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Les vingt mensonges de George W. Bush

par Patrick Martin
20 mars 2003

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Le discours de quinze minutes du 17 mars présenté par le Président Bush, qui donnait 48 heures à l'Irak avant de déclencher une guerre, dépassait les exagérations, les demi-vérités et les appels à la peur et aux émotions primitives auxquels on est habitué, incorporant un nombre remarquable de mensonges évidents et faciles à démonter.

L'échelle énorme des mensonges suggère deux conclusions politiques : l'administration Bush va en guerre contre l'Irak avec un dédain total pour la démocratie et l'opinion publique et sa propagande de guerre dépend largement du soutien des médias américains, qui ne se contentent pas de ne pas exposer les mensonges, mais les répètent et les renforcent constamment.

Sans essayer de faire une liste concrète, on peut énumérer certains des mensonges les plus importants et les contraster avec les réalités généralement reconnues. Tous les mensonges ci-dessous proviennent directement de la traduction française du texte du discours de Bush publié sur Internet par le gouvernement américain.

Mensonge #1 : «Mes chers concitoyens, nous voici arrivés aux tout derniers jours de décision concernant les événements d'Irak».

On a pris la décision d'attaquer l'Irak il y a longtemps ; depuis on essaie de créer le climat politique nécessaire pour permettre le déploiement des troupes américaines. Selon la presse, notamment le Baltimore Sun du 16 mars, à une des premières réunions du Conseil de sécurité Nationale de sa présidence, plusieurs mois avant les attentats terroristes contre le World Trade Center et le Pentagone, Bush a exprimé sa détermination de renverser Saddam Hossein et sa volonté d'insérer des troupes américaines en Irak. Pour ce faire, il fallait simplement trouver le bon prétexte ­ celui du 11 septembre, 2001.

Mensonge #2 : «Pendant plus de dix ans, les Etats-Unis et d'autres pays ont fait des efforts patients et honorables pour désarmer le régime irakien en évitant la guerre».

Le régime onusien de sanctions contre l'Irak, dirigé par les Etats-Unis, avec les zones interdites aux avions irakiens et les inspections provocatrices, était un état d'oppression brutale. Les pénuries sciemment orchestrées de nourriture, médicaments et d'autres besoins essentiels ont provoqué la mort de plus d'un million d'Irakiens, dont la moitié étaient des enfants. Deux fonctionnaires de l'ONU qui dirigeaient le programme pétrole-pour-nourriture ont démissionné pour protester contre les conditions que créaient les sanctions en Irak. La CIA a utilisé les inspections pour infiltrer des agents dans UNSCOM, le premier programme d'inspections. Le but de la CIA était d'espionner les dirigeants irakiens et de tenter d'assassiner Saddam Hussein.

Mensonge #3 : «Le régime irakien s'est servi de la diplomatie comme d'un stratagème pour gagner du temps et des avantages. Il a uniformément défié les résolutions du Conseil de sécurité exigeant le désarmement complet».

L'Irak n'a jamais «défié» une résolution du Conseil de sécurité depuis la fin de la guerre du Golfe de 1991. Il a généralement coopéré avec les instructions de l'ONU, souvent avec des protestations ou des réserves, parce que beaucoup des résolutions violaient largement la souveraineté irakienne. De 1991 à 1998 les inspecteurs onusiens ont assuré la destruction de la vaste majorité des armes chimiques et biologiques et des moyens de les déployer. L'Irak les avait accumulés (avec l'aide des Etats-Unis) pendant la guerre avec l'Iran et a aussi détruit tout le matériel permettant de fabriquer de nouvelles armes.

Mensonge #4 : «Les efforts pacifiques visant à désarmer le régime irakien ont tous échoué les uns après les autres, parce que nous n'avions pas affaire à des hommes pacifiques».

Selon le Washington Post du 16 mars, parlant des inspections de 1991-1998,»Sous les instructions de l'ONU, l'Irak a détruit 817 des 819 missiles à portée moyenne proscrits, 14 lance-missiles, 9 remorques et 56 sites fixes lanceurs de missiles. Il a aussi détruit 73 de 75 ogives chimiques ou biologiques et 163 ogives conventionnelles. Les inspecteurs onusiens ont aussi observé la destruction de 88.000 armes chimiques vides et non-vides, de plus de 600 tonnes d'agents chimiques en gros et à l'état d'armement, de 600 tonnes d'ingrédients chimiques et de 980 pièces considérées comme essentielles pour produire de telles armes».

Mensonge #5 : «le régime irakien continuer de posséder et de dissimuler certaines des armes les plus mortelles qui aient jamais été mises au point».

L'article du Washington Post cité ci-dessus remarquait que les membres de la CIA se demandent «si les fonctionnaires de l'administration ont exagéré les renseignements en désirant convaincre le peuple américain et les gouvernements étrangers que l'Irak viole les prohibitions onusiennes contre les armes chimiques, biologiques, ou nucléaires et les systèmes de missile à longue portée». L'article a cité un «analyste de renseignement expérimenté» qui prétendait que les inspecteurs ne trouvaient pas d'armes cachées «parce qu'il n'y a pas grandchose comme stock».

L'ancien ministre des Affaires étrangères britannique Robin Cook, qui a quitté le gouvernement Blair lundi pour protester contre la décision de partir en guerre sans l'autorisation de l'ONU, a déclaré : «L'Irak n'a probablement pas d'armes de destruction massive dans le sens normal du terme». Même si l'Irak cache des restes de son arsenal des années 1980, ceux-ci ne mériteraient aucunement la description terrifiante de Bush ­ elles sont primitives et relativement inefficaces. «Certaines des armes les plus mortelles qui aient jamais été mises au point» sont celles déployées par les Etats-Unis contre l'Irak : des missiles de croisière, des bombes guidées, des bombes barithermique, la bombe «daisy-cutter» [littéralement, faucheuse de marguerites] de 5.000 kg, la bombe MOAB à effet de souffle de 10.000 kg récemment testé en Floride. En plus, les Etats-Unis ont explicitement refusé de dire qu'ils n'utiliseraient pas des armes nucléaires.

Mensonge #6 : «[L'Irak] a aussi aidé, formé et abrité des terroristes, y compris des agents d'al-Qaïda».

Personne, même dans le gouvernement américain, ne croit sérieusement qu'il y a un lien important entre les intégristes islamiques et le régime laïc nationaliste baasiste d'Irak, qui sont des ennemis mortels depuis des décennies. L'affirmation continue d'une entente al-Qaïda-Irak est une tentative désespérée de lier Saddam Hussein aux attentats du 11 septembre.

Cela a aussi l'avantage de cacher la responsabilité de l'impérialisme américain dans la montée du terrorisme intégriste islamique. Les forces d'al-Qaïda ont été largement recrutées, entraînées, armées et déployées par la CIA elle-même, comme partie d'une politique à long terme d'utiliser les intégristes islamiques comme une arme contre les mouvements de gauche dans les pays islamiques. Cette politique a commencé dans les années 1950 ; elle fut particulièrement prononcée avant et pendant l'intervention soviétique en Afghanistan qui a fini en 1989. Oussama ben Laden lui-même faisait partie de forces moudjahidines soutenues par la CIA avant de se retourner contre Washington dans les années 1990.

Mensonge #7 : «L'Amérique a essayé de travailler avec les Nations unies afin de parer à cette menace parce que nous voulions résoudre le problème de façon pacifique».

L'administration Bush est allée à l'ONU parce qu'elle voulait un blanc-seing onusien pour ses actions militaires et elle voulait que les états membres finance les opérations d'après-guerre, comme lors de la guerre du Golfe de 1991. Les faucons les plus décidés, comme le secrétaire à la Défense Rumsfeld et le vice-président Cheney, ont commencé par s'opposer à l'idée d'aller à l'ONU car ils ne voulaient pas que la diplomatie ralentisse les préparatifs militaires. Ils ont seulement été d'accord après que le secrétaire d'Etat Colin Powell ait affirmé que les préparatifs militaires américains laissaient le temps d'aller à l'ONU pour y obtenir son approbation.

Mensonge #8 : «Ces Etats [la majorité au Conseil de sécurité] évaluent comme nous le danger existant, mais n'ont pas notre résolution à y faire face».

Ceci contredit presque tous les communiqués sur l'Irak des gouvernements de la France, de la Russie, de la Chine, de l'Allemagne et des autres pays opposés aux actions militaires, qui ont maintes fois répété qu'ils ne voient pas de menace imminente irakienne. Bush traite l'opposition au Conseil de sécurité de poltrons, comme s'ils craignaient d'agir contre Saddam Hussein. Ces pays étaient pourtant bien de plus en plus inquiets, mais devant les Etats-Unis, pas l'Irak. S'ils ont résolu de faire face à quelque chose, à la grande surprise de l'administration Bush, c'était de refuser le soutien de l'ONU pour une guerre que Washington avait déjà décidé de mener.

Mensonge #9 : «De nombreux pays ont toutefois la détermination et le courage d'agir contre cette menace qui pèse sur la paix et une large coalition se forme maintenant pour faire respecter les exigences justes de la communauté internationale».

Trois nations seulement contribuent des forces militaires à la guerre : 250.000 des Etats-Unis, 40.000 de la Grande-Bretagne et 2.000 de l'Australie. Les autres membres de la «large coalition» sont ceux qui, grâce à des menaces ou à des pots-de-vin, permettent aux Etats-Unis de survoler leurs territoires pour bombarder l'Irak, de stationner des troupes, des navires ou des avions sur leurs territoires ou de fournir une aide technique ou une aide matérielle à la guerre. Aucun de ces pays ne combattra. Tous agissent contre la volonté exprimée par leurs peuples.

Mensonge #10 : «Le Conseil de sécurité ne s'est pas montré à la hauteur de ses responsabilités ; nous assumerons donc les nôtres.»

Bush définit la responsabilité de l'ONU comme étant d'approuver toutes les actions du gouvernement américain. Par rapport à l'ONU, cependant, les Etats-Unis ont certaines responsabilités bien définies, y compris de ne pas faire la guerre sans l'autorisation du Conseil de sécurité, sauf en cas de défense immédiate. Sous l'article 42 de la charte de l'ONU, c'est au Conseil de sécurité, pas aux Etats-Unis ou à la Grande-Bretagne, de décider comment on assurera le respect des résolutions du Conseil de sécurité, telle la résolution 1441. La décision américaine de «faire respecter» son interprétation de 1441 quelle que soit la volonté du Conseil de sécurité contredit en fait la loi internationale.

Mensonge #11 : «Si nous devons entamer une campagne militaire, elle sera dirigée contre les hommes sans foi ni loi qui gouvernent votre pays et non pas contre vous.»

La stratégie militaire américaine, largement expliquée dans la presse, est un bombardement aérien de l'Irak si intensif que «le choc et l'affolement» du peuple irakien forcera les armées irakiennes à se rendre en masse. Selon une version dans la presse, les forces américaines et britanniques «préparent à lancer la nuit les frappes aériennes les plus dévastatrices sur un seul pays dans toute l'histoire des forces aériennes. On détruira simultanément des centaines de cibles dans toutes les régions de l'Irak». Les prédictions des pertes de civils irakiens sous l'impact immédiat des bombes et missiles varient entre des milliers et des centaines de milliers ou même plus quand on tient compte de l'effet à long terme des bombes.

Mensonge #12 : «Lorsque notre coalition les chassera du pouvoir, nous vous distribuerons les vivres et les médicaments dont vous avez besoin.»

Ceci est particulièrement cynique, puisque l'effet immédiat de l'ultimatum de 48 heures de Bush était l'évacuation des travailleurs humanitaires de l'ONU et l'annulation du programme pétrole-pour-nourriture, qui nourrit 60 pour cent de la population irakienne. Quant aux médicaments, les Etats-Unis ont systématiquement privé le peuple irakien de médicaments essentiels pendant les 12 dernières années, insistant que même le matériel médical le plus essentiel, tels les antibiotiques ou les seringues, étaient à «multi-usage» et devaient être proscrits pour qu'ils ne servent pas à un programme de guerre biologique.

Mensonge #13 : «Nous détruirons l'appareil de la terreur et nous vous aiderons à construire un nouvel Irak qui sera prospère et libre.»

Le but de l'administration Bush est d'installer un régime fantoche à Bagdad, prenant d'abord la forme d'une dictature militaire américaine. On n'exagère pas en disant que le gouvernement américain a été l'aide principale aux dictatures du monde, de Pinochet au Chili et Suharto en Indonésie à Saddam Hussein lui-même qui, selon un rapport récent, a commencé sa vie politique en tant qu'assassin anti-communiste participant à un complot de la CIA pour assassiner le président irakien Qasem, gauche-nationaliste, en 1959.

Un rapport secret du département d'Etat décrit par le Los Angeles Times du 14 mars a non seulement conclu qu'un Irak démocratique n'allait sans doute pas sortir de la dévastation de la guerre, mais que ceci ne serait même pas désirable du point de vue des intérêts américains, car «le sentiment anti-américain est si répandu que des élections à court terme pourraient installer au pouvoir un gouvernement islamiste hostile aux Etats-Unis».

Mensonge #14 : «Si Saddam Hussein devait choisir l'affrontement, le peuple américain saura que l'on a pris toutes les mesures nécessaires pour éviter la guerre et également toutes les mesures nécessaires pour la gagner.»

Ceci combine un mensonge et une vérité brutale. L'administration Bush a pris toutes les mesures possibles pour s'assurer que la guerre aura lieu, traitant le redémarrage des inspections de l'ONU avec une hostilité à peine dissimulée et réservant son venin pour ces pays qui suggèrent qu'il est possible d'arriver à une solution diplomatique en Irak. En menant la guerre, l'administration Bush accepte en effet d'utiliser «toutes les mesures», y compris les armes nucléaires, pour la gagner.

Mensonge #15 : «Rien n'est certain dans la guerre, sauf les sacrifices.»

Il y aura des sacrifices énormes pour le peuple irakien et des sacrifices en vies et économiques pour le peuple américain aussi. Mais pour la vraie base politique de Bush, la couche la plus aisée au sommet de la société américaine, il n'y aura pas de sacrifices. L'administration cherche une réduction d'impôts de 700 milliards, y compris l'abolition des impôts sur les dividendes des sociétés. De grandes sociétés américaines se préparent à obtenir des centaines de millions de dollars de profits en reconstruisant l'infrastructure irakienne détruite par l'assaut américain. On peut citer comme exemple la société de contruction pétrolière Halliburton, que le vice-président Cheney dirigeait avant de rejoindre l'administration Bush et qui continue à lui réserver un salaire.

Mensonge #16 : «le seul moyen de réduire les dommages causés par la guerre et sa durée est d'appliquer toute la force et toute la puissance de notre armée et nous sommes prêts à le faire».

Tout agresseur dit qu'il déplore les souffrances de la guerre et tente de critiquer la victime qui résiste, prolongeant ainsi les maux. Bush n'agit pas différemment. Ses prétentions hypocrites à de la «sollicitude» pour le peuple irakien ne peuvent dissimuler le fait que cette guerre, comme les apologues de l'administration l'avouent ouvertement, est une «guerre voulue», sciemment poursuivie par le gouvernement américain pour poursuivre ses intérêts stratégiques au Moyen-Orient.

Mensonge #17 : «La menace terroriste qui pèse sur les Etats-Unis et le reste du monde diminuera dès que Saddam Hussein sera désarmé.»

Personne, même dans le gouvernement et l'établissement militaire américains, ne le croit sérieusement. Le personnel anti-terroriste américain a dit à maintes reprises que conquérir et occuper l'Irak, tuant des milliers d'Arabes et de musulmans et enrageant l'opinion publique du monde islamique comme ailleurs, loin de diminuer la menace terroriste, l'augmentera.

Mensonge #18 : «Nous agissons maintenant parce que les risques de l'inaction seraient encore beaucoup plus grands. Dans un an, peut-être cinq ans, la capacité de l'Irak de nuire aux autres pays libres serait multipliée à l'infini.»

Ceci contredit directement l'expérience des douze dernières années, pendant lesquelles les capacités militaires de l'Irak ont constamment diminué. Saddam Hussein n'a jamais menacé un «pays libre», si ce terme a un sens, mais seulement l'Iran et les monarchies pétrolières réactionnaires du Golfe Persique, qui ont tous des régimes dirigeants aussi répressifs que le sien.

Mensonge #19 : «En réclamant le respect des justes exigences du monde, nous honorerons également les engagements solennels de notre pays.»

Les justes exigences du monde ont trouvé expression dans la mobilisation de millions de personnes qui ont manifesté dans des villes à travers le monde les 15 février et 15 mars contre un assaut unilatéral américain contre l'Irak. Bush se pose en défenseur d'anciennes résolutions du Conseil de sécurité contre l'Irak («les justes exigences du monde»), tout en contredisant la volonté de la majorité du Conseil de sécurité, des gouvernements du monde et de l'humanité.

Mensonge #20 : «Contrairement à Saddam Hussein, nous croyons que le peuple irakien mérite la liberté et est capable de l'assumer. [] Les Etats-Unis, avec d'autres pays, oeuvreront à promouvoir la liberté et la paix dans cette région.»

Substituons pour «le peuple irakien» «le peuple égyptien», «le peuple de la péninsule arabe», «le peuple pakistanais», ou ceux d'autres dictatures appuyées par les Etats-Unis, pour ne pas parler des Palestiniens qui vivent sous une occupation israélienne brutale soutenue par les Etats-Unis. Le gouvernement américain croit-il qu'ils «méritent la liberté» ou qu'ils soient «capables de l'assumer» ? Quand le parlement de la Turquie, sous la pression de l'opinion publique, a voté pour interdire aux Etats-Unis l'utilisation du territoire turc pour envahir l'Irak, l'administration Bush a fait un appel aux forces armées turques pour faire pression sur le gouvernement pour renverser cette décision démocratique.

Voir aussi :

 


 

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