Élections municipales au Royaume-Uni : déroute des conservateurs et opposition au Parti travailliste sur Gaza, mais les travailleurs ont besoin de leur propre parti

Les conservateurs au pouvoir en Grande-Bretagne ont subi de lourdes pertes aux élections municipales du 2 mai. Ils ont perdus près de 500 sièges, avec une proportion du vote national de 25 pour cent – un record.

L’élection concernait 107 municipalités ; les conservateurs ont perdu le contrôle de 10 d’entre elles, les travaillistes [Labour] en ont gagné huit et les libéraux-démocrates deux. Les conservateurs [Tories] ont également perdu l’élection législative partielle de Blackpool South au profit des travaillistes avec un écart de 26 pour cent, leur cinquième élection consécutive. Cela réduit la majorité de travail du Premier ministre Rishi Sunak à la Chambre des communes à 47. Les Tories sont sortis des dernières élections générales de 2019 avec une majorité de 80 sièges.

Un électeur entre dans un bureau de vote à Longsight, Manchester, le 2 mai 2024.

Le Parti travailliste a également remporté plusieurs élections de maires, notamment à Londres, à Liverpool, dans le Grand Manchester, dans le West Yorkshire et dans les West Midlands. Les conservateurs n’ont pu conserver que le maire de Tees Valley, dans le nord-est de l’Angleterre, avec une majorité très réduite.

Alors qu’il est question d’une éviction de Sunak et même d’élections législatives en juillet, des millions de travailleurs et de jeunes seront heureux de voir la fin d’un gouvernement détesté pour ses mesures d’austérité virulentes, ses attaques contre le droit de grève, sa chasse aux réfugiés, son soutien au génocide de Gaza et à la guerre contre la Russie et la Chine. Mais ces élections ont surtout souligné l’absence d’une véritable alternative à ce parti de criminels droitiers.

Le principal bénéficiaire du raz-de-marée contre le Parti conservateur est le Parti travailliste de Keir Starmer, dont la politique sur toutes ces questions est identique à celle de Sunak. Le fait que le Parti travailliste, malgré ses succès, n’ait pas réussi à monopoliser le vote en est la preuve.

Les conservateurs ont perdu 473 sièges au total, soit environ la moitié de ceux qu’ils défendaient, mais les travaillistes en ont gagné moins de la moitié, 186 sièges. Le basculement en faveur des travaillistes n’a pas été aussi important que prévu ; l’émission «Sky News», entre autres, a fait remarquer que, transposé à des élections législatives, ce résultat ne permettrait pas au parti d’obtenir une majorité.

Les libéraux-démocrates, le parti de la classe moyenne «respectable», ont remporté 104 sièges. Mais l’expression la plus significative de l’hostilité croissante à l’égard du Parti travailliste a été le vote pour des candidats opposés à son soutien au génocide à Gaza. Ce phénomène s’est surtout manifesté dans les régions à forte population musulmane, mais a également eu un impact marqué sur le vote travailliste dans les circonscriptions à forte population étudiante.

Le plus grand succès de parti a été l’augmentation du vote pour les Verts, qui ont obtenu 74 sièges supplémentaires et qui exigent un cessez-le-feu immédiat à Gaza et la fin des ventes d’armes à Israël. Ils ont renforcé leur soutien dans leur principale ville cible, Bristol, en remportant 10 sièges et en devenant premier parti au conseil municipal.

Ailleurs, le vote s’est porté sur divers conseillers indépendants, dont beaucoup ont récemment quitté le Parti travailliste, mais aussi les conservateurs.

Le Parti travailliste a perdu le contrôle du conseil municipal d’Oldham, dans le Grand Manchester, où les candidats indépendants ont battu les travaillistes dans plusieurs circonscriptions, et du conseil municipal de Kirklees, dans le West Yorkshire, où les indépendants ont gagné cinq sièges. À Bradford (West Yorkshire), les indépendants ont battu les travaillistes dans six circonscriptions. Les indépendants ont également remporté des sièges à Tameside et Bolton (Grand Manchester), à Blackburn (Lancashire) et à Rotherham (South Yorkshire).

Selon une analyse réalisée par la BBC, dans 58 circonscriptions locales où plus d’un habitant sur cinq est musulman, la part de voix des travaillistes était de 21 pour cent, soit une baisse par rapport à 2021.

Le Parti des travailleurs de Grande-Bretagne (initiales anglaises WPB) de George Galloway et la Coalition syndicaliste et socialiste (TUSC) dirigée par le Parti socialiste pseudo-de gauche ont enregistré un nombre de voix moins important, tous deux ayant fait de Gaza une question centrale.

Le WPB est le véhicule politique le plus récent de Galloway, qui a été exclu du Parti travailliste en 2003 par Tony Blair pour son opposition à la guerre en Irak. Il a présenté 36 candidats à ces élections et a remporté quatre sièges. Le plus important a été la défaite du leader adjoint de la municipalité de Manchester, le travailliste Luthfur Rahman, à Longsight, face à Shabaz Sarwar. Sarwar est une personnalité bien connue en raison de son rôle de premier plan dans l’organisation caritative Smile Aid.

Le WPB a également remporté deux sièges à Rochdale, où Galloway est devenu le député local après une victoire écrasante lors d’une élection partielle en février, en prenant le siège au Parti travailliste. L’autre siège municipal remporté par le WPB était celui de Park, Calderdale.

Aucun de ces politiciens ou partis n'offre aux travailleurs et aux jeunes une voie à suivre. Les Indépendants sont principalement, mais pas exclusivement, des politiciens musulmans inquiets de leur propre avenir politique et qui, dans de nombreux cas, n’ont d’autre désaccord avec les partis de Starmer ou de Sunak que la bande de Gaza. Il est probable que de nombreux ex-loyalistes travaillistes s’emploieront à soutenir le Parti travailliste dans les municipalités où il n’a pas de contrôle global.

L’impasse politique d’un tel vote de protestation est illustrée par les candidats présentés par le Parti de Galloway. À Rochdale, Farooq Ahmed a quitté le Parti travailliste il y a dix ans, après avoir proféré des insultes homophobes à l’encontre d’un autre conseiller, ce qui lui a valu des poursuites judiciaires. Au début de l’année, il a fait campagne pour les libéraux-démocrates, avant de passer au le WPB.

Dans le district de Park, Shakir Saghir a été conseiller municipal conservateur de la circonscription, tout comme son père. En 2007, il s’est présenté comme conseiller municipal pour le parti d’extrême droite English Democrats.

Galloway se vante dans les médias de ses succès, s’engageant à empêcher les travaillistes d’obtenir la majorité absolue et à profiter d’un parlement sans majorité pour faire avancer les revendications du WPB. Mais même dans le cas improbable où le WPB parviendrait à réitérer le succès de Galloway dans l’élection partielle, il s’agit d’une formation nationaliste de droite virulente qui consacre autant son programme à récupérer le soutien de conservateurs désabusés qu’à lancer des appels pour être reconnu comme le «vrai parti travailliste».

Sa rhétorique de loi et d’ordre est illustrée par cette déclaration: «Nous ne sommes pas des libéraux au cœur tendre qui croient que tout le monde est capable de se racheter» et par des appels directs à «la frustration de nombreux policiers qui estiment que les systèmes bureaucratiques et les décisions politiques affaiblissent leur capacité à fonctionner». Ces policiers «méritent notre soutien».

Le WPB propose «une politique migratoire qui reflète l’anxiété ressentie par la classe ouvrière face à un afflux de migrants qui semble échapper à tout contrôle». Il dénonce les réfugiés au motif qu’ils submergent les services sociaux et répriment les salaires, et s’engage à «investir dans la sécurité des frontières, y compris en renforçant les patrouilles maritimes et côtières» afin de «maîtriser les chiffres».

Tout en affirmant être l’«ennemi indomptable des intérêts militaro-industriels internationaux recherchant les profits et ayant un intérêt dans la guerre», ils se vantent de vouloir «éviter la guerre [tout en veillant] également à y être préparés… Toute menace à l’encontre de notre pays ou de nos intérêts fera l’objet d’une réponse militaire hautement efficace».

Le Socialist Equality Party (SEP – Parti l’égalité socialiste) rejette l’appel à aplanir les différences politiques pour provoquer un grand vote de protestation anti-travailliste à propos de Gaza. Ce n’est là que la dernière manifestation désespérée de l’insistance d’une myriade de tendances de la pseudo-gauche à pousser le Parti travailliste vers la gauche par une pression de masse, couplée à l’offre d’un éventuel nouveau parti de type Labour à un moment donné, formé par un regroupement politique sous la direction de divers ex-bureaucrates du Parti travailliste et des syndicats à discours de gauche.

Cela n’est rendu nécessaire que par l’échec lamentable de leur dernier projet collectif, qui consistait à soutenir Jeremy Corbyn comme moyen de réaliser la «transformation socialiste» du Parti travailliste. Ils en sont maintenant réduits à supplier Corbyn – qui refuse même de critiquer Starmer – de se présenter contre le Parti travailliste en tant que leur leader incontesté.

Le SEP rejette également le mensonge d’un vote du «moindre mal» pour le parti de Starmer, ou pour n’importe lequel de ses députés qui pourraient pour la forme soutenir un cessez-le-feu.

Nous présenterons aux élections législatives des candidats qui s'opposeront au parti uni de la guerre Tory/Labour et qui se battront sans ambiguïté pour un programme d'internationalisme socialiste. Nous lancerons un appel aux travailleurs, en particulier à la jeune génération, pour qu'ils rejoignent notre parti et s'engagent sur une nouvelle voie – la mobilisation systématique de la classe ouvrière britannique et internationale contre le génocide de Gaza, contre la guerre en Ukraine et au Moyen-Orient, pour s'opposer à toutes les attaques contre les droits démocratiques et à la destruction du niveau de vie des travailleurs.

(Article paru en anglais le 6 mai 2024)

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