Attentat à Moscou: Révolution Permanente couvre le rôle de l’Otan et de Kiev

Réagissant à l’attentat à Moscou, le site moréniste Révolution Permanente tente de laver l’implication de l’Ukraine et des puissances impérialistes dans cette attentat et plus largement le caractère impérialiste de l’intervention de l’OTAN en Ukraine.

Sur cette photo tirée d’une vidéo publiée par le Comité d’enquête de Russie le samedi 23 mars 2024, des pompiers travaillent dans la salle de concert Crocus City Hall, à l’ouest de Moscou, incendiée après l’attentat du 22 mars. [AP Photo/AP Photo / Russlands etterforskingskomité]

Ceci révèle le gouffre qui sépare RP, un groupe moréniste lié au Nouveau parti anticapitaliste (NPA) pabliste, du Parti de l’égalité socialiste (PES), section française du Comité international de la IVe Internationale. Le PES dénonce les préparatifs de Macron d’envoyer des troupes françaises défendre le régime ukrainien corrompu en faisant la guerre à la Russie. Mais RP tente de cacher l’agressivité et la criminalité politique de l’OTAN et du régime ukrainien, et ainsi de limiter l’opposition ouvrière à l’escalade militaire de Macron.

Dans une analyse de l’attentat à Moscou que l’on aurait pu trouver dans les pages du New York Times ou du Monde, RP écrit:

Alors que l’État Islamique a revendiqué l’attaque, ce matin, le FSB a rapporté à Poutine l’arrestation de 11 personnes, dont quatre auteurs présumés de faits interceptés dans l’oblast de Briansk à côté de la frontière avec l’Ukraine. Cela a suffi aux autorités russes pour proclamer la responsabilité de Kiev dans l’attaque, le FSB affirmant que les assaillants avaient des contacts du côté de l’Ukraine et comptaient se réfugier dans son territoire après l’attentat.

RP tente de décrédibiliser la thèse d’une implication de l’Ukraine en la mettant dans la bouche du FSB, le renseignement russe qui descend de la police secrète stalinienne qui a assassiné Trotsky et les Vieux Bolchéviks.

Mais en réalité, les preuves mettent en évidence une implication du renseignement ukrainien et de l’OTAN. Lors de l’attentat à Crocus City Hall, des ressortissants du Tadjikistan, une République ex-soviétique d’Asie centrale, ont fait 143 morts et plus de 500 blessés. Les terroristes devaient s’enfuir en Ukraine après l’attentat, qui a été revendiqué par l’État islamique-Khorasan (EI-K), un réseau terroriste étroitement lié aux guerres menées par l’OTAN.

Cette attentat fait partie d’une série d’attaques de plus en plus répétées menée sur le territoire de Russie par les services de renseignements et militaires ukrainiens avec l’aval de l’Otan. Le dernier en date a eu lieu contre une usine de fabrication de drones et une raffinerie dans la région russe du Tatarstan, à 1.000km de la frontière ukrainienne.

Les réseaux comme l’EI-K et Al-Qaïda ressortent des interventions de l’impérialisme américain et de ses guerres sur plusieurs décennies au Moyen-Orient et en Asie centrale. Le Tadjikistan est impliqué dans les conflits armés dans l’Afghanistan voisin depuis les années 1980, lorsque Washington a mobilisé des réseaux islamistes dirigés par Oussama ben Laden pour faire la guerre à un régime pro-soviétique en Afghanistan.

L’État islamique est le produit des guerres néocoloniales menées par l’impérialisme en Irak et en Syrie depuis la dissolution stalinienne de l’Union soviétique en 1991. Après l’invasion illégale de l’Irak en 2003, l’OTAN a de nouveau mobilisé des réseaux islamistes dans le cadre des guerres qu’elle a lancées en 2011 en Libye et en Syrie. En effet, l’impérialisme français a joué un rôle central pour défendre la mobilisation de réseaux liés à Al Qaïda pour mener des guerres en Libye et en Syrie.

RP n’existait pas encore sous ce nom mais agissait en tant que fraction du NPA, qui saluait l’opposition syrienne comme menant à bien une «révolution». Olivier Besancenot, porte-parole du NPA et ancien candidat à la présidentielle, déclarait à RFI en 2014: « Fabius [Ministre français des Affaires étrangères] est en boucle, cela fait des mois qu'il tient le même discours. Qu'il donne gracieusement des armes aux révolutionnaires syriens».

Rejetant les réserves soulevées par certaines sections de l'establishment impérialiste, selon lesquelles inonder d'armes l'opposition syrienne revenait à armer les terroristes, Besancenot a dit: « Ceux qui disent 'il ne faut surtout pas donner d'armes parce que cela va finir chez les djihadistes', c'est déjà le cas ... C'est ma constance en tant qu'internationaliste de faire confiance aux peuples pour décider de leur propre destin.»

En réalité, les guerres impérialistes de l’OTAN ont produit des désastres pour les peuples de la région. 13 ans plus tard, la Libye et la Syrie vivent encore des guerres civiles qui ont fait des centaines de milliers de victimes et des dizaines de millions de réfugiés.

Quant à l’EI-K, il a recruté parmi les soldats et les espions que l’OTAN a formés en Afghanistan pendant son occupation de ce pays entre 2001 et 2021. Ces soldats ont dû se cacher quand l’OTAN a quitté l’Afghanistan en 2021, et le régime néocolonial afghan s’est effondré en quelques jours. Depuis, l’EI-K mène des attentats alignés sur les besoins de l’OTAN, comme l’attentat en Iran en janvier qui a tué 84 personnes et fait 284 blessés lors des funérailles du Général Qasem Soleimani, assassiné à Bagdad par un drone américain.

Ces forces islamistes combattent à présent la Russie pour le compte de l’OTAN. En janvier 2023, le New York Times a rapporté que des éléments nationalistes et d’extrême droite de toute l’ancienne Union soviétique, y compris du Caucase du Nord et de l’Asie centrale, avaient afflué en Ukraine pour combattre la Russie.

Selon le Times, «la plupart d’entre eux nourrissent l’ambition politique à long terme de rentrer chez eux et de renverser les gouvernements russe et biélorusse. Les volontaires eux-mêmes affirment qu’ils agissent en toute connaissance de cause et sous les ordres de l’armée et des services de renseignement ukrainiens. Nombre de leurs opérations sont secrètes, y compris de dangereuses missions de reconnaissance ou de sabotage derrière les lignes russes.»

RP garde le silence sur le rôle réactionnaire du NPA mais jubile que l’attentat à Moscou «embarrasse» Poutine. Il n’y a dans son analyse aucune reconnaissance du caractère tragique de l’attentat pour les proches des victimes dans la population russe.

Traitant de l’attentat non pas d’acte réactionnaire qui a coûté la vie à des centaines de personnes, mais d’intervention utile qui affaiblira le régime russe face à l’OTAN et au régime de Kiev, RP écrit:

Comme à l’époque des attentats de Nord-Ost et de Beslan, Poutine semble embarrassé par l’attaque surprise qui brise le mythe de la ‘stabilité’ que prétend garantir son régime à la population. Celui qui a commencé son règne par la promesse de répondre brutalement à chaque attentat en proclamant ‘on ira les buter jusque dans les chiottes’ reste muet plus de 17 heures après l’attaque.

Ainsi la question que pose RP est de savoir si le nombre important de victimes déstabilisera Poutine en attisant les tensions ethniques et religieuses en Russie et dans l’ex-URSS. Ceci faciliterait le découpage et la conquête de la région qu’espèrent opérer Macron et l’OTAN en intervenant au sol en Ukraine contre la Russie. Comme on le voit dans le soutien de l’impérialisme au génocide à Gaza, cette guerre fait partie d’une offensive réactionnaire plus largement à travers toute l’Eurasie.

Cette réaction met en évidence que RP élabore ses perspectives entièrement à l’intérieur du cadre de la politique impérialiste. RP n’aborde ni le rôle réactionnaire du stalinisme, ni comment sa dissolution de l’Union soviétique a permis aux puissances impérialistes de l’OTAN de lancer des guerres à travers le Moyen Orient, ni le lien entre l’impérialisme et la montée des réseaux islamistes. Il fonde son opposition au régime poutinien non pas sur une opposition trotskyste au stalinisme, mais sur une opposition pro-impérialiste à la Russie.

RP nie le caractère agressif de l’offensive néocoloniale des puissances impérialistes de l’OTAN, en affirmant faussement que Washington ne veut pas la guerre:

Les Etats-Unis ne souhaitent plus jouer le rôle de gendarme du monde… Dans cet exercice d’équilibre délicat, cherchant à ne pas paraître faible sans provoquer d’escalade, l’administration Biden a réagi en attaquant 85 cibles alliés à Téhéran en Irak et en Syrie, ais a pris soin de ne pas s’en prendre directement à l’Iran.

Ceci est une falsification réactionnaire. Si Washington ne veut pas mener de guerres, pourquoi vote-t-il un effort de défense de près de mille milliards d’euros, et pourquoi Macron appelle-t-il à envoyer des troupes en Ukraine et à construire en France et en Europe une «économie de guerre»? En réalité, le commandement militaire, en France comme dans les autres pays de l’OTAN, appelle constamment à être prêt à la «guerre de haute intensité».

Cette falsification est organiquement liée à l’évolution historique antitrotskyste de la tendance petite-bourgeoise moréniste dont fait partie RP. Celle-ci a rompu avec le CIQI en 1963 pour opérer une réunification sans principe avec la tendance pabliste avec laquelle le CIQI avait fait scission dix ans auparavant. La fondation politique de cette réunification était le rejet de toute politique révolutionnaire indépendante de la classe ouvrière internationale, et la fausse conception pabliste que les appareils staliniens joueraient un rôle révolutionnaire.

Les morénistes se sont rangés derrière les pablistes, qui se sont fait l’écho des commentateurs impérialistes en saluant les initiatives de Gorbatchev qui préparaient la dissolution de l’URSS et la restoration du capitalisme en tant que réforme démocratique. Ainsi ils attaquaient Trotsky, qui avait insisté que seule une révolution politique des travailleurs contre l’appareil stalinien pourrait rétablir la démocratie ouvrière en Union soviétique.

Ceci les a préparés ensuite, dans la période post-soviétique, à applaudir les guerres impérialistes de l’OTAN en Libye et en Syrie, ainsi que l’intervention de l’OTAN en Ukraine, comme de prétendues «révolutions démocratiques».

Une profonde opposition existe dans la classe ouvrière européenne et internationale à l’offensive lancée par l’OTAN contre la Russie. 68 pour cent des Français, 80 pour cent des Allemands et 90 pour cent des Polonais sont hostiles à l’envoi de troupes combattre la Russie. Mais la mobilisation de cette opposition contre la Troisième Guerre mondiale naissante ne peut procéder qu’à travers une lutte contre les mensonges politiques et historiques que racontent des tendances pablistes comme RP.

RP reflète les intérêts matériels de couches sociales aisées et d’étudiants liés à la bureaucratie stalinienne de la CGT ou à sa périphérie universitaire. RP a quitté le NPA en 2021 après avoir formulé des critiques tactiques sur l’adhésion du NPA aux guerres en Libye et en Syrie, comme sur la dénonciation par le NPA de la lutte des «gilets jaunes» contre Macron. Mais son alignement sur la propagande impérialiste antirusse révèle que cette rupture ne servait qu’à couvrir leur propre complicité dans la politique impérialiste.

Cette rupture avec le NPA n’a pas empêché RP d’appeler à voter NPA lors des élections présidentielles en 2022, cela qui valait un chèque en blanc pour la guerre en Ukraine.

La CIQI et sa section française, le PES, ont été les seuls à formuler une critique trotskyste du soutien du NPA et puis de RP à l’impérialisme. Ils encouragent largement les meetings et les manifestations antiguerre, afin de mobiliser les travailleurs et faciliter leur prise de conscience de la nécessité de construire un mouvement international et socialiste contre les guerres de l’OTAN et du régime de Poutine.

La précondition d’une telle mobilisation ouvrière est une lutte pour une perspective trotskyste, c’est-à-dire de révolution socialiste internationale, contre les tendances petite-bourgeoises qui couvrent l’impérialisme et la complicité impérialiste dans les crimes terroristes.

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