l'Est de l'Union européenne, qui craignent une domination de l'Allemagne et de la France et avant tout la création d'un axe Berlin-Paris-Moscou.

Il y a deux ans, nous écrivions dans notre revue: « Si l'Europe occidentale se plie aux diktats des Etats-Unis, ils accepteront, pour emprunter le langage du quotidien conservateur français Le Figaro, leur transformation en 'simple protectorat des Etats-Unis'. Une résistance ouverte comporte cependant le risque d'une confrontation militaire avec les Etats-Unis dont l'issue serait vraissemblablement catastrophique. Chacune de ces alternatives, mais tout autant une solution intermédiaire, déstabiliserait considérablement les relations entre les pays européens. En outre, les conséquences sociales du conflit entre la 'vieille europe'et les Etats-Unis intensifieront nécessairement les tensions entre les classes dans chaque pays. » (David North « Comment se comporter vis-à-vis des Etats-Unis? Le dilemme des Européens », 25 juin 2003)

Depuis, le dilemme des Européens n'a fait que s'intensifier. Dans la 'vieille Europe' aussi, les voix se multiplient pour préconiser une plus grande collaboration avec les Etats-Unis. Pour justifier cela on invoque le défi représenté par l'essor économique rapide de la Chine et de l'Inde et, de ce point de vue, on pense que les deux plus puissants blocs impérialistes ne peuvent se permettre aucun conflit entre eux.

Mais, c'est plus facile à dire qu'à faire. Il y a de puissants facteurs économiques s'opposant à une réconciliation avec Washington. Les Etats-Unis vivent de plus en plus aux dépens du reste du monde. Le déficit de la balance américaine des paiements atteignit, avec 195 milliards de dollars au premier trimestre de cette année, un nouveau record; ce qui représente, sur un an, presque 800 milliards de dollars. Pour financer ce déficit il est nécessaire de transférer tous les jours à partir d'autres pays deux milliards de dollars aux Etats-Unis.

Même des économistes conservateurs mettent en garde contre les conséquences explosives de cette évolution. Jeffrey Sachs de l'université de Columbia écrit ainsi dans un artricle publié dans la Süddeutsche Zeitung: « D'une façon étrange mais peu surprenante, l'Amérique cogne à présent sur d'autres pays du fait de ses propres problèmes. Les énormes baisses d'impôts et les dépenses militaires grandissantes ont conduit à une hausse exhorbitante des importations et, par conséquent, à un énorne déficit de la balance des paiements à quoi s'ajoute la faiblesse de la situation politique budgétaire intérieure. Mais, les politiciens américains donnent la faute à la Chine et à d'autres pays qu'ils accusent de pratiquer un 'commerce injuste' et ils les menacent même de sanctions. »

Il est évident que l'Europe non plus n'est pas épargnée par les Etats-Unis. Le conflit commercial permanent entre Boeing et Airbus en est un symptôme évident. S'ajoute à cela la lutte, conduite par Washington avec des moyens militaires, pour des sources d'énergie qui se raréfient, un problème intensifié par les besoins grandissants de la Chine.

Le troisième facteur contribuant à la crise de l'Union européenne est la résistance grandissante d'une grande partie de la population vis-à-vis d'une évolution sociale qu'elle rejette.

Cette résistance s'exprima pour la première fois à travers toute l'Europe il y a deux ans alors que dans le monde entier des millions de gens descendirent dans la rue contre la guerre en Irak. Quelques gouvernements européens, qui rejetèrent la guerre contre l'Irak pour leurs propres raisons purent se servir de ce mouvement à leurs propres fins. En Allemagne, la coalititon rouge-verte fut réélue à la suite de l'annonce par le chancelier Schröder que l'Allemagne ne soutiendrait pas la guerre. Mais, les motifs des manifestants se distinguaient fondamentalement de ceux des gouvernements. Pour les manifestants, il s'agissait d'un rejet de la guerre et du militarisme en tant qu'élément d'une évolution économique déterminée par les plus puissants intérêts capitalistes, pour les gouvernments il s'agissait de la défense de leurs propres intérêts impérialistes face à ceux des Etats-Unis.

Cette résistance s'est encore manifestée plus nettement depuis. En Allemagne, le SPD a annoncé des élections anticipées après que les électeurs et les adhérents l'aient déserté en masse en opposition à sa politique en faveur du patronat. Dans les deux référendums qui furent tenus en France et en Hollande, le rejet de la constitution européenne se dirigea contre le cours néolibéral de l'Union européenne et des gouvernements de ces deux pays. Il est clair maintenant que les sentiments des masses se trouvent très à gauche de la politique officielle telle qu'elle est représentée par les partis sociaux-démocrates et les partis conservateurs.

La réaction de la politique officielle à cet état de chose est d'aller encore plus à droite. En Allemagne, le SPD a exclu toute modification de son « Agenda 2010 » et un gouvernment constitué par les chrétiens-démocrates (CDU) et les libéraux (FDP) intensifiera les attaques contre les droits démocratiques et sociaux. En France, on promeut Nicolas Sarkozy, qui préconise un cours explicitement néolibéral et pro-américain, comme successeur du président Jacques Chirac. Et le chef du gouvernment britannique, Tony Blair, voit dans la crise en Allemagne et en France et dans la présidence britannique de l'Union europénne commencée en juillet, une occasion de remodeler l'Europe selon le modèle britannique.

Dans son discours inaugural devant le parlement européen, Blair préconisa une « modernisation » de l'Europe. « Le but de notre modèle social doit être d'améliorer notre compétitivité » dit-il. L'Union européenne doit « se débarrasser d'une partie de sa réglementation superflue, réduire sa bureaucratie et se faire le champion d'une Europe globale, tournée vers l'extérieur, compétitive ". L'Europe doit devenir « un participant actif de la politique étrangèere », non en tant que rival des Etats-Unis mais en tant que « bon partenaire ».

Un regard jeté sur la Grande-Bretagne montre ce que Blair a en tête. Ce sont les bas salaires et non pas la vieillesse, comme dans les années cinquante et soixante qui y sont devenus la cause principale de pauvreté. Plus d'un tiers des ménages fait à présent partie de ce qu'on appelle les « travailleurs pauvres », c'est-à-dire des gens qui ont un travail, mais qui ne peuvent pas vivre de leur revenu. Le temps de travail y est aussi le plus long d'Europe. Plus d'un quart de tous les enfants vivent officiellement dans la pauvreté, un des taux les plus élevés des pays industrialisés. Les impôts sur les entreprises sont parmi les plus bas d'Europe, tandis que les impôts indirects, qui touchent avant tout la masse de la population, sont parmi les plus élevés.

Il serait toutefois erroné de croire que les adversaires de Blair au sein de l'Union européenne dont Jean-Claude Juncker, le président luxembourgeois, se fit le porte-parole lors du récent sommet, s'opposent à ce cours. Les propositions de Blair ont eut, surtout dans la presse allemande, beaucoup de soutien. Pour ce qui est de la baisse des impôts sur les entreprises, l'introduction de bas salaires et l'allongement du temps de travail, l'Allemagne et la France ont dans les dernières années rattrappé une grande partie de leur retard sur l'Angleterre. Leur principale divergence avec Blair est du domaine de la politique extérieure. Ils pensent qu'il faut poursuivre l'intégration politique de l'Union européenne afin de pouvoir agir de concert dans les questions de politique extérieure et tenir tête aux Etats-Unis.

C'est contre cette coulisse de tensions sociales grandissantes qu'il faut voir l'apparition du pacte électoral entre le WASG (Alliance électorale travail et justice sociale) et du PDS (Parti du socialisme démocratique) avec comme figure de proue l'ancien premier secrétaire du SPD, Oskar Lafontaine. Ce parti, constitué par des sociaux-démocrates, des fonctioniares syndicaux et des staliniens de longue date, rejette explicitement une perspective socialiste et se réclame des rapports de propriété capitalistes. En réponse à la crise de l'Union europénne, Lafontaine propose une Europe forte dominée par l'Allemagne et la France et qui s'impose par rapport au reste du monde.

La tâche de ce parti est d'empêcher un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière européenne. Ses efforts pour protéger les emplois et les salaires en érigeant une sorte de mur protecteur autour d'une ou de plusieurs nations sont aussi inefficaces que réactionnaires.

Le Parti de l'Egalité sociale (Partei für soziale Gleichheit, PSG) prend part à l'élection législative avec son propre programme en tant que section allemande de la Quatrième Internationale. Ce programme est diamétralement opposé à celui du WASG et du PDS. Nous participons à cette élection avec des listes dans quatre Länder afin d'initier un débat sur un programme socialiste international. Nous voulons ouvrir la voie à un large mouvement politique de masse dans toute l'Europe et qui soit dirigé contre le système capitaliste. Notre but ce sont les Etats-Unis socialistes d'Europe.

Cette édition de gleichheit reproduit la déclaration électorale du PSG. Elle contient en outre une analyse du parti de Lafontaine et de la biographie politique de la candidate de la CDU à la chancellerie, Angela Merkel. Plusieurs articles traitent des référendums sur la constitution europénne en France et en Hollande ainsi que de la crise sociale et politique aux Etats-Unis. L'édition se termine par un exposé de David North, rédacteur en chef du World Socialist Web Site, intitulé "60 ans depuis la fin de la deuxième guerre mondiale", ainsi que par un article sur le bi-centenaire de la mort de Friedrich Schiller.

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