Des acteurs, des réalisateurs et d’autres artistes juifs font campagne en défense du cinéaste Jonathan Glazer et contre le génocide israélien à Gaza

Un groupe de plus de 150 acteurs, écrivains, réalisateurs et autres artistes juifs a publié une lettre ouverte défendant le cinéaste britannique Jonathan Glazer. Le scénariste-réalisateur est devenu la cible d’une violente campagne de diffamation maccarthyste en raison de commentaires qu’il a tenus, remettant en question le récit officiel pro-israélien à Hollywood, lors de la cérémonie des Oscars le 10 mars.

Parmi les signataires de la lettre ouverte on trouve les acteurs Joaquin Phoenix, Debra Winger, Frances Fisher et Elliott Gould, les réalisateurs Mike Leigh, Todd Haynes et Joel Coen, les écrivains Tom Stoppard et Wallace Shawn, le musicien Boots Riley, le critique de cinéma David Ehrlich, entre autres. La lettre affirme que les attaques contre Glazer «ont pour effet de faire taire notre industrie, contribuant à un climat plus large de suppression de la liberté d’expression et de la dissidence, les qualités mêmes que notre domaine devrait chérir». Elle souligne que «des artistes de tous horizons ont dénoncé le meurtre de civils palestiniens. Nous devrions tous pouvoir faire de même sans être accusés à tort d’alimenter l’antisémitisme ».

James Wilson, de gauche à droite, Leonard Blavatnik et Jonathan Glazer acceptent le prix du Royaume-Uni du meilleur long métrage international pour «The Zone of Interest» aux Oscars, le dimanche 10 mars 2024, au Dolby Theatre de Los Angeles . [AP Photo/Chris Pizzello]

Glazer a reçu la récompense du meilleur long métrage international pour The Zone of Interest, qui traite du commandant du camp d'extermination d'Auschwitz et de sa famille. Sur scène lors de la cérémonie, devant un public international de plusieurs dizaines de millions de personnes, Glazer a souligné que la représentation de la «déshumanisation… à son pire» dans le film n'était pas seulement axé sur le passé, mais aussi le présent.

Le cinéaste a expliqué que lui et ses collègues avaient rejeté la tentative de voir leur judéité et l’Holocauste même «détournés par une occupation qui a conduit à un conflit pour tant d’innocents. Qu’il s’agisse des victimes du 7 octobre en Israël ou de l’attaque en cours sur Gaza – toutes les victimes de cette déshumanisation – comment résister ? ».

Cela a suffi à déclencher une attaque hystérique de la part des forces pro-sionistes aux États-Unis et ailleurs, sensibles à l'opposition grandissante à la politique israélienne de massacre à Gaza et effrayées par elle. Quelque 1 000 nullités d’Hollywood ont signé une lettre misérable et malhonnête dénonçant Glazer, affirmant entre autres choses qu’«Israël ne cible pas les civils. Il vise le Hamas ». C’est là un mensonge absurde et éhonté, et pratiquement toutes les personnes réfléchies sur terre le savent. Le récent assassinat délibéré des travailleurs humanitaires de World Central Kitchen, qui apportaient de la nourriture aux affamés, n'était que la dernière attaque en date depuis des mois de bombardements israéliens de type nazi contre les habitations, les hôpitaux, les écoles, les bibliothèques, les mosquées, les universités, les abris, les convois humanitaires et des files de distribution de nourriture.

Comme nous l’avons commenté le 19 mars, en réponse à la lettre réactionnaire et pro-génocide de «professionnels d’Hollywood» :

[Israël] a lancé une campagne délibérée et planifiée de nettoyage ethnique et de génocide, visant à anéantir ou à chasser la population palestinienne de Gaza. Ceci est reconnu par les agences humanitaires, les organisations de défense des droits de l’homme et même les médias d’information du monde entier. Les gangsters-fascistes du cabinet Netanyahou ne l’ont pratiquement pas caché.

La lettre des «professionnels» s'offusque de l'utilisation par Glazer du mot «occupation» à propos des opérations israéliennes, ce qui, encore une fois, est un fait presque universellement reconnu par l'opinion publique internationale. La référence à «un peuple juif indigène» est factuellement fantaisiste et donne un aperçu du caractère d’extrême droite de ces gens.

Depuis cette lettre, diverses voix se sont élevées pour défendre Glazer. Le dramaturge et scénariste Tony Kushner, interrogé le 20 mars sur le discours de la cérémonie de remise des oscars, a répondu que les paroles de Glazer étaient une «déclaration incontestable et irréfutable ». Selon Variety, «lorsqu'on lui a demandé s'il s'identifiait au discours, Kushner a répondu : 'Bien sûr. Je veux dire, qui ne le fait pas’? Ce qu'il dit est si simple. Il dit: la judéité, l’identité juive, l’histoire juive, l’histoire de l’Holocauste, l’histoire de la souffrance juive ne doivent pas être utilisées dans une campagne de […] comme excuse pour un projet de déshumanisation ou de massacre d’autres gens ».

«Il s’agit d’un dévoiement», a poursuivi Kushner, «de ce que signifie être juif, de ce que signifiait l’Holocauste, et [Glazer] rejette cela. Qui n’est pas d’accord avec ça? Quel genre de personne pense que ce qui se passe actuellement à Gaza est acceptable? ».

Le cinéaste britannique chevronné Ken Loach, défenseur de longue date des Palestiniens, a récemment déclaré à Variety qu'il avait «un grand respect» pour Glazer, insistant sur le fait que le réalisateur était «très courageux» pour avoir fait ces commentaires lors de la cérémonie de remise des oscars. « Et je suis sûr qu'il a compris les conséquences possibles, ce qui le rend encore plus courageux. J'ai donc un grand respect pour lui et son travail », a-t-il expliqué.

Loach a reconnu que Glazer avait été attaqué pour ses remarques, mais a noté que le jeune cinéaste britannique avait également reçu «beaucoup de soutien de la part de très nombreux Juifs qui ont déclaré que cela brise le stéréotype que tous les Juifs soutiennent ce que fait Israël, car clairement ce n'est pas le cas ».

Autre signe d'une large opposition parmi les acteurs et les cinéastes au génocide de Gaza : la vente aux enchères en ligne de la campagne Cinéma pour la Palestine, organisée en soutien à l'Aide médicale aux Palestiniens (MAP en anglais), a permis de récolter jusqu'à présent quelque 117.000£ (150.000 $). La vente aux enchères en ligne, prévue du 2 au 12 avril, a reçu des cadeaux ou des dons de nombreux acteurs et réalisateurs, qui sont proposés à la vente au public pour récolter des fonds.

Mike Leigh en 2018

La liste des donateurs comprend Leigh, Loach, Tilda Swinton, Brian Cox, Ramy Youssef, Peter Capaldi, Maxine Peake, Imelda Staunton, Joseph Quinn, Joanna Hogg, Aimee Lou Wood, Stellan Skarsgård, Andrea Riseborough, Annemarie Jacir, Emma Seligman, Juliet Stevenson, Tessa Thompson et Shane Meadows.

Glazer lui-même a fait don de deux affiches de film signées pour ses films The Zone Of Interest et Under The Skin. Spike Lee a fait don d'une affiche encadrée et signée pour son film Malcolm X , tandis que, selon le site d’information Deadline, « Olivia Colman s'est engagée à envoyer un message vidéo personnalisé », « Susan Sarandon offre la possibilité de discuter de votre film préféré de Susan Sarandon sur Zoom avec elle et à côté d’un t-shirt signé Rocky Horror Picture Show» et « [le réalisateur] Paul Mescal a fait don d’une affiche signée Aftersun

Cox a fait don de places pour une production pour Long Day's Journey into Night d'Eugene O'Neill et pour une «rencontre» avec l'acteur lui-même. Cela a permis de récolter 1000 £. Les paroles manuscrites de «Sweet Dreams» de la chanteuse Annie Lennox ont rapporté 7700 £. L’actrice «Rebecca Hall vous lira (ou à vos enfants) une histoire avant d’aller au lit» – prix 425 £. Une affiche du film Supernova 2020, signée par Colin Firth, Stanley Tucci et le réalisateur Harry McQueen, a récolté 350 £. « Une conversation avec [l'actrice sur liste noire] Melissa Barrera, la femme la plus courageuse d'Hollywood », a été achetée pour 2194 £.

L’une des principales différences entre la récente lettre ouverte des réalisateurs et acteurs juifs et la déclaration du mois dernier des «professionnels d’Hollywood» dénonçant Glazer est que la première inclut des individus dotés de véritables talents et capacités artistiques. Leigh, Stoppard, Coen, Gould, Haynes, Shawn, ainsi que la documentariste Amy Berg, l'acteur comique David Cross, les réalisatrices Nicole Holofcener et Seligman, représentent quelque chose de substantiel.

L’isolement croissant du milieu pro-israélien, même parmi les artistes juifs, est un indicateur révélateur des changements politiques et culturels plus généraux qui se produisent aux États-Unis.

Bien évidemment, les artistes dans l’ensemble ne parviennent pas encore à comprendre la logique de leurs propres critiques et à tirer des conclusions précises et de grande portée sur le sionisme et sur Israël en tant qu’État illégitime, mais une radicalisation indubitable est en train de se produire.

(Article paru en anglais le 8 avril 2024)

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