Keir Starmer du Parti travailliste britannique se vante qu’il est prêt à tuer des millions de personnes dans une guerre nucléaire

Le chef du Parti travailliste britannique, sir Keir Starmer, s'est vanté d'être prêt à tuer des millions de personnes en utilisant les bombes nucléaires de la Grande-Bretagne contre un État ennemi.

Il l'a fait dans une interview accordée à ITV News lors d'une visite, le 12 avril, du chantier naval de BAE Systems à Barrow, en Angleterre, où sont construits les sous-marins britanniques à armement nucléaire. BAE est chargée de remplacer, à partir du début des années 2030, les sous-marins de la classe Vanguard. Starmer était accompagné de John Healey, secrétaire d'État à la défense, pour présenter la politique du Parti travailliste en matière d'armement nucléaire en vue des élections générales de cette année.

Interrogé par le correspondant politique Harry Horton qui lui demandait si, en cas d'attaque contre la Grande-Bretagne, il serait prêt à appuyer sur le bouton nucléaire, Starmer a répondu : «La dissuasion nucléaire est la menace ultime et, par conséquent, la dissuasion ne fonctionne que si l'on est prêt à l'utiliser».

Pressé de dire si c'était le cas «même si cela signifie potentiellement tuer des millions de personnes», Starmer a répondu : «La dissuasion ne fonctionne que si l'on est prêt à l'utiliser – c'est donc une réponse claire à votre question.»

En janvier, alors qu'il rendait visite à des soldats britanniques sur la base de l'OTAN de Tapa en Estonie, Starmer a également répondu par l'affirmative à la même question qui est désormais posée à tous les premiers ministres potentiels depuis que Jeremy Corbyn, le prédécesseur de Starmer, a hésité à le faire.

Le chef du Parti travailliste, sir Keir Starmer (en bas à droite), debout sur un char lors de sa visite aux forces armées britanniques déployées sur la base d'opérations Tapa de la Présence avancée renforcée de l'OTAN en Estonie, le 21 décembre 2023 [Photo by Keir Starmer/Flickr / CC BY-NC-ND 2.0]

Starmer présente régulièrement le Parti travailliste comme le «parti de l'OTAN», auquel on peut faire confiance dans un contexte de guerre en Europe et au Moyen-Orient, et comme le principal partenaire des États-Unis dans leurs actions militaires contre la Chine.

Les travaillistes ont vanté la visite de Starmer, la première d'un dirigeant travailliste à l'usine BAE Systems depuis plus de 30 ans. Starmer et Healey ont été rejoints à Barrow par le haut-commissaire australien au Royaume-Uni, Stephen Smith, alors que Starmer déclarait que les travaillistes au gouvernement soutiendraient l'alliance militaire entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie, l’AUKUS.

Pour l'occasion, le parti s'est tourné vers le Daily Mail, l'un des nombreux journaux proches des conservateurs, courtisé depuis des mois par une succession de déclarations politiques de plus en plus à droite faites lors d'interviews avec des ministres du cabinet fantôme.

La couverture du Mail ressemblait à une brochure de la Royal Navy vantant les mérites de la dernière technologie de mort massive, avec en tête d'affiche un Starmer enivré par la guerre. Le titre de la première page, «Starmer : La dissuasion nucléaire britannique est en sécurité entre mes mains», le Mail a fait l'éloge d'un «article historique» dans lequel «Sir Keir promet un engagement “inébranlable” envers le Trident et la construction d'une nouvelle génération de sous-marins ici».

L'article se poursuit en page quatre, à côté d'une pleine page de Starmer qui commence par ces mots : «Regarder la construction d'un sous-marin nucléaire est une leçon d’humilité.»

L'article du chef travailliste sir Keir Starmer dans le Daily Mail [Photo: screenshot: dailymail.co.uk]

Les pages 6 et 7, sous le titre «L’engagement nucléaire des travaillistes», contenaient un article sur les nouveaux sous-marins de la classe Dreadnought en cours de construction à Barrow. On pouvait y lire : «Chaque navire aura la capacité de lancer 12 missiles balistiques Trident II D5 à partir de quatre tubes à missiles connus sous le nom de “Quad Pack”. Ces armes dévastatrices, d'une valeur de 17 millions de livres sterling chacune, peuvent atteindre des cibles ennemies dans un rayon de 12.000 km.»

La couverture s'est achevée par un éditorial intitulé «Starmer inébranlable sur la dissuasion britannique», déclarant : «Il y a moins de cinq ans, le Parti travailliste était dirigé par Jeremy Corbyn, qui a déclaré publiquement qu'il n'accepterait jamais l'utilisation d'armes nucléaires. Son prédécesseur Ed Miliband ne voulait qu'une “dissuasion minimale”, laissant entendre qu'il réduirait notre flotte nucléaire.»

La conclusion du Mail montre clairement à quel point le Parti travailliste s’est déplacé à droite dans son engagement à défendre les intérêts de l'impérialisme britannique : «La défense a toujours été le point faible du Parti travailliste, mais pas aujourd'hui.» Le journal dénonce même «l'héritage récent» des conservateurs, à savoir «une armée réduite au maximum, des porte-avions extrêmement coûteux qui ne semblent pas fonctionner et une crise du recrutement dans les trois armées. Leur incapacité à dépenser ne serait-ce que 2,5 % du revenu national pour la défense en des temps aussi dangereux complète l'image de complaisance et d'économies de bouts de chandelle».

L'éditorial concluait : «Sir Keir espère persuader le public que notre capacité nucléaire, nos alliances militaires et notre sécurité nationale sont en sécurité entre ses mains. S'il y parvient, il supprimera une raison de plus de voter pour les conservateurs, dont le nombre ne cesse de diminuer.»

Starmer a exposé une politique dans laquelle l'ensemble de l'économie doit être subordonnée aux exigences de l'armée, mise en œuvre par une politique d'approvisionnement «Buy British» (achetez britannique). Il s'est approprié un langage précédemment associé à la protection des retraites, le «triple lock», pour sa politique de guerre nucléaire. En vertu de ce principe, les gouvernements de tous bords ont traditionnellement augmenté les pensions de l'État en fonction du taux d'inflation annuel de l'IPC, de l'augmentation annuelle moyenne des salaires ou de 2,5 %, le montant le plus élevé étant retenu.

Le mois dernier, Starmer a refusé de s'engager à ce qu'un futur gouvernement travailliste mette en place une pension d'État à triple garantie. Mais il a annoncé dans le Mail : «Mon engagement envers la force de dissuasion nucléaire du Royaume-Uni est [...] inébranlable. Absolu. Total […] Mon Parti travailliste mettra en place une triple garantie de la dissuasion nucléaire comme base de notre plan pour assurer la sécurité de la Grande-Bretagne. Et nous veillerons à ce que nos investissements dans la défense britannique soutiennent d'abord les emplois britanniques.»

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Les trois composantes de la triple garantie militaire sont «un engagement en béton de construire les quatre nouveaux sous-marins nucléaires Dreadnought ici, au Royaume-Uni, à Barrow-in-Furness, un investissement britannique, soutenant des emplois britanniques qualifiés et stimulant les communautés britanniques» ; un «engagement à maintenir la dissuasion nucléaire continue en mer de la Grande-Bretagne. Nous soutenons nos courageux sous-mariniers qui sacrifient une vie normale pour assurer notre sécurité 24 heures sur 24, 365 jours par an» ; et une «promesse de réaliser toutes les futures mises à niveau nécessaires. Nous veillerons à ce que notre force de dissuasion nucléaire soit correctement équipée et armée pour relever les défis des décennies à venir».

Starmer s'est vanté : «Bien que [Clement] Attlee ait dirigé un changement de gouvernement en faveur des travaillistes en 1945, il n'y a pas eu de changement dans l'engagement en faveur de la sécurité nationale de la Grande-Bretagne. S'appuyant sur l'héritage de Churchill en temps de guerre, c'est Attlee – et son ministre des Affaires étrangères Ernest Bevin – qui ont été les premiers à mettre en place notre programme nucléaire britannique indépendant. Pendant ce temps, Bevin contribuait à la création de l'alliance de l'OTAN.»

Aujourd'hui, la politique nucléaire et de l'OTAN des travaillistes est mise en avant «face aux menaces mondiales croissantes et à l'agression russe grandissante [...] Le nouveau Parti travailliste que je dirige sait que notre sécurité nationale passe toujours en premier. Vous pouvez le voir dans le nombre croissant de candidats et la multiplication par cinq des membres du Parti travailliste issus de la communauté des forces armées».

Le coût de la modernisation des Dreadnoughts s'élève à au moins 41 milliards de livres sterling, ce qui nécessite des coupes massives dans les dépenses sociales. «Ne vous y trompez pas, il s'agit d'un engagement générationnel qui s'étend sur plusieurs décennies», a écrit Starmer.

«Il ne s'agit pas seulement de défendre notre pays et nos alliés de l'OTAN, mais aussi de défendre notre économie, en donnant la priorité aux emplois britanniques, aux compétences britanniques et à la croissance économique dont nous avons tant besoin ici, sur nos côtes. Je souhaite voir une plus grande implication des Britanniques dans la chaîne d'approvisionnement des sous-marins nucléaires et dans l'ensemble de l'industrie de la défense. Avec le Parti travailliste, l'industrie de la défense sera étroitement liée à ma mission nationale, qui consiste à stimuler la croissance économique dans tout le Royaume-Uni.»

Starmer est assuré du soutien de la bureaucratie syndicale pour mettre l'économie sur le pied de guerre, Unite étant le dernier syndicat en date à déclarer son soutien total à l'industrie de l'armement et à l'OTAN.

Starmer s'est également engagé à ce que les travaillistes fassent de même que les conservateurs en faisant passer les dépenses militaires de 2,3 % (52 milliards de livres sterling par an) à 2,5 % du PIB. Interrogé par le journal i sur la nécessité de ces énormes dépenses d'armement, Starmer a répondu qu'il s'agissait de «la question numéro un pour n'importe quel gouvernement». Ses engagements ne sont qu'un acompte alors que les exigences de la machine de guerre britannique se multiplient.

Il y a deux semaines, lord West of Spithead, ancien First Sea Lord et ministre de la Sécurité dans le gouvernement travailliste de Gordon Brown, a déclaré au Mail : «Dans ce monde hautement imprévisible et dangereux, je crains que ce que nous dépensons en ce moment ne soit pas suffisant. Comme le Labour n'est «plus un parti à la Corbyn, c'est un vrai parti», il a ajouté : «J'aimerais que le Labour s'engage à 2,5 %, mais en réalité nous avons besoin de 3 %» : le montant réclamé par le Mail dans sa campagne «Don't Leave Britain Defenceless» (Ne laissez pas la Grande-Bretagne sans défense).

(Article paru en anglais le 16 avril 2024)

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