La FIQ veut imposer des concessions au personnel de la santé:

Les infirmières du Québec doivent rejeter les ententes de trahison conclues par leur syndicat

Après presque un an et demi de négociations, les dirigeants de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) ont conclu une entente de principe avec le gouvernement de droite du Premier ministre François Legault.

Tout indique que l’entente, sur laquelle les quelque 80 000 infirmières et professionnels de la santé devront voter du 10 au 12 avril, est aussi mauvaise – sinon pire – que celles imposées aux autres travailleurs du secteur public par les dirigeants du Front commun intersyndical et de la FAE (Fédération autonome de l’enseignement) il y a deux mois.

Ces bureaucrates syndicaux ont torpillé le puissant mouvement de grève des 500 000 employés de l’État – qui jouissait d’un large appui dans la population – par crainte qu’il n’échappe à leur contrôle et devienne le catalyseur d’une mobilisation générale contre le programme d’austérité de Legault et de toute la classe dirigeante.

Il y a une vive opposition à l’entente parmi les membres de la FIQ, reflétée par le fait que celle-ci n’a reçu l’aval que de 53% des délégués lors du Conseil fédéral tenu fin mars. Dans un communiqué, la présidente de la FIQ, Julie Bouchard, a dû reconnaitre que l’entente «est le fruit de choix parfois déchirants». Autrement dit, Bouchard admet que le syndicat a accepté le maintien de conditions intolérables et a abandonné les revendications élémentaires des membres de la base.

Les travailleurs se sont tournés vers les réseaux sociaux pour exprimer leur colère non seulement contre l’entente, mais aussi contre la FIQ, qui a recommandé cette offre pourrie aux membres. Parmi des dizaines de commentaires hostiles de travailleurs sur la page Facebook de la FIQ, on peut lire par exemple: «cette entente ne devrait même pas être soumise au vote tellement elle est inacceptable». Une autre écrit: «je n’en reviens pas que la FIQ ose nous présenter cette entente».

Les travailleuses et travailleurs de la FIQ doivent rejeter cette entente de trahison qui va empirer les conditions de travail pénibles ayant déjà poussé de nombreuses infirmières à quitter le réseau de la santé. Mais un tel rejet doit être fait dans la perspective de relancer la lutte sur une toute nouvelle base.

L’expérience récente des autres travailleurs du secteur public démontre qu’une politique de pression sur les syndicats et le gouvernement ne peut apporter aucun gain réel. Des enseignants militants ont certes forcé la main de la FAE pour qu’elle organise une grève générale de 22 jours. Mais la direction de la FAE a réussi à isoler cette lutte en refusant de faire le moindre appel à une mobilisation plus large contre l’assaut patronal.

Le sabotage du mouvement de grève dans le secteur public par les bureaucrates du Front commun et l’isolement sectoriel imposé par la FIQ constituent une sérieuse pression sur les membres de la FIQ à la veille des votes.

Mais les conditions demeurent favorables pour relancer la lutte, car il existe toujours un immense appui parmi la classe ouvrière. La grande leçon de la lutte de cet automne est qu’un rejet des offres doit être combiné à une mobilisation massive de la classe ouvrière, au Québec et à travers le Canada, pour la défense des emplois et des services publics sur une base indépendante, c’est-à-dire en opposition aux appareils syndicaux pro-patronaux.

Le contenu de l’entente soumise au vote des infirmières démontre que, comme les chefs du Front commun et de la FAE, la direction de la FIQ a accepté des reculs majeurs. Les offres salariales de 17,4% sur 5 ans, comme celles acceptées par le Front commun en décembre, ne représentent aucunement le rattrapage salarial promis par les syndicats après des décennies de reculs. Il serait même en deçà du taux d’inflation d’environ 18% prévu pour cette période.

L’entente vient aussi consolider la tentative de longue date du gouvernement de forcer le personnel à accepter des postes à temps plein contre leur gré en pénalisant les postes à temps partiel, y compris par la réduction de certaines primes selon des commentaires sur les réseaux sociaux.

L’entente contient également des promesses creuses sur des questions clés comme de meilleurs ratios infirmières-patients et l’«encadrement» du temps supplémentaire obligatoire (TSO). En réalité, aucune mesure concrète n’est avancée pour éliminer cette pratique qui ruine la vie personnelle et la santé mentale des soignants et soignantes.

La concession majeure de la FIQ, toutefois, est au niveau de la «flexibilité», une exigence centrale du gouvernement dont le but est de forcer les travailleurs à changer de lieu de travail et de département au gré des besoins de l'employeur en modifiant la notion de «centre d’activité».

Le regroupement de «secteurs» pour favoriser le déplacement de personnel a déjà été conventionné lors de négociations précédentes et a été appliqué systématiquement sous décrets ministériels durant la pandémie. L’objectif du gouvernement est de normaliser cette pratique, ce qui aura des effets dévastateurs autant pour le personnel que pour les patients.

Un avant-goût des impacts à prévoir a été donné en Mauricie l’an dernier alors que le CIUSSS régional a déplacé du personnel afin de pallier à la pénurie de main-d’œuvre. En conséquence, environ 650 infirmières écœurées et exténuées ont quitté le réseau public dans la région en 2023, soit environ 200 de plus que l'année précédente.

L’attaque du gouvernement contre les acquis des travailleurs est directement liée à la privatisation accrue des soins de santé exigée par la classe dirigeante. À la fin 2023, en pleines négociations collectives dans le secteur public, le gouvernement Legault a adopté sous «bâillon», et sans opposition sérieuse des syndicats, une «mégaréforme» du réseau de la santé. Ainsi, la loi 15 prévoit la création de «Santé Québec», une nouvelle agence unique contrôlée par une poignée d’individus issus du monde des affaires dont le but est de réduire les coûts et privatiser davantage les soins.

Enfin, la signature de l’entente par les dirigeants de la FIQ vient mettre une pression immense sur les 5600 infirmières, infirmières auxiliaires et inhalothérapeutes membres de la Fédération de la santé du Québec (FSQ-CSQ), qui sont toujours sans contrats après que les délégués ont rejeté les offres à 98% à la fin décembre.

La conduite de la FIQ tout au long des négociations a été marquée par l’isolement et la division de ses membres. Sous prétexte que les infirmières seraient un «cas à part», notamment parce qu’elles sont majoritairement des femmes, la FIQ a refusé d’unir la lutte de ses membres à celle des 500 000 travailleurs du secteur public, lesquels menaient un des plus vastes mouvements de grève des 50 dernières années au Québec et dans tout le Canada.

Par peur que les infirmières – qui font partie des bataillons les plus militants de la classe ouvrière – ne rejoignent le personnel scolaire en grève, la FIQ a accepté la demande du gouvernement Legault d’étirer les négociations jusqu’à ce que les ententes soient finalement acceptées au Front commun.

Pour être en mesure de mobiliser l’appui de la classe ouvrière, les travailleurs de la santé de la FIQ et de la FSQ doivent reconnaître qu’ils ne sont pas un «cas à part». L’assaut contre leurs conditions fait partie d’une attaque généralisée de toute la classe dirigeante québécoise et canadienne contre les emplois et les salaires de tous les travailleurs, et contre les services publics dont ils dépendent.

Pour étendre la lutte, il faut briser la camisole de force que sont les soi-disant «négociations collectives» au Québec, dont les paramètres sont fixés d’avance par le gouvernement, et acceptés docilement par les appareils syndicaux.

Les gouvernements capitalistes répètent sans cesse qu’«il n'y a pas d'argent» pour les services publics, mais les poches de l’état n’ont pas fond pour les besoins de la grande entreprise et des banques, qui reçoivent des milliards en baisses d’impôts et en subventions de toutes sortes.

Les dépenses sociales vitales sont incompatibles avec les dépenses militaires en forte hausse pour financer les guerres que mène l’impérialisme canadien en étroite collaboration avec Washington à travers le globe. Avec le soutien de l’establishment québécois, le gouvernement libéral fédéral de Justin Trudeau investit des milliards dans la guerre que mène l'OTAN contre la Russie en Ukraine et appuie la guerre génocidaire perpétrée par Israël contre la population pauvre de Gaza.

La lutte du personnel de la santé pour défendre leurs conditions et les services publics est en essence politique, car elle contrevient à tout le programme d’austérité, de guerre et de privatisation de l’élite dirigeante. Elle est aussi fondamentalement internationale en ce qu’elle est une expression au Québec d’un processus international: partout dans le monde, on exige que les travailleurs portent tout le poids de la crise capitaliste à travers des attaques incessantes sur leurs conditions d’existence.

Toute lutte sérieuse pour la défense des intérêts de toute la classe ouvrière exige une rupture avec la bureaucratie syndicale et sa stratégie nationaliste qui a servi au cours des dernières décennies à étouffer la lutte des classes.

Conscients de ces enjeux et déterminés à empêcher les syndicats de torpiller une nouvelle fois leur lutte, des travailleurs du secteur public ont fondé, en décembre dernier, le Comité de base de coordination des travailleurs du secteur public.

Ce comité, totalement indépendant des directions syndicales et constitué uniquement de travailleurs de la base, continue de mobiliser les travailleurs du secteur public et au-delà en défense des emplois, des salaires et des services publics. Et ce combat est indissociable d’une lutte plus large pour l’égalité sociale et l’abolition du système de profit.

Nous appelons les infirmières et tous les travailleurs intéressés par cette perspective à rejoindre le Comité de base de coordination des travailleurs du secteur public. Contactez-nous à cbsectpub@gmail.com ou en remplissant le formulaire au bas de cet article.

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