Le gouvernement espagnol PSOE-Sumar feint la sympathie avec Gaza en appelant à la création d'un État palestinien

Le Premier ministre espagnol du PSOE, Pedro Sanchez, la ministre de l’Économie et première vice-première ministre, Nadia Calvino, et la ministre du Travail et deuxième vice-première ministre Yolanda Diaz au Parlement espagnol à Madrid, Espagne, le vendredi 29 septembre 2023. [AP Photo/Bernat Armangue]

Mercredi dernier, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a déclaré que Madrid était prêt à reconnaître l’État de Palestine. Cette perspective est désormais ouvertement débattue en Australie, en Norvège, en Irlande, au Portugal, en Slovénie et à Malte, tandis que le président du Conseil européen Charles Michel a évoqué une «coordination au niveau de l’UE» sur le sujet.

Cette démarche n’a rien à voir avec la sympathie envers le peuple palestinien, et encore moins avec une action qui mettrait fin au génocide israélien en cours à Gaza, soutenu par les États-Unis et l’Union européenne. Ce coup politique est destiné à apaiser l’opposition mondiale de masse au génocide israélien contre les Palestiniens de Gaza, sans dévier d’aucune manière du soutien au régime sioniste.

Mercredi, Sánchez a présenté un rapport de politique étrangère au Parlement, déclarant que «l’Espagne est prête à reconnaître la Palestine». Il a appelé à la reconnaissance d’un État palestinien parce que «c’est juste, c’est demandé par la majorité sociale et pour l’intérêt géopolitique de l’Europe» et parce que «la communauté internationale ne sera pas en mesure d’aider l’État palestinien si elle ne reconnaît pas son existence».

Sánchez a annoncé cette décision dans le même discours où il a appelé à augmenter les dépenses militaires pour l’industrie espagnole de l’armement, la huitième au monde en termes d’exportations, ce qui montre clairement que cette initiative n’a rien de progressiste.

S’appuyant sur la guerre en Ukraine, Sánchez a déclaré que l’augmentation des dépenses militaires visait à «dissuader ceux qui ne partagent pas le projet de paix et de démocratie qu’est l’Europe», appelant à «renforcer la sécurité et la défense». L’UE a convenu de consacrer 5 milliards d’euros supplémentaires au soutien militaire du régime ukrainien, de lancer un nouveau programme de développement militaire de 1,5 milliard d’euros et de renforcer l’industrie européenne de défense en investissant davantage et en augmentant la production en Europe.

L’annonce de la reconnaissance d’une nation palestinienne intervient après la visite de Sánchez au Moyen-Orient dans la première semaine d’avril. Au cours de cette tournée, Sánchez avait déjà fait part de son intention de reconnaître un État palestinien avant le mois de juillet.

En mars, l’Espagne, l’Irlande, la Slovénie et Malte ont publié une déclaration commune dans laquelle ils affirmaient: «Nous sommes d’accord sur le fait que le seul moyen de parvenir à une paix et une stabilité durables dans la région est de mettre en œuvre une solution à deux États, avec des États israélien et palestinien vivant côte à côte, dans la paix et la sécurité».

Sánchez a également déclaré: «Nous devons être attentifs aux décisions qui seront prises prochainement à Bruxelles et à New York», en référence à l’intention de Malte de promouvoir au Conseil de sécurité ce mois-ci l’entrée de la Palestine aux Nations unies. Cette proposition est cependant mort-née. Elle devrait être approuvée par les membres permanents du Conseil de sécurité, y compris les principaux soutiens d’Israël, les États-Unis et la Grande-Bretagne, qui disposent d’un droit de veto.

Les remarques de Sánchez constituent un vaste exercice d’hypocrisie, de tromperie et de fraude politique. Les faits montrent que depuis la formation de l’actuel gouvernement PSOE-Sumar en novembre, et avant cela, sous le gouvernement PSOE-Podemos, Sánchez est complice du génocide des Palestiniens aux mains d’Israël.

Après le 7 octobre, l’Espagne a continué de vendre des armes à Israël, même si le gouvernement a menti à maintes reprises, prétendant que ces ventes avaient cessé. Elle a également continué à acheter des armes israéliennes portant le label «testées au combat» parce qu’elles ont été utilisées contre les Palestiniens.

Le ministère de la Défense a continué d’attribuer des marchés publics au complexe militaro-industriel israélien, notamment 207 millions d’euros pour la fabrication de pièces pour l’Eurofighter à Rafael Advanced Defense Aystems LTD, ou 576 millions d’euros à Elbit Systems pour la fourniture d’un système de lance-roquettes grande mobilité.

Madrid a également annoncé son intention d’offrir à l’OTAN un nouveau port en Méditerranée occidentale, sur l’île de Minorque, à Maó. Cette base renforcera l’escalade militaire de l’OTAN et soutiendra spécifiquement les forces qui bombardent le Yémen et couvrent le flanc d’Israël en Méditerranée orientale.

L’Espagne contribuait déjà à la défense d’Israël en envoyant des navires au groupe de bataille du porte-avions USS Gerald Ford déployé par les États-Unis en Méditerranée orientale, dont la mission est d’attaquer des forces au Liban, en Syrie, en Irak ou en Iran, qui pourraient intervenir militairement pour aider Gaza.

La proposition de Sánchez sur la création d’un État palestinien est un geste vide de sens qui n’a aucune implication pratique. Elle revient à reconnaître l’existence d’un État dont les terres sont de fait contrôlées par l’État israélien, qui continue d’opprimer des millions de Palestiniens en Israël, en Cisjordanie et à Gaza.

Pour une mince couche de la classe moyenne palestinienne, cela pourrait créer des emplois dans les organes diplomatiques représentant un État sans souveraineté. Mais cela ne ferait rien pour améliorer les conditions sociales et économiques des Palestiniens, et encore moins pour mettre fin au génocide en cours à Gaza, qui a déjà coûté la vie à plus de 33.000 Palestiniens.

La proposition cherche à promouvoir l’illusion d’une solution à deux États fictive et en faillite. Dans le cas improbable où elle se matérialiserait un jour, elle reviendrait à faire coexister l’État d’apartheid israélien avec des ghettos dans lesquels les Palestiniens seraient concentrés. Ces ghettos seraient dirigés par l’Autorité palestinienne (AP) ou une entité équivalente représentant les marionnettes bourgeoises palestiniennes de l’impérialisme américain.

Outre par Israël, une telle entité serait entourée par la Jordanie et l’Égypte, déterminées à empêcher un exode massif de Palestiniens démunis. En définitive, il s’agirait d’une prison à ciel ouvert imposée par l’impérialisme et l’entité sioniste, avec la complicité des régimes arabes. L’actuelle AP s’est déjà proposée pour administrer la bande de Gaza si et quand la guerre génocidaire d’Israël prendra fin.

L’affirmation de Sánchez qu’une telle initiative est dans «l’intérêt géopolitique de l’Europe» mérite d’être commentée. Cela signifie qu’elle aiderait les alliés des puissances européennes au Moyen-Orient, le Maroc, l’Arabie saoudite et l’Égypte, qui ont désespérément besoin d’une telle feuille de vigne pour dissimuler leur refus de venir en aide aux Palestiniens, en dépit de l’opposition croissante dans toute la région.

Le principal architecte de cette manœuvre a été le partenaire de la coalition gouvernementale du PSOE, Sumar, une scission du parti pseudo-de gauche Podemos. Sumar a d’abord essayé de l’intégrer dans l’accord de coalition avec le PSOE, mais ce dernier a refusé. Aujourd’hui, le PSOE a relancé la proposition de Sumar dans un contexte de montée de l’opposition de masse.

La dirigeante de Sumar et vice-première ministre Yolanda Díaz a salué l’initiative. Elle a exigé qu’elle soit mise en œuvre dès que possible: «Il ne suffit pas que cela se produise en été (reconnaissance de l’État palestinien), nous devons le faire immédiatement», a-t-elle déclaré.

Sumar est conscient de l’opposition croissante des travailleurs et des jeunes sur sa gauche. L’odeur d’hypocrisie qui émane du gouvernement PSOE-Sumar est si évidente que Díaz a dû se défendre, déclarant à une heure de grande écoute à la télévision: «Le président du gouvernement dirige le cessez-le-feu en Palestine. J’y attache de l’importance parce qu’il semble que le gouvernement espagnol ne fait rien». En réalité, il fait quelque chose: il fournit des armes pour soutenir l’offensive génocidaire d’Israël à Gaza.

Cela est bien connu de la population espagnole et surtout des électeurs du PSOE et de Sumar. Ces deux partis sont tellement discrédités que leur «occasion de photo» organisée en février, sous une banderole disant «Liberté pour la Palestine», n’a rassemblé que 3.000 personnes.

Cela contraste avec les centaines de milliers de manifestants à travers l’Espagne et le monde qui se sont mobilisés en soutien à la Palestine depuis qu’Israël a commencé son opération militaire contre Gaza le 7 octobre.

Les intérêts des travailleurs arabes et des travailleurs juifs ne peuvent être garantis que par la dissolution de l’actuel État d’Israël et son remplacement par un État multinational, avec droits démocratiques et sociaux complets pour les Juifs et les Arabes. Cela nécessite la construction d’un mouvement international socialiste et anti-guerre dans la classe ouvrière, opposé aux réactionnaires cyniques de la classe moyenne comme Podemos et Sumar.

(Article original publié en anglais le 12 avril 2024)

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