wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

Sommet des Amériques :
Gaz lacrymogène et arrestations massives ont marqué le sommet des Amériques ­ un avertissement à la classe ouvrière

par François Legras
25 avril 2001

Le sommet des Amériques ayant réuni les chefs d'état du continent le weekend dernier à Québec a été accompagné de mesures de sécurité extraordinaires qui ont nécessité la plus grande mobilisation policière de l'histoire canadienne.

Durant les trois jours qu'ont duré le sommet, Québec ressemblait à une ville en état de guerre, assiégée par la police et où l'air était quasi irrespirable à cause de la quantité sans précédent de gaz lacrymogène (plus de 5 000 bombes) lancé par la police contre des milliers de manifestants pacifiques. De plus, pour la première fois au Canada, la police a tiré sur la foule avec des balles de caoutchouc et utilisé les canons à eau pour «repousser» les manifestants.

Une enceinte de quatre kilomètres de long et haute de trois mètres avait été érigée autour du lieu de réunion du sommet, dont l'accès était strictement réservé à ceux ayant reçu une passe après avoir subi une enquête policière. 6500 policiers ont été mobilisés en plus de 1000 soldats qui ont apporté leur soutien logistique. De plus des milliers de soldats de la Citadelle de Québec et de la base militaire de Val-Cartier étaient prêts à intervenir. Le gouvernement canadien avait également annoncé quelques jours avant le sommet qu'il était prêt à déclarer la ville de Québec une zone militarisée en cas de troubles.

La Cour supérieure du Québec elle-même a jugé que les mesures de sécurité mises en place restreignent « dans une mesure importante » les libertés fondamentales garanties par la Charte canadienne des droits et libertés. Mais dans le même souffle, elle a utilisé l'article premier de la Charte pour les suspendre en déclarant que les mesures de sécurité demeuraient « dans des limites raisonnables et que leur justification peut se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique ».

La plus importante prison de la région de Québec, celle d'Orsainville, a été complètement vidée de ses 600 détenus pour y recevoir les manifestants que la police prévoyait arrêter et détenir. (La police avait même prévu d'utiliser des gymnases d'école en cas de besoin).

Plusieurs groupes, y compris le Nouveau Parti Démocrate, demandent actuellement la tenue d'une commission d'enquête sur le rôle de la police au sommet. Même le Globe and Mail, organe semi-officiel de Bay Street, a dû admettre que la police était allée trop loin. Les organes et les partis de la droite comme le National Post de Conrad Black, l'Alliance Canadienne, le Parti libéral du Canada et le Parti québécois font partie de ceux qui continuent à défendre l'action policière et à dénoncer les manifestants ­ le premier ministre Jean Chrétien en tête.

Officiellement, les opposants au sommet devaient avoir le droit de manifester près et autour du périmètre de sécurité, délimité par le «mur de la honte». Mais dès le premier jour, un groupe de manifestants a réussi, en quelques minutes, à ouvrir une brèche dans la barrière. À partir de ce moment, les policiers, secoués par la faiblesse de leur barrière, ont utilisé le prétexte facile que de petits groupes de « radicaux » cherchaient à percer leur mur pour utiliser le gaz lacrymogène en masse.

Pour le ministre québécois de la Sécurité publique, Serge Ménard, les mesures prises et le comportement des policiers ont été un succès sans précédent et constituent un exemple à suivre. Il s'agissait d'ailleurs de mesures défensives, n'ont cessé de répéter les porte-parole du gouvernement canadien ainsi que les médias officiels. Cette évaluation du rôle de la police est contestée par plusieurs témoins et participants aux événements, y compris la Ligue des droits et libertés qui avait dépêché quelque 40 observateurs sur les lieux.

Celle-ci a fait remarquer que la police provoquait les manifestants en leur tirant des bombes lacrymogènes sans avertissement, même lorsqu'ils se trouvaient à l'extérieur du périmètre de sécurité et qu'ils manifestaient pacifiquement. Dans certains cas, « on a vu des tirs [de gaz lacrymogène] directement sur des groupes assis par terre faisant des signes de paix ».

Pour la première fois de l'histoire du Canada, la police a utilisé l'arme d'impact Arwen 37 qui tire des balles de caoutchouc pour contrôler les foules, le même type d'arme que celui utilisé en Palestine et en Irlande et qui a déjà causé plusieurs morts. Bien que la police prétend que son utilisation a été très limitée, la Ligue rapporte que ces balles de caoutchouc ont fusé « par centaines » à partir de la fin de l'après midi de samedi. « L'utilisation des balles de plastique », poursuit la Ligue, « était inutile et dangereuse puisqu'ils [les policiers ]arrivaient à contrôler la situation avec des gaz. Inutilement provocatrice aussi l'intervention de l'escouade canine ».

Le Soleil rapporte dans sa une du 24 avril, qu'Éric Lafrenière, un curieux parmi la foule, a été frappé à la gorge par une des balles en caoutchouc; son larynx sérieusement touché, il risque de perdre l'usage de la voix. Un autre passant, Richard Savignac, a raconté à La Presse avoir été atteint par une balle de caoutchouc alors qu'il se promenait dans le calme avec des amis. Le député néo-démocrate, Svend Robinson a lui aussi affirmé avoir été touché à la jambe par une balle alors qu'il se tenait près d'un groupe de deux cents personnes qui chantaient à l'extérieur du périmètre de sécurité. Une personne a eu la main fracturée, une autre la mâchoire.

Le Globe and Mail a obtenu un document préparé deux mois avant le début du sommet qui définissait les différentes tactiques contre la foule. Selon ce document, qui identifiait cinq niveaux d'intervention, l'utilisation des gaz et des balles de caoutchouc était l'avant-dernier niveau de réponse quant à sa sévérité. Le dernier niveau prévoyait entre autres qu'un officier pouvait autoriser l'utilisation « d'une force mortelle ». La GRC a publié qu'elle se présenterait au sommet avec ses francs-tireurs armées de fusils de calibre .308 et que certains de ses agents auraient des fusils d'assaut.

Les arrestations ont été nombreuses et dans bien des cas effectuées de façon arbitraire. Selon les informations obtenues, la plupart des personnes arrêtées se trouvaient à l'extérieur du périmètre de sécurité. Jaggi Sing par exemple, un activiste bien connu de la police et un des dirigeants du CLAC (Convergence des luttes anticapitaliste), a été arrêté vendredi, alors qu'il se trouvait avec des manifestants un peu en retrait du périmètre de sécurité; des policiers en civil ont fait irruption et l'ont embarqué de force dans une camionnette tout en le frappant de leurs matraques.

Selon les chiffres publiés dans La Presse, il y aurait eu un total de 463 arrestations, dont un grand nombre dans la nuit du vendredi au samedi. La nuit suivante, tous les jeunes qui se trouvaient dans une cuisine mobile sous un viaduc à plus d'un kilomètre du « mur de la honte » ont été arrêtés et emmenés à la prison d'Orsainville, bien que la plupart se trouvaient là uniquement parce qu'ils n'avaient nulle part à loger. Beaucoup de personnes arrêtées ont dû passer près de huit heures dans une camionnette, les mains attachées dans le dos avant d'être amenées en prison.

Les conditions de détention à Orsainville se sont aussi révélées des plus pénibles et dégradantes. À leur arrivée au centre, les jeunes étaient mis à nu dans la cour intérieure de la prison pour être «désinfectés» sous une douche à la vue des visiteurs. Une fois à l'intérieur, ils étaient souvent entassés à quatre ou cinq dans une cellule ayant un seul matelas et une hygiène des plus rudimentaires.

Le droit des détenus de contacter un avocat a été systématiquement violé. Beaucoup ont été gardés dans ces conditions pendant plus de 24 heures, le délai maximal prévu par la loi avant qu'une personne en état d'arrestation ne comparaisse devant un juge pour la première fois. Lors de la comparution des premiers accusés, la couronne a demandé trois jours de détention supplémentaire (le délai maximum prévu par le code criminel) pour lui permettre de préparer ses arguments parce qu'elle n'avait encore aucune preuve contre les accusés dans son dossier. Et lors des premières comparutions, l'accès au palais de justice était interdit à la population.

La brutalité manifestée par la police, l'administration carcérale et les tribunaux pour étouffer les protestations au sommet de Québec doit être considérée comme un sérieux avertissement à la classe ouvrière internationale. La lutte aux groupes prônant « l'action directe » a été invoquée comme prétexte pour créer des précédents quant à l'utilisation de nouvelles techniques de répression et la supression des droits démocratiques. La classe dirigeante se prépare ainsi à imposer des mesures socio-écoconomiques du type de celles discutées au sommet des Amériques, malgré la vive opposition qu'elles suscitent au sein de larges couches de la population.


 

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés