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Meurtre d'un sans-abri : la police montréalaise en voie d'être blanchie

François Legras
5 avril 2000

Une mini-émeute a éclaté le 17 mars dernier dans le centre-ville de Montréal après l'annonce par les médias qu'aucune accusation ne serait portée pour le moment contre les policiers impliqués dans la mort brutale du sans-abri Jean-Pierre Lizotte. Il n'en fallait pas plus pour provoquer l'indignation de plus d'une centaine de manifestants, pour la plupart des jeunes, qui tenaient une vigile pour souligner la journée internationale contre la brutalité policière.

Les procureurs de la couronne, chargés de déterminer si oui ou non il y avait matière à porter des accusations criminelles, ont en effet décidé de laisser la décision entre les mains d'un juge selon une procédure à huit clos, sans que le public ne puisse avoir accès aux versions des témoins de la scène.

La colère des manifestants était tout à fait légitime. Plusieurs cas de brutalité et d'actions soit illégales ou douteuses, témoignent de la montée dans les rangs de la police d'un sentiment d'impunité contre leurs méthodes. Ce sentiment est accompagné d'une attitude arrogante face au pouvoir civil et judiciaire de l'État, qui adopte une attitude des plus conciliante, sinon carrément complice.

La vigile était organisée par le Mouvement Action Justice (MAJ) ainsi que par le groupe Citoyens opposés à la brutalité policière (COBP).

À l'annonce de la décision, les choses se sont rapidement dégradées. Un groupe d'un peu plus d'une centaine de jeunes s'est détaché et a commencé à circuler dans les rues de Montréal.

Les manifestants devaient se rendre au Shed Café sur le boulevard Saint-Laurent, en face duquel Lizotte a été battu, mais comme l'endroit était fortement protégé, ils ont pris une autre direction, allant semble-t-il au hasard.

Le poste de police 19, trois restaurants Mac Donald et une succursale de la banque de Montréal ont été vandalisés.

Yves Manceau, président du MAJ raconte au journaliste qu' «un petit groupe qui aime faire du trouble» est à l'origine de l'émeute. La vigile se déroulait bien jusqu'au moment de l'annonce de la décision des procureurs de ne pas porter immédiatement d'accusations criminelles contre les deux policiers de la SPCUM impliqués dans le passage à tabac du sans-abri l'automne dernier, explique Manceau.

La police anti-émeute a «laissé faire» les émeutiers et n'est intervenue qu'à la fin, après les avoir suivis et cernés. André Durocher, commandant à la SPCUM explique que ce sont des groupes moins coopératifs qui ont provoqué les événements.

«Quand tu as 112 arrestations et aucun blessé de part et d'autre, c'est un bon résultat», explique Durocher. La méthode de la police a en effet été très différente de celle qu'elle utilise habituellement et qui a été vue à Québec lors du sommet de la jeunesse. Les policiers avaient été accusés d'avoir provoqué l'émeute en attaquant des manifestants au gaz et à coups de matraque.

Quant au service de police de la communauté Urbaine de Montréal (SPCUM), il a tenté de redorer son blason à la suite de son intervention la soirée de l'émeute.

Les médias ont dénoncé la brutalité gratuite des émeutiers, qui s'en sont pris aux vitrines d'«innocents» comme MacDonald et une succursale bancaire. Que les émeutiers aient fait un lien même instinctif entre ces entreprises et la répression policière est présenté comme quelques choses de totalement farfelu et irresponsable.

Mais il est clair que la police, avec l'aide des médias, a «laissé faire » l'émeute pour tenter de se refaire une réputation. La SPCUM a volontairement tardé son intervention, soit disant pour ne pas envenimer la situation mais surtout parcequ'elle ne voulait pas être accusé, encore une fois, d'avoir mis le feu aux poudres.

Le meurtre de Jean-Pierre Lizotte

Vers 2h30 du matin le 5 septembre 1999, Jean Pierre Lizotte, un itinérant est expulsé d'un bar sur la rue St-Laurent pour avoir, selon la police, commis des actes indécents. Il est expulsé une seconde fois d'un bar adjacent par le portier pour des raisons non spécifiées. C'est alors que Maxime Leroux, attiré par le brouhaha voit ce qui ce passe et témoigne de la brutalité sauvage avec laquelle les policiers se sont défoulés sur le sans-abri:

«J'ai vu le portier frapper solidement l'homme à deux reprises. Je peux vous assurer que ce n'était ni de la légitime défense ni un acte de bravoure pour sauver la veuve et l'orphelin. L'itinérant ne menaçait personne.»

«Évidemment, les policiers sont allés voir directement le sans-abri. Pendant ce temps-là, des amis du portier le félicitaient. Alors que les agents enfilaient leurs gants de cuir, l'homme a eu le malheur de s'éloigner de cinq ou six pieds. Rattrapé, il s'est débattu, tentant de frapper les policiers. C'est à ce moment que les agents ont commencé à "varger solide" à grands coups de poing. Le portier a alors saisi les mains de l'itinérant dans son dos, le temps que les policiers frappent cinq ou six coups. L'homme s'est effondré sur le sol et les policiers ont continué à frapper. Des passants se sont approchés pour intervenir au moment où les agents s'éloignaient. L'homme gisait sans bouger dans une mare de sang.»

Selon M. Leroux, les policiers ont agi de façon «vraiment exagérée». «Même que les passants ont tenté d'arrêter les policiers qui battaient l'itinérant.»

Lizotte a été mené à l'hôpital Hôtel Dieu par les policiers puis transféré à Notre Dame pour y subir une intervention chirurgicale. Il est demeuré hospitalisé et est mort le 16 octobre. Il avait deux vertèbres fracturées, était paralysé de la nuque au orteils, et avait subi un affaissement des poumons.

Entre-temps, une enquête interne du SPCUM a été déclenchée du 9 au 28 septembre puis, le jour du décès, la Sûreté du Québec (SQ) a pris la relève de l'enquête criminelle. Ce n'est que 53 jours plus tard lorsque que ces événements ont été rendus publics

S'il n'y avait pas eu de questions, est-ce que le service de police en aurait fait l'annonce? À cette question, Michel Beaudoin assistant directeur adjoint au directeur de service de la SPCUM, répond : «on voulait savoir avant tout s'il y avait un lien entre le décès et l'intervention des policiers. Il y a eu hésitation de notre part.»

L'affaire Barnabé

La colère des manifestants était aussi nourrie par la décision de la Cour du Québec de révoquer le congédiement des deux policiers, Pierre Bergeron et Louis Samson, impliqués dans le décès de monsieur Richard Barnabé, battu à mort par un groupe de policier de la SPCUM dans une cellule d'un poste de police à Montréal le 14 décembre 1993.

Cette journée, Richard Barnabé, un chauffeur de taxi de Montréal, était interpellé par des policiers alors qu'il venait de briser les fenêtres d'une église à Laval dans un accès de dépression. Après avoir été arrêté et brutalisé par des agents dans une cellule d'un poste de police de la CUM, M. Barnabé sombrait dans un coma jusqu'au 2 mai 1996, où il rendit l'âme. Quatre policiers avaient été condamnés au criminel. Sept policiers avaient été blâmés par le Comité de déontologie. Deux d'entre eux avaient notamment été destitués. C'est cette destitution qui vient d'être annulée par la Cour du Québec. Les deux policiers en question, coupables d'accusations criminelles, peuvent maintenant reprendre du service au sein de la police.

Les événements dans les affaires Lizotte et Barnabé sont les pires de toute une série d'incidents récents impliquant les services de police de Montréal et d'ailleurs au Québec. Le dernier en liste est l'exonération des policiers ayant manifesté armes à la ceinture et matricules dans les poches, lors d'une assemblée des membres du PQ.

Cette manifestation armée et illégale avait été dénoncée avec beaucoup d'émotions par les bonzes du PQ et par le ministre de la sécurité publique Serge Ménard. Les dirigeants politiques l'avaient, à juste titre, considérée comme une tentative évidente d'intimidation, et des accusations criminelles et disciplinaires pourraient avoir été portées contre les policiers.

Le ministre de la sécurité publique est un ancien avocat de la police. Il s'est rendu célèbre en défendant Allan Gosset, le policier qui a abattu un noir dans le stationnement d'un poste de police. Gosset avait été acquitté.

Rappelons également l'affaire Matticks qui a donnée naissance au rapport Poitras sur les méthodes d'enquête de la Sureté du Québec, rendu public le 28 janvier 1999.

Il avait été mis à jour, dans le cadre d'un procès, que des policiers avaient planté de la preuve et par la suite, intimidé des confrères de la police chargés de l'enquête interne. L'enquête Poitras a duré un an et demi avec 190 jours d'audience. Deux mille affaires entendues entre 1991 et 1995 devant les tribunaux criminels québécois et impliquant la SQ ont été examinées.

En clair, selon les conclusions du rapport, la SQ viole régulièrement et de façon flagrante les droits démocratiques des accusés et les principes de la subordination des forces policières au système législatif. La SQ agit comme les bandes criminalisées, se croyant au-dessus des lois. Des 175 recommandations du rapport Poitras, quasiment aucune n'a été suivie, le gouvernement ce réfugiant derrière l.intransigeance et le manque de collaboration de la direction de la SQ et du syndicat des policiers.

La violence policière est une conséquence de la crise sociale et de l'augmentation des écarts entre riches et pauvres, qui est un phénomène international. Montréal est la ville comprenant les écarts sociaux les plus marqués au Canada. On y retrouve la plus grande concentration des plus pauvres au pays, ainsi que la concentration la plus importante de super riches. La brutalité policière est un reflet de la brutalité de la société capitaliste, une société organisée pour enrichir une infime minorité au détriment des besoins de la grande majorité.


 

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