Défiant leur syndicat, les infirmières rejettent à 61% l’offre pourrie du gouvernement québécois

Lors d’un vote tenu la semaine dernière, les infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes membres de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ) du Québec ont rejeté à 61% une entente pleine de concessions qui était recommandée par leur syndicat.

Au total, quelque 60.000 travailleuses et travailleurs ont voté (avec un taux de participation de 77%) contre l’offre, défiant non seulement une campagne gouvernementale et médiatique hostile, mais aussi les pressions de leur propre syndicat.

Une section de la manifestation de 100.000 travailleurs du secteur public qui a eu lieu à Montréal le 23 septembre dernier

Le résultat est à la fois un signe de la détermination des infirmières à défendre leurs conditions et une gifle au visage des chefs syndicaux. La direction de la FIQ espérait que 15 mois de négociations, ponctués de grèves partielles futiles, auraient suffisamment démobilisé les membres pour leur faire accepter de nouveaux reculs.

Sur le réseau X, Sonia Lebel, présidente du Conseil du trésor et responsable des négociations pour la CAQ (Coalition Avenir Québec) au pouvoir, a immédiatement fait savoir que le gouvernement allait maintenir la ligne dure: «le contexte et nos objectifs vont demeurer les mêmes, notamment en matière de souplesse».

La présidente de la FIQ, Julie Bouchard a répondu à cette provocation en disant ne pouvoir faire autrement que retourner négocier, écartant d’emblée le lancement d’un véritable mouvement de résistance. «Si on nous dit d’aller en grève, on ira jusque-là, mais pour l’instant on n’est pas du tout dans ces moyens de pression là», a-t-elle affirmé.

Autrement dit, la direction syndicale persiste et signe dans sa politique visant à étouffer la colère des membres pour imposer les demandes de concessions du gouvernement.

Des centaines d’infirmières se sont tournées vers les réseaux sociaux pour dénoncer l’attitude lâche et collaborationniste de la FIQ, plusieurs allant jusqu’à réclamer la démission de Bouchard. Une infirmière a résumé ainsi l’indignation générale: «Vous nous avez recommandé d’accepter une entente qui aurait eu un impact crucial NÉGATIF, non seulement sur nous, mais aussi sur nos familles et la RELÈVE infirmière! On s’est senti trahies par le syndicat et par VOUS!»

L’entente conclue par la FIQ est un coup de poignard dans le dos des travailleuses et travailleurs qui ont déjà subi des décennies de coupures, en plus d’avoir été parmi les plus grandes victimes de la politique des «profits avant les vies» mise de l’avant par les autorités face à la pandémie de COVID-19.

À part une offre salariale de 17,4% sur 5 ans qui se trouvait en deçà des prévisions d’inflation, l’entente prévoyait des mesures comme l’élimination de certaines primes pour forcer indirectement les infirmières à prendre des postes à temps plein. Ajoutons à cela l’absence de toute mesure sérieuse pour éliminer le recours systématique au temps supplémentaire obligatoire (TSO) qui ruine la vie personnelle de nombreuses infirmières.

Comble de la trahison, la FIQ s’est soumise à la demande patronale pour plus de «flexibilité» en ouvrant la voie à une mobilité accrue du personnel. L’entente prévoyait de fusionner les «centres d’activité» afin de pouvoir déplacer le personnel d’un établissement à l’autre et d’un poste à l’autre, contre leur gré, dans un rayon de 25 à 35 km.

L’attaque frontale du gouvernement ultra-conservateur de François Legault contre les travailleurs du secteur public, et contre les services qu’ils fournissent à la population, vise à transférer les vastes richesses sociales produites par la classe ouvrière du bas vers le haut.

Comme tous les gouvernements au Canada et dans le monde, le gouvernement Legault veut réduire les salaires réels, couper les dépenses sociales et privatiser les services publics afin de financer de généreuses baisses d’impôts pour la grande entreprise ainsi que les plans de guerre de l’impérialisme canadien et de l’OTAN.

C’est dans cette visée que la CAQ a fait adopter sous bâillon le projet de loi 15 qui crée une nouvelle agence unique, «Santé Québec», qui sera dirigée par une poignée d’individus issus du monde des affaires ayant pour mandat de privatiser davantage les soins de santé.

Pour aller de l’avant dans leur lutte pour la défense des emplois et du réseau public de santé, les infirmières et leurs collègues doivent tirer les leçons des luttes ouvrières des dernières années, et notamment celle des 500.000 travailleurs du secteur public qui a été trahie par le Front commun et la FAE (Fédération autonome de l’enseignement) il y a seulement quelques mois.

Les infirmières et les travailleurs du secteur public ne peuvent pas faire le moindre gain en faisant pression sur les syndicats et le gouvernement. Ils doivent se tourner vers le reste de la classe ouvrière et mobiliser son immense pouvoir potentiel dans une contre-offensive à tout le programme d’austérité de la classe dirigeante.

Les infirmières doivent rejeter en particulier la conception mise de l’avant par leur syndicat qu’elles seraient «un cas spécial», ce qui ne sert qu’à les isoler et à les diviser du reste de la classe ouvrière. En réalité, les conditions sont plus que favorables pour un tournant des infirmières vers leurs frères et sœurs de classe de la province et de tout le Canada. Comme l’écrivait récemment le World Socialist Web Site:

Pour étendre la lutte, il faut d’abord briser la camisole de force que sont les soi-disant «négociations collectives» au Québec, dont les paramètres sont fixés d’avance par le gouvernement, et acceptés docilement par les appareils syndicaux.

Pour ce faire, les infirmières et le personnel de la santé doivent bâtir leurs propres organes de lutte: des comités de base dans chaque établissement, complètement indépendants des appareils syndicaux pro-capitalistes. Ces comités auront pour tâche principale de mobiliser le vaste appui populaire dont jouissent les infirmières afin d’étendre la lutte pour la défense des services publics à toute la classe ouvrière.

À travers un réseau de tels comités, étendus à l’ensemble des travailleurs du secteur public, il deviendra possible pour les membres de la base d’avancer un programme unifié, basé sur leurs propres demandes pour des emplois et des services publics de qualité – et non sur ce que l’élite dirigeante et la bureaucratie syndicale privilégiée jugent «acceptable».

Ce programme de mobilisation de masse doit être conçu avant tout comme une lutte politique. Les vastes ressources de la société, qui existent amplement pour répondre aux besoins des travailleurs et des gens ordinaires, ne doivent pas être subordonnées aux profits d’une minorité de super-riches, mais mises au service de la majorité pour assurer l’égalité sociale.

Nous appelons les infirmières et tous les travailleurs intéressés par cette perspective à rejoindre le Comité de base de coordination des travailleurs du secteur public. Contactez-nous à cbsectpub@gmail.com ou en remplissant le formulaire au bas de cet article.

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