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la tentative d'auto-amnistie du gouvernement Raffarin provoque une crise politiquePar Alex Lefebvre Le débat autour de la loi d'amnistie républicaine traditionnellement accordée après chaque élection présidentielle a exposé l'ampleur de l'instabilité politique en France. Rentrant dans le cadre de l'actuelle dérive sécuritaire en France, le débat s'est concentré en grande partie sur la réduction des amnisties pour les crimes violents ou les petits délits : stationnement gênant, possession de chien dangereux, etc. Cependant, le contenu du débat était la forte discorde au sein de la classe politique suscitée par la tentative des proches du Président Chirac d'amnistier les délits politico-financiers dont ils sont eux-mêmes coupables. Le député UMP (Union pour la Majorité Présidentielle, le nouveau parti regroupant la droite centriste française et dirigé par des proches du Président Chirac) Michel Hunault, rapporteur de la loi d'amnistie, a tâté le terrain politique le 5 juillet, annonçant qu'il « faudra bien poser la question de la prescription des délits politico-financiers dans la plus grande transparence». Il a précisé que l'« on n'échappera pas, un jour, au débat sur le délai de prescription de l'abus de biens sociaux » (ABS). L'importance des ABS tels les versements de commissions illégales par une entreprise ou de salaires fictifs à une organisation est que cette rubrique regroupe la plupart des délits dont on accuse les membres du gouvernement et des cercles politiques dirigeants, dont le Président Chirac et le chef de l'UMP, l'ancien premier ministre Alain Juppé. Le nombre, l'ampleur, et la complication des « affaires », même si l'on se limite aux seules affaires politico-financières, est remarquable. Entre autres, on accuse Chirac de complicité dans un système de pots-de-vin dans le bâtiment et les travaux publics en Ile-de-France et d'avoir aidé à étouffer un scandale sur le financement des publications officielles de la ville de Paris quand il en était le maire. Juppé est impliqué dans une affaire d'emplois fictifs au RPR (Rassemblement pour la République, l'ancien parti chiraquien). Les trésoriers du RPR sont également poursuivis. La réaction du reste de la classe politique a été dévastatrice. François Bayrou, chef de la section de l'UDF (Union pour la Démocratie Française) qui n'a pas été absorbée par l'UMP, a déclaré : « Je m'opposerai de toutes mes forces à toute tentative d'amnistie». Faisant allusion aux rivalités énormes qui existent au sein de l'UMP, et en particulier des divisions RPR-UDF, L'Express jugeait alors que « tout parlementaire de l'UMP qui déposerait un amendement 'autoamnistiant' risquerait de diviser, voire de faire exploser la nouvelle majorité ». La gauche socialistes, communistes, et Verts se sont aussi déclarés hostiles à tout projet d'amnistie. L'opposition des socialistes et des Verts ne se basait pas principalement sur l'opposition à la corruption des membres du gouvernement, mais plutôt à une tradition dépassée par la lutte contre l' « insécurité » : « Nous votons contre cette petite loi d'amnistie car c'est une prime à l'incivisme et notre pays a besoin de retrouver la voie du civisme », a déclaré le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale. Le gouvernement a tenté de nier qu'il avait du tout pensé à une amnistie politico-financière. Après avoir publiquement critiqué les propos de Hunault, le Garde des Sceaux Dominique Perben a annoncé le 8 juillet qu' « Il n'y a, dans ce texte, aucun projet d'amnistie pour les délits politico-financiers ». Citant le besoin de modifier les lois régissant la « fiscalité des entreprises », il a simplement ajouté que le gouvernement essayerait de faire passer la mesure quand elle susciterait moins d'opposition : « La question peut se poser mais il faudra un vrai débat sur la modification des règles qui régissent les abus de biens sociaux Je souhaite, si ce sujet doit être un jour examiné, qu'il le soit dans un climat apaisé et serein ». Le 9, Perben a présenté la loi à l'Assemblée sans mentionner la question de délits politico-financiers. Le 10, le premier ministre rendait visite au groupe UMP à l'Assemblée pour conclure un « pacte de loyauté et de confiance ». Interrogé par les journalistes sur la question d'amnistie politico-financière, il a refusé de répondre, répliquant : « Je ne suis pas favorable aux polémiques. La campagne électorale est finie. Moi, je travaille ». L'Assemblée a approuvé le projet d'amnistie, mais en adoptant un amendement socialiste qui interdisait tout amnistie des ABS et excluant 41 catégories d'infractions, par rapport à 28 en 1995. La loi est ensuite passée au Sénat, qui l'a votée le 24 juillet. Il a exclu 49 catégories d'infractions ; la gauche en bloc a dénoncé « une incitation rituelle à l'incivisme », votant contre toute amnistie. La loi doit repasser devant l'Assemblée. De larges sections du gouvernement et de la presse ont décidé
de laisser tomber la question d'amnistie politico-financière
: Le Monde s'est borné à rapporter le vote
du Sénat, Le Figaro a écrit un article sur
les prisonniers relâchés par un décret de
Chirac, Libération a protesté le fait que
Perben n'amnistiait pas le manifestant agricole José Bové
qui doit sortir de prison d'ici quelques semaines, et les services
de presse AP ont jugé qu'en « brandissant le spectre
» d'une éventuelle amnistie des délits politico-financiers,
des sénateurs communistes tentaient de « raviv[er]
une polémique moribonde ». Chaque mesure aurait ses inconvénients et certains risqueraient de susciter l'opposition des magistrats ou du Conseil constitutionnel. Gilles Gaetner a donc conclu dans L'Express que « la porte est étroite pour le gouvernement, si d'aventure il souhaite vraiment passer un coup d'éponge sur les infractions politico-financières. Seule une amnistie lui permettrait de trouver une issue. Retour à la case départ ». Cette conscience complaisante du fait que de hauts fonctionnaires sont coupables de délits sérieux, et qu'ils essayent d'échapper aux procédures légales, fait écho à l'attitude de l'ensemble de la classe dirigeante. Les socialistes utilisent surtout le débat sur l'amnistie pour se présenter comme plus montés contre la délinquance que la droite. Ils se gardent bien de mentionner les nombreuses amnisties politico-financières dont les socialistes ont bénéficié sous Mitterrand, le fait que plusieurs des « affaires » politico-financières (dont l'affaire Elf et la corruption du bâtiment et travaux publics en Ile-de-France) impliquent toujours des socialistes, et que plusieurs socialistes (dont Dominique Strauss-Kahn) ont aidé à étouffer les « affaires » de la droite, comme par exemple l'affaire Méry. L'opposition des socialistes et des autres partis de la gauche plurielle à une amnistie politico-financière de l'UMP ne peut qu'être une manoeuvre cynique. Le débat sur l'amnistie démontre que, malgré
son contrôle de l'Assemblée et de la Présidence,
le gouvernement est extrêmement faible. N'importe quel
choc politique sérieux met en question l'existence même
de l'UMP, le nouveau parti créé par Chirac pour
s'assurer du contrôle d'une droite française auparavant
extrêmement divisée. Personne ne se demande si Chirac
et l'UMP sont corrompus cela va de soi. L'atout essentiel
de l'UMP est le fait que la gauche actuelle est aussi corrompue
et ne mènera donc jamais une campagne sérieuse
pour l'exposer. Voir aussi :
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